Immense territoire localisé en Amérique du Sud, la Guyane est une la dernière attache de la France dans cette région. Elle est à la seconde place dans deux classements : deuxième région la moins peuplée de France, et deuxième par sa superficie. Elle abrite 301 000 habitants sur un territoire recouvert à 97% par la forêt amazonienne. Connaissez-vous son histoire ?

Les prémisses de la Guyane

Le nom est amérindien. Guyane, en arawak, un des derniers peuples autochtones encore présents dans la région, signifie “Terre d’eaux abondantes”. C’est justifié : c’est un territoire bordé par l’océan et traversé par plusieurs fleuves et affluents.

Les premières traces de vie trouvées en Guyane remontent au Vème millénaire avant notre ère. Il s’agit de peuples amérindiens, du groupe linguistique des Tupi-Guarani. Ce groupe mêle beaucoup de communautés autochtones et est le plus étendu géographiquement de l’Amérique latine. Les peuples Teko et Wayãpi vivent encore en Guyane. D’autres peuples sont par la suite arrivés : les Arawaks, les Palikur par exemple, venant des rives de l’Amazone, ainsi que quelques siècles plus tard, les Ka’lina et les Wayana. Ces quatre peuples, ainsi que les deux Tupi-Guarani, sont les derniers peuples autochtones présents en Guyane.

Comme le reste du continent américain, la Guyane devient connue du monde européen lorsque Christophe Colomb et ses bateaux viennent heurter ses côtes. En 1494, le traité de Tordesillas partage entre l’Espagne et le Portugal une grande partie du continent, mais de nombreuses nations européennes tentent tout de même de conquérir des bouts de territoire. C’est le cas de la France, puissance coloniale attirée par ce nouveau monde. Elle y commence ses implantations en 1503. C’est parcellaire. A l’époque, les colons se déplacent le long des côtes, en reconnaissance. Leur installation ne dure bien souvent que quelques mois : ce sont des occupations ponctuelles, fruit de leurs explorations. Ils sont rejoints peu de temps après par les anglais et les néerlandais. D’où les trois Guyanes actuelles : la Guyane française et ses deux consoeurs indépendantes, le Guyana, anciennement anglais, et le Surinam, ancien fief des Pays-Bas.

La colonisation est difficile. Si les amérindiens succombent aux maladies européennes, les colons ne sont pas en reste, décimés par la fièvre jaune. La forêt amazonienne est profonde et impénétrable, le climat humide et inhospitalier. Les conditions de vie sont, au mieux, difficiles. La Guyane, sa nature et ses habitants sont hostiles aux français, malgré leur volonté farouche de l’occuper. Seuls l’île de Cayenne et quelques postes militaires le long du fleuve sont conquis : une implantation fragile.

Les débuts de l’esclavage

La colonisation s’appuie d’abord sur des volontaires. Mais ils sont rares à accepter de s’exiler 3 ans minimum au fin fond de la forêt amazonienne, sous la menace des amérindiens. Très vite, la France envoie des esclaves africains, dédiés à la culture des produits coloniaux typiques : sucre, épices, chocolat, café. Un modèle économique qui ne respecte pas les ressources locales, pourtant énormes. Un modèle économique qui tombe aussi en 1848, lors de la proclamation de l’abolition de l’esclavage en France. La Guyane, sans main d'œuvre gratuite et forte d’immenses richesses naturelles, devient un territoire pauvre, sous-peuplé.

Mais un territoire de liberté. Dans cette jungle amazonienne, les frontières sont mouvantes. Pendant longtemps, les délimitations entre la Guyane et les territoires nérlandais et portugais n’ont pas été claires. En 1822, lorsque ce dernier devient indépendant et prend le nom de Brésil, plusieurs centaines de kilomètres sont contestées entre les deux puissances. Une zone de non-droit s’installe, territoire neutre et refuge d’aventuriers, d’esclaves en fuite. Il faudra l’arbitrage de la Suisse pour que les deux pays s’accordent : l’Oyapock leur sert de frontière fluviale.

