Une exposition d’art contemporain conçue comme une traversée, une immersion ou un parcours critique au travers d’oeuvres reliées par le thème de la nature. Chacune en est une métaphore. Toutes offrent aux visiteurs la possibilité d’en faire l’expérience intellectuelle, physique et organique.

C’est un parcours ou plutôt un sentier parsemé d’oeuvres souvent monumentales dans les espaces du CentQuatre que proposent des artistes nouveaux sur la scène artistique ou déjà confirmés. Venus de Suisse, du Portugal mais aussi d’Egypte, d’Inde et de Chine, et bien sûr de France, ceux-ci interprètent à leur manière notre rapport à ce nouveau paradigme du mieux vivre : le retour à la nature.

Chacune de ces pièces en est une métaphore et offre aux visiteurs la possibilité de faire l’expérience physique et intellectuelle de ce retour.

Le parcours commence avec une splendide installation de Moataz Nasr dont il faut gravir les marches pour tenter une expérience transcendantale : comme suspendu au-dessus du sol pour répondre à notre désir inassouvi de liberté et d’élévation. Hema Upadhyay nous ramène sur une terre à la fois nourricière et dévoreuse de rêves. Elle sème les graines-paroles de nos utopies. Gu Dexin attire l’attention avec sa pièce organique et absurde, critique d’une société de consommation qui écrase ce qu’elle produit. Le photographe Christophe Beauregard s’intéresse aux personnes qui font face à leur nature et qui luttent contre son legs si injuste, la maladie. Joana Vasconcelos développe, détourne et sublime l’imagerie du jardin paradisiaque par l’artifice de ses installations artisanales. L’artiste suisse Zimoun construit des galeries de son d'inspiration architecturale et nous invite à entendre l’invisible. Enfin, Céleste Boursier-Mougenot convie dans sa volière le visiteur pour qu’il y côtoie des dizaines d’oiseaux mandarins perchés sur… des guitares Gibson ! Le tout composant un ensemble organique qui réagit instantanément aux battements d’ailes des oiseaux, aux mouvements des visiteurs et autres aléas du réel.

Et peut-être qu’à la fin de ce parcours le visiteur se demandera-t-il à quel point la nature est-elle naturelle ? Culturelle ? Ou quand l’art devient naturel !

Christophe Beauregard - Le meilleur des mondes ?
Christophe Beauregard vit et travaille à Paris. Au-delà du traitement photographique, il aborde dans ces travaux les questions de l’artifice, des jeux de langage, et de dispositifs sensoriels (musique, lumière) utilisés ou inventés par des anonymes. Ses images sont toujours le résultat d’une mise en scène et d’une composition photographique, entre documentaire et concept. Pensées comme des images faussement sages et faussement rassurantes. Ses prises de vue sont le fruit d’une composition photographique et ses champs d’intervention variés : faux SDF mis en scène dans la rue, enfants masqués, déguisés, corps tatoués… Il s’intéresse aux personnes qui combattent leur nature (changement d’identité des transsexuels) et à ceux qui luttent contre son legs injuste, la maladie par exemple. Les photos de Christophe Beauregard sont présentées en France et à l'étranger, à l'occasion d'expositions collectives ou personnelles. Notamment en 2011, lors d’un solo show à la galerie Briobox à Paris. Elles ont été aussi exposées durant l'Eté photographique de Lectoure (2008) et le Mois de la photo à Paris (2008). Le premier livre de Christophe Beauregard, Manuel d'esthétique, est publié par Filigranes Editions en 2005. Depuis Christophe Beauregard a publié Semantic tramps (2008), et Technomades (Europe echelle 27, 2008). Le Meilleur des mondes ? Cette série de photographies est le résultat d’une collaboration avec l’association Basiliade, qui accueille et accompagne des personnes atteintes du VIH/sida. Ces hommes et ces femmes sont membres (salariés, bénévoles) de Basiliade ou bien suivis par l'association. Ils sont séropositifs ou séronégatifs, migrants ou non migrants, hétéro, homosexuels ou transsexuels. La série est agencée à la manière froide d’un trombinoscope d’entreprise : le portrait d’une société en souffrance.

