Eléments rassemble les photographies de Mathieu Bernard-Reymond, Benoît Jeannet et Benoît Vollmer qui chacun explorent le genre du paysage.

Prédominant la photographie artistique à partir du milieu des années 1970, ce motif s’essouffle au tournant du XXIème siècle. L’avènement d’Internet, l’abolition des distances géographiques, la surabondance des images et l’apogée du tourisme fondent une ère nouvelle dans laquelle la représentation de la nature en photographie se banalise et s’édulcore.

Le paysage demeure néanmoins un pan essentiel de la photographie et plus généralement de l’art pictural. Ainsi, l’exposition Éléments, sous le commissariat de Matthieu Gafsou, ouvre une réflexion sur l’avenir de la représentation de la nature et de ses éléments composites en photographie, grâce aux lectures expérimentales et conceptuelles de ces trois artistes : Mathieu Bernard-Reymond, Benoît Jeannet et Benoît Vollmer.

En adéquation avec les changements technologiques qui se jouent ici et maintenant, les trois photographes expérimentent le médium photographique pour opérer des déplacements venant brouiller les codes de figuration du paysage. Un univers onirique et surnaturel se dégage de cette mise en péril du référent.

Dans Interruption, Mathieu Bernard-Reymond suspend le calcul d’un logiciel de fabrication de paysages en 3D, laissant visibles les artefacts du processus en action par des formes polygonales. L’artifice, ainsi dévoilé, s’inscrit dans le paysage sans toutefois ébranler l’effet de réel.

Benoît Vollmer recompose des paysages alpins à partir de centaines de clichés. L’esthétique naturaliste est alors bouleversée par le renversement de la ligne d’horizon qui brouille les repères non sans provoquer un certain étouffement face à l’infini de panoramas rocailleux.

L’élément minéral de la roche est également repris par Benoît Jeannet dans un index des motifs constitutifs du paysage. Cette approche méthodique, au service de la raison, est feinte lorsqu’on apprend que certaines de ces formes photographiées sont artificiellement fabriquées en studio. La nature est ainsi mise en scène, mettant à l’épreuve le réel et soulignant une fois encore la crise, voire l’inutilité du référent.

Le rattachement des photographies au genre pictural du paysage témoigne néanmoins d’une résistance de la forme. L’évolution passe par le discours qui n’est plus sociologique, urbanistique ou géographique, mais qui interroge notre rapport intuitif à ce qui vient du dehors.