La Galerie Perrotin est heureuse de présenter une exposition personnelle d’Aya Takano, “The Jelly Civilization Chronicle ”, du 16 mars au 13 mai 2017. L’artiste y expose une séléction de 26 peintures et plusieurs dessins sur celluloïd, œuvres préparatoires à un manga de 186 pages, dévoilé ici dans son intégralité.

Peintre, dessinatrice, auteure de science-fiction et de manga, Aya Takano fait partie de Kaikai Kiki, le studio de production artistique créé en 2001 par Takashi Murakami. Inspirée par tous les arts, des estampes érotiques de la période Edo à l’impressionnisme, d’Ozamu Tezuka à Gustav Klimt, l’artiste a construit un univers qui lui est propre. Un univers fait d’une infinité de mondes, comme autant de moyens de s’échapper de la réalité, de la gravité et de ses contraintes, pour atteindre une certaine forme de transcendance envisagée dès le plus jeune âge : «Lorsque j’étais enfant, je rêvassais tout le temps, je vivais dans mon imagination, grâce à la lecture des livres et des mangas. Je détestais le design de la plupart des machines et des immeubles ; je les déteste encore aujourd’hui… J’aspirais à la liberté de l’esprit, et en ce sens, j’étais très différente des autres. J’aimerais être comme cela aujourd’hui, mais je n’en suis plus capable…»

Les voyages intérieurs d’Aya Takano se retrouvent dans des œuvres délicates, d’où se dégage un sentiment de trouble, entre érotisme et impertinence. Dans une chambre à coucher ou dans le métro, devant les gratte-ciels d’une mégalopole ou sur la lune, des jeunes filles androgynes et naïves sont représentées par de fines lignes nettes. Elles ont de longues jambes, de grands yeux étonnés cernés de noir, des bouches comme des boutons de roses. Souvent nues, parfois drapées de kimonos ou habillées à la dernière mode de Tokyo, ces jeunes femmes se parlent, s’embrassent, se touchent. Leurs genoux ou leurs coudes sont rougis, résultat d’une sensibilité extrême. Elles flottent, volent par-delà les nuages, communiquent avec leurs pairs ou avec des animaux exotiques, parfois difformes, toujours complices.

La mythologie d’Aya Takano se construit ainsi au fil de ses œuvres et de ses visions de l’inconnu : en mars 2011, un violent tsunami frappe les côtes nord-est du Japon puis entraîne l’accident nucléaire de Fukushima. Cette catastrophe a profondément influencé le travail de l’artiste, provoquant une véritable prise de conscience. Privilégiant par exemple la peinture à l’huile –plus naturelle– à la peinture acrylique, Aya Takano semble ainsi poursuivre une nouvelle quête artistique, à la fois plus humble et spirituelle, influencée par un intérêt inédit pour les sciences, guidée par un respect absolu pour la nature et la vie humaine.

Aya Takano a un don tout particulier pour la narration, qu’elle étire et nourrit d’une image à l’autre. Elle a élaboré un manga de 186 pages, intitulé “The Jelly Civilization Chronicle”, exposé dans son intégralité à la galerie Perrotin, en Japonais et en Anglais: d’abord née dans son esprit, l’œuvre a pris la forme de peintures préparatoires et de dessins sur celluloïd très colorés. On y retrouve tous les thèmes et les obsessions de l’artiste depuis le début de sa carrière, il y a vingt ans: la découverte de soi-même, la beauté féminine, la science-fiction, la lutte de la lumière contre les ombres et la poursuite d’un idéal immatériel, délesté de toute les contraintes de la pesanteur… Le manga met en scène les aventures de Naki et Minaka dans un voyage allant de la “Machine Civilization“ à la “Jelly Civilization”. Dans un aller-retour entre les époques et les espaces, les deux personnages se retrouvent dans le ciel jusqu’aux confins de l’univers, au fil de lieux inexplorés ou de planètes aux pouvoirs magiques inconnus... Habillés d’abord de l’emblématique uniforme de lycée, ils sont parfois nus, revêtent tour à tour des kimonos traditionnels ou des habits oniriques faits d’une mystérieuse gelée, organisme vivant qui se nourrit d’eau et d’oxygène. Entourés de créatures étonnantes, ils sont accompagnés de leurs ancêtres, représentés sous la forme d’animaux, apprennent les informations des astres, côtoient une reine au masque de hibou et des êtres à la peau tatouée d’étoiles.

Sur les ruines d’un réacteur nucléaire, après de multiples épreuves et métamorphoses, les héros retrouvent la société de paix qui était la leur, la “Jelly Civilization”, où se combinent la tradition, le souvenir et l’éternité: «La mémoire de tous ceux qui portent de la “gelée”, la mémoire de toute la “gelée”, la mémoire de ce qui est en train de se passer, et de ce qui pourrait se passer…» Ainsi naît le fruit d’une imagination qui se nourrit d’elle-même, pleine de toutes les possibilités de l’illusion, tel un lieu idéal, aux frontières du rêve et du désir: «cet endroit est omniprésent, explique Aya Takano. Il est en nous et partout ailleurs.» “The Jelly Civilization Chronicle” fut un vrai défi pour l’artiste, qui eut à cœur d’y exprimer l’histoire récente du Japon, comme d’y cristalliser pour la première fois ses angoisses et ses obsessions: un an de travail fut nécessaire pour élaborer cette œuvre inédite et ambitieuse, présentée pour la première fois à Paris, à la Galerie Perrotin.