Celeste Boursier-Mougenot - From Here to Ear
Présentés depuis une quinzaine d'années exclusivement dans les lieux d'art contemporain, les travaux de Céleste Boursier-Mougenot, sont à considérer avant tout comme ceux d'un musicien. Après avoir été, de 1985 à 1994, le compositeur de la compagnie "Side One Posthume Théâtre" de l'auteur et metteur en scène Pascal Rambert, il entreprend de donner une forme autonome à sa musique en réalisant des installations. À partir de situations ou d'objets les plus divers, dont il parvient à extraire un potentiel musical, il élabore des dispositifs qui étendent la notion de partition aux configurations hétérodoxes des matériaux et des médias qu'il emploie, pour générer - le plus souvent en direct -, des formes sonores qu'il qualifie de vivantes. Invité dans la volière de Céleste Boursier-Mougenot, le public y côtoie des mandarins dont les mouvements engendrent une pièce musicale en direct. Concerts de pattes sur guitares électriques, nids suspendus sur aires de jeu sablonneuses… From Here To Ear est une oeuvre vivante et éphémère. Un ensemble organique qui réagit instantanément aux battements d’ailes des oiseaux, aux mouvements des visiteurs et autres aléas du réel.

Gu Dexin - September 2nd 2006
Gu Dexin, artiste chinois majeur né en 1962 à Pékin où il vit et travaille aujourd’hui, expose en Chine, en Europe et aux États-Unis. Gu Dexin a participé à de nombreuses manifestations internationales. Il était présent à la Biennale de Venise en 1995 et 2003. Première exposition en dehors de Chine, en Europe et en France : Magiciens de la Terre, 1989, Centre Georges Pompidou, Paris. L’oeuvre Sans Titre (1989), présentée dans l'exposition, est entrée dans la collection du Musée d'Art Contemporain de Lyon en 1989. L’exposition “Le moine et le démon” présente plusieurs de ses oeuvres autour de viande hachée malaxée sans relâche, travail que l'artiste a commencé en 1994. Gu Dexin s'est beaucoup interrogé sur les tensions qui existent entre l'être humain et son environnement. Ses recherches portent principalement sur la matière, qu'elle soit comestible ou non.

Moataz Nasr - I am Free
Né à Alexandrie en 1961, Moataz Nasr vit et travaille au Caire. Révélé à la scène contemporaine internationale en 2001 en remportant le prix de la 8ème Biennale internationale du Caire, Moataz Nasr est un artiste polyvalent qui explore tous les supports d’expression, de la peinture aux installations, sculptures, photographies et vidéo. Témoignant du processus culturel complexe en cours en Egypte, son oeuvre dépasse les particularismes et les limite géographiques et donne la voix aux inquiétudes. Esthétiquement, son activisme culturel tend à rompre avec un orientalisme voilé de préjugés. Ses oeuvres questionnent plutôt les rapports global-local ou dominant-dominé. En guise de réponse, Moataz Nasr explore l’interreligieux, l’interculturel, en somme l’entre-deux, dans des manifestes rappelant que « rien de ce qui est humain ne nous est étranger ». C’est à une expérience de transcendance que Moataz Nasr, l’artiste égyptien qui revendique son africanité, nous invite avec I am free. Désir de pureté et d’élévation que le public éprouvera en gravissant les marches de sa splendide installation… Plaisir de liberté que nous autres, pauvres humains mortels, ne manquerons pas de ressentir en se lovant sous des ailes immenses déployées en son sommet…

Hema Upadhyay - This space in between you and me
Hema Upadhyay est née en 1972 à Baroda et vit aujourd’hui à Bombay. Elle développe depuis le début des années 1990 une oeuvre qui articule expérience personnelle et histoire collective, reflétant les grandes mutations que connaît la société indienne contemporaine. Ses parents ayant émigré du Pakistan vers l’Inde et elle-même de Baroda à Bombay, Hema Upadhyay s’est très tôt intéressée aux phénomènes de migration. Mais si elle parle de l’Inde d’aujourd’hui, elle reste consciente du caractère universel de sa réflexion, alors que s’accentuent phénomènes de migration et déplacements de populations. Les oeuvres d’Hema Upadhyay ont été présentées au Tyler Print Institute à Singapour, au Musée d’Art Contemporain de Rome, à la Galerie Saatchi à Londres et au Museum of Contemporary Art Herning au Danemark ; à Paris, à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts et à la Galerie Claude Berri. En 2010, Hema Upadhyay a participé à la Triennale d’Architecture de Nagoya au Japon et a bénéficié d’une résidence d’artistes à la Fondation Calder. En 2011, Hema Upadhyay est artiste invité au Festival d’Automne. L’installation This space in between you and me questionne la situation complexe de l’immigration, quelle soit choisie ou forcée. Hema Upadhyay s’est éloignée de sa famille en 1998, pour vivre à Bombay. Elle ne vit plus avec eux. Elle ne leur a jamais écrit, mais reste toujours EN CONTACT avec eux, par téléphone. Ici, elle écrit une lettre qu’ils ne recevront jamais. Dont ils pourraient juste entendre parler. Une lettre qui évoque sa relation avec eux, avec son frère, son oncle, son chien, sa chambre, ses amis… Une lettre éphémère.

