Autour de la cuisine...

Certains mangent pour vivre, moi je vis pour manger! Chez les asiatiques, la cuisine joue une place prépondérante. Tout y est lié : santé, business, amitié, etc. Je n'échappe donc pas à la règle! J'enfonce des portes ouvertes mais en France, la gastronomie joue également le rôle d'identité culturelle. De par ma double culture franco-chinoise, la cuisine ne peut qu'être sur un Piédestal ! Essayons d'aborder quelques unes des relations entre la cuisine et les autres aspects de la vie dans la communauté asiatique.

Cuisine et Santé

Aussi loin que je me souvienne, la cuisine et la santé ont toujours été intimement liées. Tout au long de mon enfance, ma mère me parlait de nourriture dite "chaude" et de nourriture dite "froide". A l'époque, haut comme trois pommes, ce jargon était relativement obscure pour l'enfant que j'étais. En grandissant, je compris petit à petit ce que cela signifiait.

Mais revenons peut être à la base de ces croyances. Il faut savoir que la nourriture et la médecine asiatique ne font qu'un. Cuisine et santé se basent sur un courant de pensée nommé taôisme. Je parle de courant de pensée car certains considèrent le taôisme comme courant philosophique et d'autres comme une religion à part entière.

De façon très schématique les grands principes du taoïsme reposent sur 2 grandes idées :
La première : le monde, la vie, tout repose sur une principe d'harmonie, d'équilibre entre les forces antagonistes. Le froid et chaud, le mal et le bien, l'homme et la femme. la lumière et l'obscurité. L'un n'existant pas sans l'autre. Ce principe est souvent représenté par le symbole du Yin et du Yang.
La seconde : Selon le taoïsme, tout est en perpétuel mouvement, et en perpétuel changement. Il existe des cycles, des phases pour chaque chose, chaque être. Celui que vous êtes maintenant n'est plus tout à fait le même que celui que vous étiez il y a quelques minutes.

C'est sur le premier principe que se base la cuisine asiatique. Certains chinois considèrent qu'un excès d'aliments froids ou chauds provoque des maladies. On parle souvent d'aliments Yin et d'aliments Yang. Il n'était pas rare à la maison qu'après une fête familiale où je m'étais gavé de fritures de nem, de chips au crevette que dès le lendemain ma mère me servait un bouillon d'artichaut ou de chou chinois etc...
Les aliments ou plats Yang ou dit chauds sont souvent les aliments à base de viande, de friture, des plats à base d'épices fortes ou de piment, les aliments gras etc...
"Si tu manges trop de plats chauds tu risques d'avoir mal à la gorge ou tu vas tousser" me répétait sans cesse ma mère. Les aliments dits Yin ou froids sont ceux à base de certains légumes, des choses à base de bouillon.

Au delà de ces tentatives d'équilibrer les forces Yin et Yang dans notre alimentation au quotidien, la nourriture était également source de médecine. Depuis quelques années, la notion d'alicament apparait de plus en plus dans notre vie de tous les jours. C'est une notion qui consiste à consommer des aliments qui ont des impacts positifs sur nos organismes. Sachez que ce principe est largement ancré depuis longtemps dans la cuisine asiatique.

"Le Yin, tu as l'air palot" ou bien "tu as l'air essoufflé. On va te faire un plat à base de gingembre c'est bon pour les poumons" - J'ai découvert bien plus tard que le gingembre avait des vertus antiseptiques comme quoi ils n'avaient pas totalement tord mes vieux :-). Lors de mes petites toux ou mes poussées de fièvres "Bois ce breuvage à base de chrysanthème, cela apaisera ta toux!" Voici quelques anecdotes parmi tant d'autres de ma jeunesse.

A contrario, petit, je n'avais pas le droit de manger certains aliments jugés nocifs pour le bon développement d'un enfant. Alcool était proscrit cela va de soi mais le café, le piment étaient jugés comme des aliments trop excitants ou trop forts. Ils étaient donc interdits car cela pouvait nuire au bon développement de mon cerveau et de ma petite personne. Cette interdiction a duré à mon grand dam jusqu'à la fin de l'adolescence.

