Happy 90s Mr Arnold Odermatt!

La galerie GP & N Vallois dédie cette exposition clin d’oeil au brigadier suisse révélé par Harald Szeeman lors de la Biennale de Venise en 2001. En cette occasion, une sélection inédite de sa célèbre série des « Accidents » est dévoilée.

Si chez Odermatt la violence de la collision des véhicules semble littéralement apaisée par le calme des paysages enneigés, le choc est bien tangible dans la compression totémique d’une Giulietta Alfa Romeo de César de 1974, ou dans le film des essais sur route de l’Aérofiat 2.1, improbable prototype créé par Alain Bublex en 1995.

Avec Richard Jackson, le carambolage est source d’action picturale explosive : le 22 janvier 2012, l’artiste californien orchestre le crash d’un modèle réduit de Cessna rempli de peinture fraîche contre une toile de 6 mètres de côté portant la mention « Accidents in Abstract Painting ». Une grande photographie couleur ainsi qu’une vidéo témoignent dans l’exposition de la force de cette « peinture accidentelle ».

Ce sont les effets et les traces de violence qui se manifestent dans la Colère de télévision d’Arman, rare oeuvre rescapée d’un ensemble de téléviseurs sur lesquels l’artiste avait exprimé toute sa colère au vernissage de la Fiac en 1976.

L’impact est au coeur de la vidéo de Jimmie Durham Collected Stones, une série de 13 séquences dans lesquelles des pierres sont lancées sur des objets, du mobilier, ou encore finissent par couler un bateau au fond d’une baignoire... Les traces des chocs deviennent même cicatrices sur une plaque de Marbre Rose, peinte par l’artiste.

Un théâtre foisonnant de réactions en chaîne et autres exercices d’équilibre se joue avec la vidéo Der Lauf der Dinge de Peter Fischli & David Weiss qui, grâce au feu, à l’eau, l’air, la gravité ou encore une variété de liquides corrosifs, détermine des enchaînements déroulant le cours des choses et des objets.

Quand, de son côté, Paul Kos joue avec le feu dans un exercice d’équilibre périlleux entre un balai et une bougie ; d’autres jeux de balance - clin d’oeil à la série Equilibrium de Fischli & Weiss - se dessinent dans les découpes de papier de l’artiste mexicain Jose Dávila, ainsi que dans sa sculpture de pierre et de verre Joint Effort où une tension extraordinaire défie l’entendement.

Par bonheur, le carambolage dans l’art ne cause aucun dommage, au contraire il est source de foisonnement et de jeux de juxtaposition de formes et de temps.

Né de la collision entre une oeuvre contemporaine et les formes abstraites du motif de camouflage, le tableau Camouflage Hot Dog Lichtenstein (1963-1998) d’Alain Jacquet malmène et glorifie à la fois un chef-d’oeuvre de l’Histoire de l’art dans un esprit à la frontière du Pop et du Nouveau Réaliste. Cette oeuvre, de près 6 mètres de long, est la reprise du tableau qui conclut en apothéose la période des camouflages chez cet artiste, une peinture découpée en 300 morceaux à l’occasion d’un vernissage - perfomance en 1963 à la Galerie Breteau. De la même manière, Jean Tinguely, avec son Méta Kandinsky (1990) revient sur les historiques « Méta-Reliefs », peintures en mouvement des années 50-60, faisant s’entrecroiser de petits éléments colorés, accidentés et motorisés provenant certainement de quelque décharge.

Les Malaxeurs Cinétiques de Julien Berthier, sculptures en acier zingué, rejouent les formes de l’art abstrait et cinétique ; prolongements inattendus d’une perçeuse, ils deviennent de réels outils de construction (ou de destruction?) artistique.

Les Scrape Paintings de Keith Tyson, série initiée en 2013, consiste à retravailler en peinture des oeuvres déjà existantes : la superposition de sujets et de techniques d’époques différentes génère des oeuvres mystérieuses, dont les motifs finissent par tisser de nouvelles narrations entre eux. Ces interférences construisent des surfaces complexes formées par des images différentes qui entrent en connexion et parfois s’entrechoquent.

Aucune trace de choc dans le grand pastel de Pierre Seinturier, mais plutôt l’inquiétante étrangeté de cette scène sacrificielle au milieu des bois où un drame est sur le point de se dérouler.

Enfin, il faut bien prévoir à la fin de ce parcours carambolé une possibilité de réparation. André Komatsu, artiste brésilien, fait la proposition poétique de « recoller » des tableaux de verre brisés à l’aide de rubans adhésifs, qui comme des sparadraps, créent un nouveau paysage… accidenté.

Avec l’aimable collaboration des galeries Michel Rein, Hauser & Wirth, Travesia Cuatro, Galleria Continua et Sprüth Magers.