Les voyages les plus beaux ne sont pas toujours ceux que nous avons choisis, mais surtout ceux dont nous avions besoin, même sans le savoir. Je suis partie à Vienne ainsi, pas pour longtemps, mais pour suffisamment de temps pour remercier et conserver les plus beaux souvenirs.

Vienne est peut-être une ville assez brève, mais très intense en même temps. De Vienne, je garde les vingt-sept années, l'ombre des petites choses, la réalisation des projets et des jours. Chacun est fait d'amis, de famille, de temps et de nostalgie, souvent.

Dans l'avion, il était encore très tôt, mais j'écrivais de petits mots et je me suis rappelé d'un des plus beaux livres sur le début du voyage. Dans ce livre, Michel Onfray dira :

(...) il y a un moment singulier, identifiable, une date de naissance évidente, un geste qui marque le début : le geste de la clé dans la serrure de la porte de notre maison, quand nous tournons la clé et laissons derrière nous la maison, notre port d'attache. C'est à ce moment précis que le voyage commence (...) nous ne retenons jamais complètement le torrent et le flux perpétuel d'informations. En fait, le voyage est l'occasion de développer les cinq sens (...).

De Vienne, je garde de grands bâtiments absolument blancs, de grands arbres, la beauté d'une salle de spectacle et la sublimité de la musique en fond. Les grands palaces, le miroir dans le lac, les énormes monuments, les fleurs et les peintures sur les murs.

Nous sommes entrés dans un bâtiment très grand, jusqu'au dernier étage, et nous avons contemplé la vue pendant de longs moments. Dans un petit café, nous avons ouvert la carte de la ville et nous avons noté tous les points pour ne pas oublier. Nous conservons des images précises.

Et encore, avec tous les passages en tête et dans le même livre, je me rappelle :

Privilégions les mots entre nous et le monde.

En fait, il n'y a pas de moyen de choisir les mots souvent, car aucune description n'est suffisante pour expliquer tout ce que nous avons ressenti.

De Vienne, je garde surtout la lumière, les monuments, les jardins, la rivière, l'immense beauté des musées et des petites rues et galeries. De Vienne, je vois encore cette lumière qui entre par les fenêtres, la trace dans le ciel de chaque avion. Chaque instant qui naît à partir de ces images précises.

Vienne, c'était enfin quelques heures dans une ville immense, mais la chance de la présence du silence quand il s'étire, la beauté qui perdure. Savoir préserver la beauté, même si la douleur persiste. La beauté est capable de protéger une partie de la vie, la certitude de l'importance de savoir regarder longtemps et surtout de pratiquer ce silence pour pouvoir survivre.

J'ai beaucoup réfléchi ces derniers temps. Dans un monde de plus en plus fragile, célébrer la vie pour une année de plus, un jour de plus. C'est aussi la chance de célébrer le temps, le privilège de pouvoir encore voyager.

Et plus tard, après avoir reproduit des photos d'un film, après avoir revisité chaque souvenir, c'était enfin le temps d'ouvrir un nouveau livre et de rendre grâce, ou de remercier, plein de larmes :

(...) Saisir le jour / Saisir l'instant / Un jour, c'est longtemps.

(Adília Lopes, dans "Choupos", Assírio & Alvim)

Encore une année, Vienne, une année les mains vides et les pieds nus, mais toujours avec le devoir de remercier. Encore une année, Vienne, des journées pas attendues, l'envie de rester, mais surtout avec plus de courage pour pouvoir repartir.