Cuisine et Superstition

Entre la cuisine médicinale et superstition il n'y a qu'un pas... Comme chez nous en France, des mythes, des légendes entourent certains aliments, sur leur vertu aphrodisiaque ou autre... Le continent asiatique n'échappe pas à cette règle. Beaucoup d'asiatiques sont superstitieux.. Au Vietnam boire de l'alcool de riz avec du sang de serpent frais aurait, semble t il des vertus aphrodisiaques. Il renforcerait la fertilité de l'homme qui le boit. Autre croyance rigolote : pendant la grossesse de ma mère, pour éviter d'avoir un enfant trop mat de peau elle évitait de trop manger de sauce de soja et ne buvait plus de café. Comme si la couleur de ces produits pouvait déteindre sur le bébé... Il faut préciser qu'un des critères de beauté chez les asiatiques est d'avoir une peau claire.

Cuisine et Sentiments

J'ai un aveu à vous faire. Je suis issu d'une famille de constipés ! Plus précisément constipés des sentiments ! Je ne pense pas que cela soit propre à ma famille mais plutôt à mes origines. Chez beaucoup d'asiatiques, ma famille n'échappant pas à la règle, il n'y a pas d'effusions de sentiments, pas de déclaration d'amour. Cela ne se verbalise pas, il n'y a pas d'actes de tendresse, pas de bisous, pas de câlins notamment dans la relation parents-enfants. J'ai beau creuser dans ma mémoire mais je crois bien que je n'ai jamais entendu de la bouche de mes parents des phrases comme "Je suis fier de toi" ou bien "Je t'aime mon fils".

Vous pourriez me dire que cela n'est pas propre aux asiatiques mais chez nous ce comportement est exacerbé. Bref pourquoi vous parler d'effusion de sentiments? Je me suis aperçu a postériori que la seule marque d'affection, la seule preuve de l'amour filial chez mes parents était lié à la nourriture. On ne vous prend pas dans les bras, on ne vous bisoute pas mais on vous fait votre plat préféré. Quand mes parents voulaient nous exprimer leur amour, ils pouvaient passer des heures en cuisine pour vous concocter un véritable festin, composé de vos plats préférés. On n'exprime pas ses sentiments mais on mange ensemble ! Avec du recul, je constate que moi aussi je reproduis d'une certaine façon ce schéma mais j'ai également appris qu'il était parfois nécessaire de verbaliser ses sentiments...

Cuisine et Règles de bienséance

Les repas familiaux pouvaient parfois devenir de longs et laborieux moments. En France des repas familiaux sont vus comme des moments conviviaux des moments d'échange. Pendant les repas asiatiques, l'ambiance peut être totalement différente. Les repas pour nos parents traditionnels étaient souvent vus comme un moment d'éducation où le paternel parlait et les autres devaient écouter et apprendre.

Nous avions droit à un sempiternelle laïus sur la manière de se tenir à table notamment en société. "Le dos droit sans être appuyé au dossier de la chaise, il fallait tenir d'un main le bol et de l'autre les baguettes." Il faut savoir que dans les repas asiatiques, chacun à son bol de riz ou de nouille. Au centre de la table sont disposés les plats et les mets accompagnant le riz. Chacun partage donc un ensemble de plats avec les autres convives. La bienséance veut qu'on ne pioche que les aliments qui sont directement en face de soi. Il serait impoli de piocher les autres plats qui se trouvent face à d'autres convives. Un supplice atroce quand vous lorgnez un plat que vous adorez mais qui malheureusement n'est pas dans votre axe direct.

Il est aussi non recommandé de planter ses baguettes dans le bol de riz. Il faut déposer ses baguettes soit à coté du bol ou bien soit directement sur le bol à l'horizontal. Chez les cantonnais il semblerait que lorsque qu'on sert le thé aux convives pendant les repas (oui, il n'est pas rare de boire du thé nature sans sucre ni lait pendant les repas notamment au restaurant) il faut éviter de pointer le bec de la théière vers le convive qu'on sert. De la même manière quand on repose la théière, il faut s'assurer que le bec ne pointe sur aucun convive. La raison est relativement simple, la forme d'une théière ressemble vaguement à celle d'un pistolet. Pointer la théière sur quelqu'un était l'équivalent de pointer une arme sur lui, signifiant ainsi qu'on lui veut du mal. Vous pourriez me dire " Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire bien des choses en somme "... Vous avez raison ! Donc Affaire à suivre.