Souvent, en visitant Parme, les touristes se demandent comment il est possible qu’une si petite ville dispose d’un théâtre si important et connu dans le monde entier. La réponse est à rechercher bien loin des succès les plus récents, mais plutôt dans la longue tradition musicale qui pénètre notre ville depuis des siècles. Le « Teatro Regio » qu’on connaît aujourd’hui ne naît pas au hasard : déjà au XVII siècle avec les Farnèse on créa un théâtre en bois, où Monteverdi eut pour la première fois l’idée du « golfo mistico », la « fosse d’orchestre » ; après, on fit musique au Théâtre Ducale pendant plus d’un siècle, enfin, la Duchesse Marie Louise d’Habsbourg voulut un nouveau théâtre pour sa ville et son duché : la deuxième femme de Napoléon Ier, arrivée à Parme après le Congrès de Vienne, libérale et avec des idées modernes de gérance politique et administrative, voulut donc un théâtre pour tout le monde, même pour le peuple, mais elle le fit construire aussi grâce aux subventions économiques des familles nobles ou grand-bourgeoises de la ville : elle utilisa donc des « sponsors » pour cet édifice qui peut contenir jusqu’à 1300 personnes et où quelques loges appartiennent encore aux anciennes familles qui en financèrent la construction.

Le théâtre, inauguré en 1829 avec un opéra de Vincenzo Bellini, « La Zaïre », est en style néoclassique, la façade constituée d’un fronton soutenu par dix colonnes ioniques, sur lequel domine une allégorie de la Renommée en haut-relief. Le premier étage est marqué par cinq grandes fenêtres néoclassiques et un deuxième par une grande fenêtre à lunette: tous les éléments décoratifs et architecturels sont en pierre blanche qui contraste avec la couleur jaune du bâtiment, le « jaune parme » qui, avec le bleu, est la couleur de la ville dès le Moyen Âge. Mais ce n’est qu’en entrant qu’on commence à ressentir le charme du théâtre. Le buste du maître Giuseppe Verdi, né près de Parme, vous accueille : homme de tempérament, à l’air sérieux, brusque et vigoureux comme sa musique, il vous introduit dans le foyer où résonnent ses notes, comme les voix des gens qui se pressent entre les actes des opéras ou des ballets pour causer, commenter et rencontrer du monde. Ce grand salon est rythmé par deux files de colonnes à droite et à gauche qui laissent pourtant la place au dallage blanc et gris, au lustre central et au plafond aux caissons en grisailles. Son élégance et sobriété contrastent avec la salle de spectacle, où l’or et le rouge dominent : en origine cette dernière était blanche, or et bleu (la couleur des Habsbourg) mais un réaménagement de la salle de la deuxième moitié du XIX siècle en a changé le goût et l’atmosphère, en la rendant très proche d’autres théâtres, comme « La Scala » de Milan ou l’Opéra de Paris.

Les fauteuils et les quatre étages de loges sont recouverts en velours rouge et les décorations des balcons sont blanches et or. Au centre, la grande loge ducale, où se rendait la Duchesse de Parme avec son entourage, pour se faire admirer et regarder les spectacles, et où elle pouvait aussi se refléter dans le magnifique rideau en pièce unique peint par G.B. Borghesi, qui a représenté une allégorie du bon gouvernement et de la sagesse de la Duchesse même. Au milieu du plafond à fresque, un lustre extraordinaire en sa dimension et en sa fine réalisation, fait créer exprès à Paris par Marie Louise, éclaire la salle avec les dizaines d’appliques qui étincellent le long des quatre rangs des loges. Ce théâtre ne vit pourtant pas seulement de son passé, il en prend force mais il vit de son présent : il faut y se rendre lors des premières de la saison lyrique (qui déboute traditionnellement le 26 décembre) ou du Festival Verdi en octobre, quand le fin publique de Parme déchaîne ses jugements sur les chanteurs et les musiciens du haut du « Loggione » (comme on appelle en Italie le « paradis, le poulailler » ) : dans notre ville on va au théâtre déjà tout petits enfants, on a une éducation musicale presque innée, qu’on cultive d’ailleurs… Pour chaque artiste le « Teatro Regio » est, comme La Scala de Milan, un temple où l’on est initié en bons ou en mauvais chanteurs. Ici, après Vincenzo Bellini à l’inauguration du 1829, ont joué de grands musiciens, ont chanté les meilleurs artistes du monde : Renata Tebaldi, José Carreras, Raina Kabaivanska, Katia Ricciarelli, Luciano Pavarotti, Monserrat Caballé, à Parme ont dirigé Claudio Abbado, Riccardo Muti, ici ont dansé Carla Fracci, Luciana Savignano, Roberto Bolle… La magie du Teatro Regio se renouvelle à chaque saison et attend les nouveaux artistes et le nouveau publique, les enfants, les touristes, les étrangers qui veulent vivre ce charme sur les notes de la meilleure et riche tradition…