D’où provient ce sentiment d’inquiétante étrangeté que produisent les photographies de Valérie Belin ? De la carnation vivante de ses mannequins de vitrine, de la fixité du visage de ces femmes rencontrées dans la rue ? De l’aspect organique de ces carcasses de voitures, du caractère sculptural de ces boeufs écorchés ? Est-ce un sosie ou une statue de cire ?

Le Centre Pompidou consacre, pour la première fois, une exposition à l’oeuvre de Valérie Belin du 24 juin au 14 septembre. Constituée d’une trentaine d’oeuvres, l’exposition est organisée autour de la toute dernière série de Valérie Belin, « Super Models ». Cette nouvelle proposition renoue avec la thématique du mannequin qui est au coeur du travail de l’artiste, en lien avec des oeuvres antérieures provenant de collections publiques ou privées.

Par le traitement de la lumière, des contrastes, les proportions des tirages et autres paramètres savamment orchestrés, Valérie Belin joue de l’incertitude. Devant ses images, il est souvent difficile de dire si ce que l’on regarde est doué de vie ou inanimé, réel ou virtuel, naturel ou artificiel. Des détails subtils qui interrompent la continuité quotidienne, ramenant au concept d’inquiétante étrangeté de Sigmund Freud qui la définissait justement comme « Le fait de douter qu’une créature apparemment vivante soit animée, et à l’inverse l’idée qu’une créature sans vie pourrait bien être animée, en se référant à l’impression produite par les mannequins de cire, les poupées ou les automates réalisés avec art » [ Sigmund Freud, « L’Inquiétante étrangeté », 1919 ]. C’est cela précisément qui confère aux oeuvres de Valérie Belin une singulière puissance et le choix des oeuvres ici réunies, « Michael Jackson », « Black Women I », « Lido », « Meats », « Engines », …, illustre cet aspect spécifique de son travail.