Présentée dans la nef du musée, l’exposition Tutto Ponti, Gio Ponti archi-designer couvre l’ensemble de sa longue carrière, de 1921 à 1978, mettant en lumière les nombreux aspects de son travail, de l’architecture au design industriel, du mobilier au luminaire, de la création de revues à son incursion dans les domaines du verre, de la céramique et de l’orfèvrerie. Plus de 500 pièces, dont certaines ne sont jamais sorties de leur lieu d’origine, retracent ce parcours pluridisciplinaire mêlant architecture, mobilier, aménagements pour des demeures privées ou des bâtiments publics (universités, cathédrales). La scénographie de l’exposition a été confiée à l’agence Wilmotte & Associés avec la collaboration du graphiste Italo Lupi. Si Gio Ponti est aujourd’hui admiré par un public éclairé d’amateurs de design et très convoité par les collectionneurs, son œuvre reste peu connue en France. Cette exposition est donc l’occasion de faire découvrir au grand public l’univers créatif de ce personnage mythique de la scène italienne, dont la générosité et l’enthousiasme ont stimulé ses contemporains et inspirent toujours les nouvelles générations de designers et d’architectes.

Diplômé de l’Ecole Polytechnique de Milan, Gio Ponti ouvre en 1921 son cabinet d’architecture adoptant au départ les principes d’une architecture d’inspiration classique avec la villa de la Via Randaccio à Milan. Nommé directeur artistique de la manufacture de porcelaine Richard-Ginori en 1923, il renouvelle le mode de production en série en l’appliquant à l’ensemble des créations de l’entreprise. Ses pièces d’inspiration néoclassique sont primées à l’Exposition internationale des Arts Décoratifs de Paris en 1925.

L’année suivante, il conçoit sa première architecture à l’étranger, la villa L’Ange volant en région parisienne et collabore avec Christofle à Paris et Venini à Murano. Parallèlement, Gio Ponti crée pour les grands magasins italiens La Rinascente, une série de meubles à prix modestes et aux formes simples rendant accessibles ainsi les arts décoratifs au plus grand nombre.

Grâce à ses liens avec le mouvement Labirinto qui met en contact créateurs et fabricants, il diffuse ses idées et fait la promotion de nouveaux talents grâce aux expositions qu’il organise à la Biennale de Monza et surtout via la revue Domus, qu’il fonde en 1928.

Dans les années 1930, il emprunte un tournant moderniste en architecture avec la construction à Milan des Case tipiche et des bureaux de la société Montecatini. Dans le domaine de la maison, il réalise des luminaires pour Fontana Arte, des couverts pour Krupp, des étoffes pour De Angeli-Frua et Ferrari, du mobilier pour Casa e Giardino, etc.

Durant les années 1940, Gio Ponti se consacre à la réalisation de fresques monumentales au Palazzo del Bo de l’Université de Padoue. Il revient à la peinture à l’huile, à sa passion pour l’écriture, à l’opéra et au cinéma créant de nouveaux scénarios, des mises en scène et des costumes pour la Scala de Milan. À l’issue de la guerre, protagoniste majeur du « made in Italy », il encourage par le biais de la revue Domus et les expositions qu’il organise, la création italienne à l’étranger. Deux objets emblématiques voient alors le jour : la machine à café aérodynamique La Cornuta (1949) pour Pavoni et la chaise Leggera (1951) pour Cassina.

De 1950 à 1960, au sommet de sa carrière, Gio Ponti diffuse son style, avec d’importantes commandes architecturales privées au Venezuela, aux États-Unis, au Moyen-Orient et même à Hong Kong. Il réalise alors deux de ses chefs-d’œuvre, la villa Planchart à Caracas et la tour Pirelli à Milan. Légèreté, transparence, clarté, couleur et simplicité sont les maîtres mots de cette activité foisonnante qu’il mène depuis son quartier général à Milan, véritable laboratoire de créations. Il dessine de multiples objets et mobiliers dont le tableau lumineux pour Lumi et le fauteuil Distex pour Cassina (réédité depuis 2012 par Molteni&C).

En 1957, la chaise Superleggera (variante de la Leggera), une des plus légères au monde, devient l’icône de son mobilier.

Gio Ponti s’intéresse particulièrement aux jeux de surfaces et de couleurs, travaillant à faire des murs des éléments non plus porteurs mais portés, aériens, comme suspendus. Il privilégie les revêtements de céramique qui captent la lumière et en renvoient les reflets comme à l’hôtel Parco dei Principi de Sorrente.

Dans les années 1970, toujours à la recherche de transparence et de légèreté, il envisage ses façades architecturales comme des feuilles de papier pliées sur lesquelles figurent des formes géométriques ajourées à l’exemple de la cathédrale de Tarente (1970) et du Denver Art Museum (1974).

Le mobilier est lui aussi repensé, il devient plus flexible, mobile, léger et lumineux afin d’adapter l’espace aux besoins de la vie contemporaine.

L’exposition « Tutto Ponti, Gio Ponti archi-designer » présente de façon chronologique les six décennies de la carrière de Ponti dans les domaines de l’architecture, du design, de l’aménagement intérieur et de l’édition. Une évocation de la cathédrale de Tarente, chef-d’œuvre tardif de son œuvre, introduit le parcours qui se déroule ensuite en trois volets : l’objet, le mobilier et l’architecture.

Enfin, six period-rooms terminent ce parcours avec des reconstitutions spectaculaires mettant en avant l’aspect global de son travail. La galerie côté jardin revient sur les collaborations qu’il a nouées avec les grands fabricants d’objets d’art, Richard Ginori, Christofle et Fontana Arte, mais aussi avec des artisans ou de petites entreprises. Céramiques, verre et orfèvrerie se mêlent aux réalisations en papier mâché et en cuivre émaillé.

Dans la nef, colonne vertébrale de l’exposition, cinq scansions mettent en avant grandes commandes, mobiliers, luminaires, textiles tandis que les projets architecturaux sont détaillés de façon chronologique grâce à des dessins, maquettes, photographies et films d’époque.

Enfin, côté rue Rivoli, six ambiances ont été imaginées pour chaque décennie afin de mettre en scène les créations de Gio Ponti : l’Ange volant, l’immeuble Montecatini à Milan, le palazzo Bo - Université de Padoue, la demeure de Gio Ponti de la via Dezza à Milan, l’aménagement de l’hôtel Parco dei Principi à Sorrente et enfin la Villa Planchart à Caracas.

Gio Ponti a défendu jusqu’au bout son principe d’une « maison à l’italienne », considérée comme l’expression ultime d’une authentique civilisation moderne et internationale. Le slogan « de la petite cuillère au gratte-ciel » attribuée à l’architecte italien Ernesto Nathan Rogers (1909-1969), incarne bien la personnalité de l’architecte milanais dont les projets pouvaient évoluer de l’infiniment petit à l’infiniment grand.

Il résume à lui seul l’ampleur du champ d’exploration de Ponti sans épuiser la richesse et l’originalité d’une œuvre joyeuse, colorée et très personnelle.