Joana Vasconcelos - Jardim do Éden
La nature du processus créatif de Joana Vasconcelos repose sur l’appropriation, la décontextualisation et la subversion d’objets préexistants et de réalités du quotidien. En partant d’ingénieuses opérations de déplacement, réminiscence du ready-made et des grammaires des Nouveaux Réalistes et du pop art, l’artiste nous offre une vision complice, mais en même temps critique, de la société contemporaine et des divers aspects qui servent les énoncés de l’identité collective, en particulier ceux qui renvoient au statut de la femme, aux différences de classe ou encore à l’identité nationale. De cette stratégie naît un discours attentif aux idiosyncrasies contemporaines, où les dichotomies habituelles artisanal/industriel, privé/public, tradition/modernité et culture populaire/culture érudites apparaissent investies d’affinités aptes à rénover les habituels flux de signification caractéristiques de la contemporanéité. Elle a reçu, en 2006, le prix The Winner Takes It All, de la Fondation Berardo, destiné à la création de son oeuvre « Néctar », actuellement installée au Musée Collection Berardo, Lisbonne; en 2003, le prix Fundo Tabaqueira Arte Pública lui a été attribué pour son projet d’intervention au Largo da Academia das Belas Artes, à Lisbonne ; et, en 2000, elle a remporté le prix Prémio EDP Novos Artistas. L’installation Jardin d’Eden s’impose comme le négatif de l’idée classique du jardin. Ce jardin, composé de fleurs artificielles, s’assume comme un simulacre de la nature. Le parcours dans ce surprenant et onirique Éden low-tech, construit comme un labyrinthe, évoque la fabrication et la maitrise du paysage, la nature transfigurée par la main de l’homme. Des fleurs phosphorescentes comme la nature sait en produire, à découvrir dans un monde plongé dans la pénombre.

Zimoun - Woodworms, Microphone, Sound System
A l'aide d'éléments simples et fonctionnels, Zimoun construit des galeries de son d'inspiration architecturale. Fondées sur le rythme et le débit mécanique à l'intérieur de systèmes organisés, ses installations intègrent des objets industriels courants. D'une grande profondeur émotionnelle, le bourdonnement acoustique des phénomènes naturels dépeints dans les constructions minimalistes de Zimoun résonne sans peine. Zimoun est un artiste autodidacte résidant à Berne. Son travail a été présenté lors d'expositions individuelles et collectives, ainsi qu'au cours de représentations en Europe, en Amérique du Nord, en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. Zimoun a reçu différents prix artistiques et statuts de résident permanent. Avec Woodworms, Microphone, Sound System, Zimoun propose d’entendre l’invisible. Il révèle le travail incessant de vers à bois qui dévorent goulument une souche d’arbre. Un concerto pour de minuscules interprètes malgré eux, qui nous fait entendre l’implacable travail de la nature. Zimoun crée des sculptures sonores et cinétiques complexes en assemblant en grand nombre des pièces produites industriellement. 416 prepared dc-motors est une de ces sculptures construites à partir objets industriels, apparemment détachée de toute empreinte affective. La simplicité structurelle de cette oeuvre met en valeur les comportements complexes du son et du mouvement. Il est question d’interactions constantes entre l’artificiel et le naturel. Zimoun met en question la distance à laquelle nous croyons, celle qui sépare la structure du chaos.

Le CentQuatre
5 rue Curial (19e arr.)
Paris 75019 France
M° Riquet (ligne 7)
www.104.fr

Heures d'ouverture
Du mardi au vendredi de 12h à 19h
Le week-end de 11h à 19h fermé le lundi (ouverture tardive les soirs de programmation)