La Galerie Nathalie Obadia Bruxelles est très heureuse de présenter la 4ème exposition personnelle de Michael DeLucia en Europe depuis leur première collaboration en 2008.

La vingtaine d’oeuvres exposées témoigne des dernières recherches du jeune artiste américain. Celles-ci prennent le pas sur les objets du quotidien, thème de la dernière exposition en date de l’artiste, pour explorer de nouvelles formes dérivées de la nature et un nouveau matériau industriel, le stratifié, plus connu sous le nom de formica.

L’artiste conçoit ses oeuvres selon le même processus de création. Il collecte des objets « readymade » issus de librairies online spécialisées dans les images digitales, et destinées aux architectes, créateurs de jeux vidéo, réalisateurs de films et dessins animés. Une fois les formes virtuelles sélectionnées, Michael DeLucia, grâce à un logiciel de modelage en trois dimensions, joue avec les formes et leurs propriétés naturelles intrinsèques. Il les manipule, les étire, les comprime, afin de les faire contenir dans la limite du cadre des panneaux industriels de bois plaqué standardisés. Les formes digitales obtenues sont ensuite taillées dans les panneaux de bois contreplaqués à l’aide d’un routeur CNC (computer controlled router). La gravure, à la fois digitale et mécanique, laisse alors apparaître le sujet en creux, matérialisé par la couleur naturelle du bois, contreplaqué d’une lame de stratifié imitant des pierres de couleur.

Deux nouveaux sujets, le nuage et le rocher, permettent à Michael DeLucia de pousser plus loin ses recherches actuelles sur l’abstraction. Une fois soumis au logiciel de modelage, les deux éléments, que tout oppose à l’état naturel (gaz, solide), se ressemblent étonnement à l’état digital. Cette mutation, source de confusion, sollicite le spectateur de manière à la fois visuelle, physique et mentale.

Cette triple expérience sous l’égide de la phénoménologie s’inscrit dans la descendance de la Nouvelle Sculpture anglaise qui, d’Henri Moore à Tony Cragg, inventa un langage plastique avant tout sensoriel. Suivant ce fil rouge historique, Michael DeLucia, « premier sculpteur de la virtualité » selon Pierre Sterckx, interroge en permanence la frontière ténue entre le matériel et le virtuel, entre l’objet physique et la forme digitale. Une exploration intuitive que l’artiste associe à l’allégorie de la caverne de Platon, métaphore du monde sensible où les hommes pensent accéder à la vérité par leur sens. Une quête illusoire pour le philosophe grec, un simulacre de la réalité pour le plasticien américain.

Michael DeLucia use du trompe l’oeil pour magnifier ses oeuvres. Leur support brut en contreplaqué, référence à l’Arte Povera qui utilisait aussi des matériaux pauvres, est rehaussé par la couche de stratifié teintée de couleur marbre, granite, agate, ou bois pétrifié. La polychromie introduit une dose supplémentaire d’abstraction qui entraine le spectateur vers une reconstruction mentale du motif et une expérience additive de la forme qui tend à déborder des limites structurelles de la sculpture ou du panneau de bois.

L’emploi du stratifié, comme le formica chez Richard Artschwager (1923-2013) à partir des années 1960, combiné au détournement d’objets du quotidien, comme chez Claes Oldenburg (1929), constitue un lien historique avec le Pop Art. Une seconde filiation peut-être établie avec l’Art Minimal de Sol Lewitt ou de Donald Judd, par l’usage de formes géométriques élémentaires telles que le cercle, le carré ou le rectangle dont les transpositions sur bois ou formica s’imposent par leur simple matérialité.

L’effet recherché sur des formes directement inspirées de la nature, éprouvé pour la première fois à l’occasion de l’exposition à Bruxelles, ouvre à Michael DeLucia de nouvelles perspectives, à la fois graphiques et sensorielles. Celles-ci confrontent le spectateur à la dualité tangible et virtuelle du monde actuel.

Le catalogue monographique de Michael DeLucia sera édité au printemps 2015, et sera directement suivi par la première exposition personnelle consacrée à l’artiste par un musée au MCA (Museum of Contemporary Art) de Santa Barbara, à l’été 2015.