En parallèle du mois de la photographie, la Galerie Maeght présente du 7 au 29 novembre 2014 « Carnets du ciel », une exposition de photographies de Jean-François Spricigo. Compagnon discret et solitaire de la nature, témoin sur le qui-vive, ses images énigmatiques content ses rencontres avec les différents espaces et le monde animal. La Galerie Maeght propose dans cette exposition une trentaine de photographies de ses débuts jusqu’aux plus récentes, dont beaucoup d’inédites. Une lecture intime à savourer plein-champ, en parallèle de l’exposition « Toujours l’aurore » programmée au Centquatre-Paris à partir du 5 novembre.

La trentaine d’oeuvres sélectionnées par Isabelle Maeght échappe à tout enfermement, qu’il soit thématique ou chronologique. Jean-François Spricigo ne nomme ni ne date ses photographies concevant son travail comme un ensemble fragmentaire, rejetant toute prétention à figer l’ensemble. Ces « Carnets du ciel » se lisent comme une promenade vers la lumière, une percée au dehors, un journal de bord marqué par cinq expériences fondatrices : vertige, respiration, peur, tendresse et nature.

Promise au vertige, la photographie de Jean-François Spricigo permet de « cohabiter avec nos forces obscures comme promesse de lumière. » En noir et blanc comme en couleurs, la narration énigmatique procède du contraste lumineux. Le noir et le blanc, la vie et la mort, la nature et l’homme, l’image et le reflet se révèlent, s’opposant et se confondant tour à tour. Le vertige naît de la conscience de la pesanteur, de l’ambivalence entre le vide et le plein, l’ombre et la lumière.

La photographie est parcourue par cette perte de maîtrise quand le réel s’impose, quand la lumière griffe l’objectif. Le photographe fait alors émerger la lumière de l’obscurité et le sujet du vide.

La respiration est celle du photographe dans la nature et les grands espaces et celle du battement de l’obturateur, l’instant photographique est celui de l’apnée faisant naître ce tremblement sur-le-vif, ce flou insaisissable qui caractérise les photographies de Jean-François Spricigo. « Je ne cherche pas à capturer ou figer le monde, au contraire, c’est la trépidation, la palpitation d’un instant qui m’interpelle » explique-t-il. De la magie de l’émerveillement, de la violence de la crainte, se dégage une grande richesse de sentiments mêlés, de la joie à l’effroi. Ce-faisant, Jean-François Spricigo intègre le mouvement d’une façon quasi-cinématographique : le mouvement du récit, de la narration, du conte. Le réel s’intensifie : le flou n’altère pas la netteté du sujet mais le renforce. L’image étire le temps et l’espace dans un va-et-vient de l’animal à l’homme, de la nature à la ville, des grands espaces aux frontières urbaines.

Pour Jean-François Spricigo, la photographie est une réponse à la peur comme à la volonté de vivre : face au risque, le photographe choisit l’engagement. Choisissant souvent les grands espaces, la nuit, la montagne, l’isolement, le photographe se confronte avec la peur comme il se servirait d’une boussole. Si les humains sont souvent absents de ses paysages, si les animaux semblent y parler pour eux-mêmes, l’engagement du photographe, lui, est total.

« La fidélité à la fiction de ma vie au sein de la Vie elle-même est le témoignage le plus juste que je peux produire », écrit-il.

Tendresse : la photographie de Jean-François Spricigo est le fruit de sa perméabilité au monde, aussi délicate que circonspecte, il déclare sans détour « aimer inconditionnellement la nature et les animaux ». L'espoir se lit dans son travail comme une célébration de la nature. « La nature m’apprend à me réconcilier avec moi-même et les autres. Les animaux ont particulièrement participé à m’apaiser face à ce que je percevais comme des injustices. L’évidence de leur présence et leur ancrage spontané m’ont donné accès à une respiration plus sereine. (…) Je vis cela comme je respire, j’apprends pas à pas à transcender le tumulte en contemplation » écrit-il. La tendresse surgit. Dans le trouble, elle autorise la joie et la sérénité.

Nature. « Humblement, j’observe cette nature et la reconnais comme seule norme tangible face aux mutations de nos sociétés. Il n’est pas question de chercher l’opposition ou de créer une hiérarchie entre l’homme et la nature, mais bien de faire entendre au premier qu’il s’inscrit dans la seconde, et que jamais il n’a conquis quoi que ce soit de pérenne quand il la profane » explique Jean-François Spricigo.