Avec la proclamation, pour la seconde et dernière fois, de l’abolition de l’esclavage, les plantations de Guyane perdent leur main d’oeuvre gratuite et périclitent. La Guyane s’enfonce dans la pauvreté : la découverte de sites aurifères le long de l'Approuague relance son économie. C’est le début d’une fièvre jaune, d’une ruée vers l’or avec près de 10 000 orpailleurs en activité. Encore aujourd’hui, les promoteurs se ruent sur des portions de forêt primaire, victimes de la fièvre de l’or. Les militants écologistes, les Amérindiens et les partisans d’une exploitation des ressources en accord avec la Nature s’écharpent fréquemment contre de gros groupes étrangers. La Montagne d’or, projet d’exploitation aurifère au cœur de la forêt amazonienne, est depuis 2018 un exemple flagrant des tensions sur le territoire. Il a fallu l’intervention du Conseil constitutionnel en 2022 pour que la prolongation de la concession minière soit abandonnée.

Une prison à ciel ouvert

La Guyane est tristement célèbre pour son bagne. Les déportations commencent lors de la Révolution française, où une soixantaine de journalistes, monarchistes et prêtres finissent enfermés en Amazonie. Mais c’est Napoléon III qui, le premier, y envoie des condamnés aux travaux forcés. Les détenus y meurent par dizaines. L’humidité, les moustiques, la fièvre jaune et l’absence de soins ont raison de beaucoup d’entre eux, enterrés dans les cimetières guyanais.

La prison la plus célèbre est celle des îles du Salut : l’île Royale accueillait l’administration et les soins, l’île Saint-Joseph les “fortes têtes” et l’île du Diable, la plus connue, les détenus de droit commun, politiques et les espions. Comme le capitaine Dreyfus, par exemple, en 1894. Ce bagne, malgré sa célébrité, n’est pas le plus important. Il sera d’ailleurs plus ou moins abandonné dans les années 1910, hébergeant une centaine de détenus seulement, espions de la Première Guerre mondiale laissés à leur désoeuvrement.

Deux autres bagnes existent : à Cayenne et à Saint-Laurent-du-Maroni. Ce dernier, avec ses structures enfoncées dans la forêt, est surtout connu pour l’évasion spectaculaire d’Henri Charrière, dit Papillon, condamné pour le meurtre d’un proxénète et évadé en 1944 à sa seconde tentative. Sa réussite ? Au lieu de fuir pour s’enfoncer dans la forêt où il avait échoué la première fois, allant jusqu’en Colombie mais renvoyé en France selon la politique de ce pays ami, il choisit de sauter dans le fleuve et de se laisser emporter par le courant.
Le complexe pénitencier ferme en 1946, à la suite d' une décision de l’Assemblée nationale.

La Guyane, c’est aussi une prison pour ses habitants lors de la Seconde Guerre mondiale. 1 200 d’entre eux sont mobilisés avant d’être renvoyés chez eux, suite au ralliement de la région au régime de Vichy, décidé par l’amiral Robert, en charge des troupes Antilles-Guyane, et ce malgré l’opposition des conseillers généraux antillais. Les pénuries alimentaires et de carburant exacerbent le mécontentement et les actes de sabotage et de résistance se multiplient. Si bien que le gouverneur, mis en place par le régime de Vichy, finit par déclarer la Guyane en dissidence et fuit. Devant cet échec, l’amiral Robert transmet ses pouvoirs à Henri Hoppenot, qui ratifie le ralliement de la Guyane à la France libre. Le territoire est trop loin et trop faible pour que les Allemands s’en préoccupent. La Guyane rejoint les rangs de la Résistance.

La conquête du ciel et du souterrain

En 1964, une nouvelle époque s’ouvre pour la région. Le général De Gaulle décide de construire une base spatiale à Kourou : près de l’équateur, avec une large ouverture sur l’océan. Le centre spatial se développe, devient un réel succès. C’est de là que partent les fusées Ariane, dont le décollage, visible de tout le littoral, est devenu une vraie attraction. Malgré cela, la Guyane reste un des territoires les plus pauvres de France, au taux de chômage élevé. Victime de la politique d’assimilation française, ses spécificités culturelles et naturelles sont peu, voire pas, exploitées. Territoire sauvage, son tourisme est surtout familial : on préfère à sa forêt amazonienne profonde abritant nombre d’animaux sauvages, à ses plages qui servent de dernier lieu de ponte aux tortues Luth, espèce en voie de disparition et à son carnaval dantesque les plages transparentes et les structures touristiques des Antilles. Pourtant, la Guyane abrite plus de 25 ethnies en toute quiétude, chacune forte de sa culture et sa langue.