Marien Hvala est un jeune artiste de 27 ans, travaillant à Paris. L’ensemble de ses œuvres forment une véritable ôde à l'architecture et à la perspective, agrémentée d’une passion et d’une utilisation des couleurs illustrant un monde fabuleusement utopique. Cette lettre d’amour à la symétrie déclenche chez les spectateur·rices qui contemplent son travail, une panoplie de ressentis et d’émotions intenses, allant de la simple satisfaction jouissive à un sentiment de calme et de sérénité profonde. C’est un véritable refuge pour les personnes qui, comme moi et comme beaucoup, souffrent de troubles obsessionnels compulsifs et d’une sensibilité accrue pour l’ordre et la perfection. Un malaise que l’artiste connaît et partage également, puisqu’il est l’une de ses sources motrices qui ont façonné sa direction artistique.

Marien Hvala reçoit son diplôme en 2017 à l’école de photographie EFET et, comme beaucoup d’étudiants, il sort de son école avec la sensation prenante d’être perdu. Les études et écoles d’art sont des temps et des années de vie à part, en dehors du monde extérieur. Nous sommes plongés dans un microcosme de création constante et d’histoire de l’art extrêmement dense et vaste. Si vaste que, souvent, nous nous perdons en chemin sans savoir où s’ancrer ensuite dans le grand bassin de l’art contemporain.

C’est alors que le proverbe “Si tu ne sais pas où tu vas, regardes d’où tu viens” prend tout son sens et, c’est exactement ce que Marien Hvala a entrepris. Depuis tout petit, son regard était toujours inconsciemment porté sur les structures, les bâtiments et les enseignes de magasin et, en allant encore plus loin, il comprit à quel point les perspectives s’étaient imposées naturellement à lui comme une évidence. Au fur et à mesure de sa pratique, elles se sont développées et sont devenues une obsession constante de justesse et d’équilibre.

Lors du premier confinement début 2020, après une longue période d'introspection, il entame son projet photographique. Ses premières œuvres prennent forme à travers une démarche minimaliste de la photographie, composées de structure et de formes répétitives. Aujourd’hui, sa démarche créative a évolué et s’est complexifiée. La découverte des logiciels de post-production lui ont ouvert les portes d’une multitude de possibilités au-delà de ce que la réalité nous offre à voir.
Dans la continuité de notre petite balade architecturale, j’ai eu la chance et le plaisir de m’entretenir avec Marien Hvala afin d’en découvrir davantage sur son travail. Je vous laisse me suivre dans cette interaction généreusement riche et passionnante.

Comment la découverte des logiciels de post-production a-t-elle chamboulé votre manière de créer ?

Ayant toujours aimé retoucher, lorsque j’ai pris la décision d’inclure la post production dans mon travail photographique, les choses se sont faites plutôt naturellement. J’ai très vite compris que je m’ouvrais à de nouvelles possibilités créatives. À la suite de ça, je me suis énormément renseigné via des tutos et des articles de post-production (notamment photoshop) pour me perfectionner afin de rendre ma démarche la plus personnelle possible. Je me suis alors plongé dedans, quitte à retoucher durant des dizaines et dizaines d’heures sur une seule image pour la décomposer et la recomposer. À partir du moment où le montage me convient, je peux ensuite finir par de la chromie sur lightroom pour m’exprimer colorimétriquement et rendre l’image moins réaliste.

Quel·les sont les artistes qui vous inspirent et pourquoi ?

Je ne pourrais pas tous·tes les citer car nombreux·ses sont les artistes de talents qui m’inspirent. En premier lieu, je dirai Éric Tabuchi pour son travail de recherche et son style photographique très abrupt, spécialisé dans le périurbain. Il y a également Dino Kuznik, un photographe Slovène ayant un style structurel et minimaliste avec une composition à couper le souffle et des couleurs sublimes. François Prost, photographe français qui a sorti un livre nommé Gentleman’s Club, un travail uniquement basé sur les façades de club de strip tease aux États Unis, époustouflant. Pour finir, mon très cher ami photographe et réalisateur Thomas Restout, que j’ai eu la chance de rencontrer durant mon cursus; son travail sur la lumière et les couleurs me subjugue à chaque fois, il a un univers sombre mais très prenant.

Comment cette fascination pour la perspective et la symétrie s’est-elle imposée à vous ?

Cette fascination est arrivée soudainement lors de ma dernière école de photographie, à cette époque mon travail portait essentiellement sur la photographie sportive mettant en lumière les structures qui entouraient le sujet principal. C’était pour moi « normal » que les perspectives soient absolument droites. Je me sentais incapable de laisser une horizon asymétrique au point de m’en sentir embarrassé.

Avez-vous une architecture préférée et si oui, laquelle ?

J’ai une préférence pour l’architecture brutaliste et l’architecture postmoderne. Ce sont deux styles différents mais qui restent essentiels à mon égard. Le brutalisme pour son aspect terne et sa structure Soviétique. La façon dont les bâtiments ont été conçus pour reconstituer les villes après la seconde guerre mondiale avec peu de moyens me captive très fortement. Le postmodernisme pour sa grandeur, son style déstructuré et symétrique ainsi que ses couleurs qui peuvent être parfois agréablement surprenantes. C’est sans doute le style d’architecture qui m’influence le plus dans mon travail et ma manière de créer.

Qu’est-ce que l’architecture évoque en vous ?

L’architecture évoque pour moi beaucoup de poésie, cette façon de s’exprimer à l’aide de matériaux peut facilement m’ensorceler pendant des heures entières. J’ai un énorme respect envers les architectes qui se donnent corps et âmes pour créer tous types de bâtiments avec une telle précision, dans le but de concevoir au mieux des lieux de vie et de travail. C’est un sentiment profond que je ressens lorsque j’admire certaines structures qui me conviennent visuellement, comme une sorte de satisfaction personnelle alors que je n’ai rien fait d’autre que de les admirer.

Comment imaginez-vous la suite de votre travail ?

Dans un premier temps je vais continuer de produire au maximum pour voir où ce projet m’amène. Par la suite, j’aimerai concevoir des expositions afin de partager ma vision, par l’intermédiaire d’un espace pensé et agencé, dans le but de créer un univers utopique immersif. J’ai pour projet également de faire des livres photographiques que je souhaite produire après avoir élaboré ma première exposition personnelle. J’ai ce besoin de faire les choses dans un ordre précis, d’être sûr de savoir comment amener toutes mes créations d’une manière harmonieuse pour en tirer la plus belle histoire possible. En parallèle, je commence à développer un autre projet qui s’axe autour de la thématique du portrait conceptuel, où les modèles y sont habillé·es de manière extravagante dans des endroits idylliques.