Pour sa deuxième exposition personnelle à la galerie, Leon Vranken (°1975) investit tout le rez-de-chaussée. Trois espaces se répondant, trois volumes qui se font écho. C’est autant une métaphore qu’une constatation littérale.

Dans chaque espace, un volume triangulaire est soigneusement positionné dans un coin, comblant un vide. L’un est en bois, un autre en métal, le dernier en marbre. Ils sont de dimensions différentes mais de volume égal. Peut-être est-ce dans cette œuvre que réside l’un des fondements de la pratique de l’artiste ; comment associer, comment lier des œuvres tout en leur faisant subir une transformation qui semble bénigne ? Exposer trois volumes identiques mais de proportions différentes, c’est une façon d’attirer notre attention sur les apparences trompeuses. Un autre bel exemple de concordance est Equal Volumes, poutre en chêne massif que l’artiste a débitée de telle façon que les trois volumes qui la composent sont équivalents. L’attention est également attirée par les œuvres bidimensionnelles qui semblent peintes mais qui se rapprochent davantage de marqueteries en textile. Comme si la sculpture s’invitait dans le champ de la peinture. La palette du peintre réalisée en bois et le vase au motif reporté sur le mur soulignent aussi cette confusion des genres. La différence entre ce qui est et ce que nous croyons voir.

Vranken montre et soustrait au regard (ce n’est donc pas étonnant de voir apparaître dans son vocabulaire de formes le paravent, le tiroir, le vase, l’éclipse), il noue et dénoue le fil (tout aussi logique de voir des œuvres en textile ou dont le sujet est le nœud en lui-même). Le nœud, justement. Le nœud marqué de points d’arrêt et de points de passage. Le nœud qui lie, qui retient mais aussi le nœud magique qui dans des mains expertes coulisse et disparaît. Comme si une explication, sitôt donnée, venait à s’évanouir.

On sent dans cette exposition Great plans, random ideas une nécessité d’ordonner le réel, de lui conférer un agencement strict et rigoureux tout en accordant de l’importance à l’élégance. On peut y voir un héritage d’œuvres minimalistes de Sol LeWitt, de Dan Flavin (avec ses Monuments pour Tatlin) ou de Daniel Buren tout en ayant la chaleur du travail de l’artisan. Une constante chez Vranken est d’enraciner sa réflexion d’artiste dans une pratique d’artisan avec toute la noblesse que cela sous-entend. Que le visiteur prenne en compte la diversité des matériaux utilisés dans cette exposition et il constatera que l’artiste met au centre de sa pratique une approche particulière du faire. En cela, il s’inscrit clairement dans la lignée du Bauhaus.

Vranken questionne sans relâche la verticalité et l’horizontalité des formes. Il cherche à montrer un objet banal dans sa nudité et désire pousser la stratégie de l’équilibre toujours plus loin. Son installation dans l’espace arrière en est d’ailleurs un exemple frappant. Cette œuvre, qui peut être considérée comme une synthèse des recherches actuelles de l’artiste, évoque l’interdépendance des éléments entre eux autant que la fragilité d’un ensemble bâti. Mais nulle hiérarchie entre les objets, au contraire, différents éléments se contrebalancent de telle sorte qu’aucun ne nuise à l’effet de l’ensemble par son importance exagérée.

L’artiste reprend les standards de la nature morte mais confère un souffle nouveau à ces objets inertes et immobiles en les fabriquant lui-même pour la plupart. Cette œuvre n’est pas dénuée d’humour et comment ne pas avoir en tête la série A Quiet Afternoon de Fischli & Weiss composée de photographies des années 80 dans lesquelles des objets sont positionnés en équilibre de façon précaire et photographiés rapidement avant l’effondrement de l’installation. Là où les artistes suisses utilisaient la photographie, Vranken penche pour une composition qui semble relever autant des principes de l’architecture que ceux de la sculpture. Bâtir, c’est organiser.