Dans son oeuvre, la nature est une. Pas plus qu’elles ne sont datées, les photographies ne comportent d’indication de lieu. Les animaux sont avant tout eux-mêmes répondant à leurs propres lois et à leurs propres questionnements.

Jean-François Spricigo vit et travaille entre la Belgique, Paris et le monde qu’il parcourt. Né en 1979 à Tournai, il photographie depuis l’adolescence. À 29 ans, il entre dans la collection de la Bibliothèque nationale de France.

De Los Angeles à Tokyo, Jean-François Spricigo bénéficie d’une solide reconnaissance internationale. Exposé dès 2004 au Parvis à Tarbes ainsi qu’à la Ferme du Buisson dans le cadre du festival Temps d’images, il présente son travail à Bruxelles l’année suivante à Contretype puis en 2007 au Botanique. Primé en 2008 par la Fondation belge de la Vocation comme par l’Institut de France – Académie des Beaux-arts, membre-artiste à la Casa de Velàzquez en 2012 (Espagne), il effectue en 2014 une résidence artistique à Pensamento Tropical à Itacare (Brésil). Jean-François Spricigo a été exposé en France, en Belgique, en Pologne, en République Tchèque, aux États-Unis, au Japon, en Espagne, au Brésil. Il participera l’an prochain à Mons 2015 Capitale européenne de la culture, au travers d’une exposition au Château de Seneffe.

Photographe, vidéaste, écrivain, comédien, sa pratique artistique multiplie les correspondances et les dialogues entre les arts, notamment avec la musique. Diplômé de l’INSAS en Belgique, il intègre en 2002 le cours Florent à Paris, participe à plusieurs créations théâtrales et réalise plusieurs court-métrages. En 2012, il crée avec Olivier Smolders l’apport visuel de Jesus’ Blood Never Failed Me Yet, création au Centquatre-Paris. L’année suivante, il réalise deux clips pour Albin de la Simone et le pianiste Alexandre Tharaud. Il collabore également avec le chanteur Dominique A. En 2014, le film La part de l’ombre, co-réalisé avec Olivier Smolders, est sélectionné pour le festival de Clermont-Ferrand et fait l’objet d’une diffusion sur Arte. Le dispositif que proposera Jean-François Spricigo au Centquatre pour le Mois de la Photographie 2014 mêlera photographie et vidéo, la musique sur une bande-son d’Alexandre Tharaud, et également la littérature par une lecture de ses textes. L’écriture est au coeur de sa démarche artistique ; elle accompagne depuis 2007 chaque exposition. En 2010, Jean-François Spricigo publie un livre pour enfants aux éditions du Rouergue, Pour grandir, il faut… Il livre en 2012 un premier recueil de textes aux éditions Les Pierres : Partir. À paraître aux Éditions de l’OEil : Toujours l’aurore, recueil de textes et photographies. À paraître aux Éditions Riveneuve Archimbaud : Lettres à Quelqu’un.

Adepte de l’argentique, travaillant principalement en noir et blanc, Jean-François Spricigo exécute lui-même ses tirages dans son studio à Tournai. Il travaille 5 formats (24 x 36, 24 x 65, 6 x 6, 6 x 7 et 5,5 x 17), numérise et étalonne lui-même ses négatifs, et les imprime sur papier canson platine fibres afin d’atteindre les niveaux de noir souhaités.

Pour Jean-François Spricigo, le noir et blanc est « le stylo le plus juste pour raconter ce Nord d’où [il] vient, à la fois blafard et généreux ». La couleur fait néanmoins son apparition dans son travail en 2013. « Le choix de la couleur ou du monochrome ne correspondent pas seulement à des moyens techniques, mais sont des langages autonomes. Leur cohabitation est essentielle » explique-t-il.

Jean-François Spricigo expose pour la première fois à la Galerie Maeght en 2011 dans le cadre de l’exposition collective « Bestiaire ».

« Jean-François Spricigo fait partie des jeunes artistes à suivre. Je suis heureuse qu’en dialogue avec nous, le Centquatre mette à l’honneur ce jeune photographe de 35 ans qui nous invite à entrer dans son univers comme dans une brume enveloppante, tout à la fois inquiétante et sensible. Ses photos ne “bruissent” pas, elles s’affranchissent de tout discours inutile. J’apprécie que son travail, au langage très contemporain, s’inscrive dans le respect de la tradition du tirage argentique » explique Isabelle Maeght.

Toutes les images: © Jean-François Spricigo. Courtesy Galerie Maeght, Paris, 2014