Galerie Richard est heureuse de présenter la première exposition personnelle de Lauren Marsolier à New York intitulée Transition du 9 janvier au 1er mars 2014. Lauren Marsolier est une photographe française qui vit et travaille à Los Angeles. Elle propose une photographie volontairement déceptive au premier abord et il faut saluer cette radicalité rare. Rien d’une photographie numérique offrant toutes les possibilités techniques de nous impressionner. Paysages de chaleur sans êtres vivants, sans mouvements et sans bruits. La force et l’impact de ses photographies numériques se révèlent avec le temps en déambulant d’une oeuvre à l’autre et en revenant sur les premières photos vues. Ses photographies sont du temps condensé et elles imposent ce même temps étiré au regardeur.

Le ciel domine d’un bleu légèrement gris qui unifie l’ensemble de la série et donne la dominante. La photographie de la chaise en plastique blanc sur un sol bleu de la même couleur que le ciel suffit à capter l’attention. Que fait cette chaise ici sur cet immense piedestal bleu? Qu’y a t’il à voir de cette chaise qui mérite qu’on s’y arrête? (En tout cas la chaise et le piedestal se justifient formellement, comme zone de couleur associée au ciel dans une belle composition abstraite à trois teintes bleu, marron et beige). Dans le tryptique on se demande le pourquoi de ce lampadaire de rue dans l’angle de cette construction perdue dans le desert, de ce parcmètre et de cette voiture garée devant depuis longtemps puisque protégée par une housse? D’ailleurs comment peut-on parler de desert alors que l’on voit une immense pelouse visiblement bien entretenue? Qu’il n’y ait jamais d’oiseaux sur des paysages aussi larges et ouverts est-il concevable? Les questions se succèdent sans réponses et les contradictions s’accumulent. Par ailleurs on admire l’harmonie de proportions entre le construit et l’espace du paysage, les rapports justes entre les espaces intérieurs de bâtiments qui offrent un peu d’ombre et les espaces lumineux infinis du paysage. On prend conscience progressivement à quel point chaque image est parfaitement composée avec une grande rigueur géométrique. Cette perfection contribue à donner cette sensation de malaise devant une forme d’irréalité.

Le titre Transition donne une clef de compréhension de cet état d’esprit que suggère ces oeuvres. Passant directement de grandes métropoles à des endroits dépeuplés, on peut vivre une période transitoire solitaire durant laquelle on se sent étranger au paysage nouveau autant que le paysage nous est étranger. Cette sensation temporaire d’être déconnecté peut arriver lors de n’importe quel type de changement dans nos vies, qu’ils soit personnel ou collectif. Le passage incessant entre un réel non accepté qui reste au stade virtuel et l’acceptation de cette réalité s’apparente avec cette accoutumance propre à l’être humain du 21e siècle qui passe autant de temps devant ses écrans numériques qu’à voir le monde physique qui l’environne.

La photographie de la structure aux anneaux de gymnastique avec les deux constructions fait retrouver des sensations vécues en regardant certaines peintures de Giorgio de Chirico. La photo d’intérieur avec une large banquette verte fait penser à des peintures d’Edward Hopper. Il y a de bonnes raisons d’associer les photographies de Lauren Marsolier à des peintures car elles sont composées comme telles avec autant de liberté consciente. Ce sont donc des photographies numériques que selon les mots de l’artiste elle élabore minutieusement et patiemment comme un puzzle à partir de milliers d’images prises sur différents endroits, sauf qu’elle ne connait pas à prioiri le résultat final. C’est une photographie qui stimule l’inconscient et joue avec la subjectivité du regardeur. Elle anticipe un monde devenant de plus en plus une construction mentale, de plus en plus virtuel, et une hyperréalité devenant artificielle.

La série Transition marque l’entrée de Lauren Marsolier dans le cercle des jeunes photographes qu’il faut suivre dans une perspective internationale de l’histoire contemporaine de la photographie car c’est une série remarquable par sa radicalité deceptive, sa richesse visuelle, psychologique et conceptuelle.

Lauren Marsolier a obtenu le 1er prix du Photo Center North West Award en 2012, le 2013 Houston Center for Photography Fellowship où elle a eu une exposition personnelle. Ses oeuvres ont été incluses dans l’exposition ’31 Women in Art Photography’ à la Humble Art Foundation à NYC en 2012 et dans l’exposition ‘Landmark: The Fields of Photography” à la Somerset House. American Photo a sélectionné ses oeuvres dans son “Best of 2012’ et elle a été sélectionnée comme l’une des ’20 Photographers to watch in 2013’ par le British Journal of Photography. Elle aura une exposition personnelle à Galerie Richard, Paris, en hiver 2014.