Pour son exposition de rentrée, la Galerie Argentic propose une sélection inédite et exclusive d’une trentaine de photographies extraites des archives de Roger Schall (1904-1995) et pour la grande majorité jamais encore exposées.

Photographe de l’entre-deux guerres, contemporain de Brassaï, Roger Schall a excellé tant dans le photo-reportage, dont il fut l’un des pionniers, que dans la mode ou le portrait.

Au début des années 1930, la « révolution » Leica et Rolleiflex lui permet de satisfaire sa passion de l’image prise sur le vif.

Paris constituera son terrain d’exploration privilégié, et la nuit lui permettra de saisir et de révéler avec force et sensibilité les contours si particuliers d’une ville faite de contrastes.

La Fascination de la Nuit

Univers privilégié des Romantiques dès le 18ème siècle, la nuit fascine les artistes, d’abord par la place privilégiée qu’elle accorde au rêve et au mystère. La nuit, les contraintes liées à la communauté humaine et toutes les entraves de la vie ordinaire s’effacent sous un voile noir. Les contours flous enveloppent toutes les choses et permettent aux visions les plus irréelles de s’imposer.

Le thème de la nuit a également été au centre des préoccupations de plusieurs musiciens dès le début du 19ème siècle, à l’instar de Chopin ou Schumann.

Dès les débuts de la photographie et à l’aube du 20ème siècle, la nuit, plutôt que de se rapprocher du fantastique comme en poésie ou en littérature, s’associe souvent à une représentation réaliste et humaniste, quand elle n’est pas parfois donnée comme le lieu de l’inquiétude, de l’aveuglement, du danger ou de la confusion.

Paris, ville de tous les possibles

Paris subjugue et hypnotise les artistes. Leur fascination pour la capitale ne s’est jamais démentie et ils ont, de toutes les époques, spontanément représenté cette ville, et même parfois agi sur elle.

Qu’elle soit animée ou déserte, Paris, au début du 20ème siècle, offre une gamme immense de possibilités d’interprétations et de représentations, tout en étant une entité à double face : à la fois lieu de tensions (politiques, sociales, économiques) et promesse ouverte à de nouveaux possibles.

Roger Schall photographie la nuit parisienne de manière solitaire. Des lumières et des personnages nocturnes qu’il capture, surgit une autre ville, insolite et inconnue. Au fil de ses longues déambulations, il rend visible l’invisible, dépeint ces scènes de la vie nocturne, les décors de la ville et les Parisiens.

Il transforme la rigueur classique de l’architecture en tableaux intimes où se fixent les silhouettes fugitives et les regards. Transparaissent alors de ces photographies une dynamique résolument humaniste de Paris, comme un souffle vital, un mouvement porteur.

Roger Schall s’intéresse tout autant aux rues oubliées qu’aux sites emblématiques et fait dialoguer les espaces cachés, sombres et énigmatiques, avec la grandeur et les lumières électriques des larges boulevards, des enseignes et des monuments.

Ainsi, des êtres anonymes apparaissaient-ils en premier plan d’un cliché qui éloigne alors de notre attention la Basilique du Sacré-Coeur, pourtant baignée de lumière. Les pavés humides et les fenêtres lumineuses de la rue Saint-Julien Le Pauvre révèlent la solitude d’un homme et de son chien. De même, une ruelle déserte et aujourd’hui disparue sous le béton guide notre regard jusqu’à la haute Horloge de la Gare de Lyon.

Roger Schall cadre frontalement les scènes, se jouant des perspectives, des droites et des diagonales imparfaites du paysage citadin parfois accidenté, il s’affranchit de la composition classique et du pictural.

Il traduit au mieux l’atmosphère de la ville en adoptant une position neutre, celle du simple passant-observateur, sans sentimentalisme ni pittoresque, expliquant peut-être la relative incompréhension de ses contemporains qui préfèrent qu’on leur raconte des histoires.

De ce travail très personnel et jusqu’alors encore largement inconnu du grand public, Roger Schall livre une interprétation sensible et sincère de ce Paris des année 1930, un Paris fait de contrastes : entre ombre et lumière, majesté et impécuniosité.