La Galerie Nathalie Obadia est heureuse de présenter la troisième exposition personnelle de Rina Banerjee dans sa galerie à Paris depuis Imagining the other half of the world from here en 2011, organisée en parallèle de son exposition personnelle au Musée Guimet, Chimères de l’Inde et de l’Occident.

Pour Human Traffic, Rina Banerjee a produit spécifiquement une série d’oeuvres (sculptures, panneaux de bois, dessins grand format) illustrant ses réflexions sur le thème du mouvement qu’elle interprète tout aussi bien de manière positive : les voyages qui génèrent une grande mixité et richesse culturelles, que plus abruptement avec la circulation physique des corps forcée par les guerres, le terrorisme, la pauvreté, et impliquant de fait des migrations de toute sorte. Ainsi la colonisation, le déracinement ou même le trafic humain à proprement parler sont abordés dans cette exposition, dans des formes complexes, colorées et puissantes où chacun y puisera sens, et illustrées par des titres métaphoriques écrits à la manière de poèmes.

Partant du fait que le mouvement est un phénomène particulièrement propre à notre récente époque, porté par l’afflux des technologies et la multiplicité des réseaux, mais aussi accru par le pouvoir consumériste des pays de l’Ouest sur l’Est, Rina Banerjee explore de fronts dans ses oeuvres ces différentes formes de circulations. Ainsi la sculpture Make me a summary of the world, she was his guide and had travelled on camel, rhino, elephant and kangaroo, dedicated to dried plants, glass houses - for medical study, vegetable sexuality, self-pollination, fertilization her reach pierced the woods country by country peut-elle bien résumer cette thématique. Il est ici question, par une prolifération de matériaux et de formes (cornes pointues prêtes à transpercer, ombrelles protectrices, tête de poupée en plastique, rhinocéros en bois, coquillages, branches torturées, etc) de multiples déplacements entre différents continents, laissant trace sur son passage à la manière d’une pollinisation des airs.

Plus sombrement, l’artiste évoque des situations traumatisantes tels : Soldier : overseas and out of place his species seeded dead to grow as common place, bore beautiful flowers of wound, carnage discovered a resin sticky like sweat. He had courage and loyalty when everyone wept and came home emptied while we slept, offrant l’image d’un homme luttant pour son identité, portant des poids morts, un crâne rouge surplombant son corps gonflé. Pour l’artiste, les différents objets utilisés sont comme des orphelins et son rôle d’artiste est alors de leur trouver une famille «fabriquée.»

Rina Banerjee s’est intéressée pour cette exposition certes à la mobilité des corps, mais sous couvert d’une fervente critique de leur marchandisation. A plusieurs reprises, l’individualité est mise à mal, l’esclavagisme est pointé du doigt, les enfants et les femmes sont les premiers êtres persécutés, kidnappés, utilisés comme monnaie d’échange, poussés au crime : Petty crime, shame on her mind. Ainsi dans le grand dessin Human traffic, une mère qui se veut protectrice est entourée d’embryons de corps difformes, livrés à eux-mêmes dans un océan de couleur. « Je joue avec des changements d’échelle brusques dans mes dessins et sculptures. Je suis attirée par les détails délicats, fragiles, ésotériques et maladroitement placés dans l’oeuvre, qui invitent à aller vers de nouvelles directions et nous mènent en voyage.» L’invitation au voyage est tentante, même si elle insinue parfois violence et brutalité. Son monde est comme une série de collisions culturelles inévitables où seul l’être humain, en tant qu’animal vivant, est propre à s’y adapter.

Dénonçant l’impact du capitalisme sur nos rapports à l’univers et aux autres, l’artiste regrette que nous vivions dans un monde de ségrégation et de discrimination raciales, culturelles et économiques. «Mon oeil est fatigué de toujours regarder la culture à travers un seul prisme.» C’est la richesse de ses compositions, la fulgurance de ses couleurs, la multiplicité des sensations qu’elle fait éclore en nous à la vue de ses oeuvres , échappatoire à tout enfermement et favorisant à leur tour un mouvement cette fois enrichissant vers l’autre et l’ailleurs.

Cette exposition sera l’occasion de la publication d’une monographie éditée chez Dilecta, avec des textes de Courtney J Martin, Wangechi Mutu et Cédric Vincent.