Après lui avoir consacré sa première exposition en France en 2014, la Galerie Nathalie Obadia est très heureuse de présenter « I am your sister », la première exposition personnelle de l’artiste américaine Mickalene Thomas en Belgique.

À cette occasion, Mickalene Thomas, artiste pluridisciplinaire et réalisatrice parmi les plus reconnues sur la scène artistique américaine actuelle, propose une « double » exposition à la Galerie Nathalie Obadia de Bruxelles. Parmi une sélection de ses oeuvres les plus récentes (tableaux, photographies, collages), l’artiste a choisi de montrer celles d’autres artistes internationaux réunis en raison des affinités électives qui les unissent. Ce « tête-à-tête », pour reprendre la formule de Mickalene Thomas, est le nouvel opus d’une série initiée en 2012.

« I am your sister » permet à Mickalene Thomas de poursuivre l’exploration d’un de ses thèmes de prédilection : la féminité, et plus particulièrement celle de la femme noire. Son approche remet en question l’histoire classique de la peinture qui a longtemps éludé, voire raillé, la négritude. Le titre de l’exposition bruxelloise fait d’ailleurs référence à l’un des plus célèbres textes d’Audre Lorde (1934-1992), figure emblématique de la littérature noire américaine. Le sous-titre de cette anthologie, « Black Women Organizing Across Sexualities », indique clairement les préoccupations de son auteure – noire, femme et lesbienne. Ces spécificités identitaires, partagées par Mickalene Thomas, sont au fondement du recueil d’Audre Lorde, constitué de textes écrits dans une Amérique post-ségrégationniste, promouvant révolution et changement.

Outre le libéralisme social et la sexualité qui s’illustrent dans l’oeuvre d’Audre Lorde, l’univers artistique de Mickalene Thomas fait aussi directement référence à la période qui va des années 1950 à nos jours, une période qui rime aux Etats-Unis avec le Black Power et l’affirmation d’une réalité socioculturelle afro-américaine. Cette dernière s’est rapidement codifiée par le biais d’une esthétique soul, ostensiblement flamboyante et exubérante, que l’on reconnaît instantanément dans les photographies, collages et tableaux de Mickalene Thomas. Dans des environnements domestiques réinventés, elle place, au centre de la scène, ses muses dont les corps épanouis sont savamment disposés dans des décors vintage saupoudrés de strass, et créés à partir d’une riche gamme de techniques. Elle fait alors prendre à ses modèles des poses qui subliment sa vision contemporaine de la femme américaine. Elle convoque ainsi quelques grands précédents picturaux, de Courbet à Balthus, en passant par Manet, Matisse ou même Ingres et La Grande Odalisque qu’elle se réapproprie dans un portrait de Shinique, l’une de ses muses, prenant cette fameuse pose langoureuse (Cf. Shinique: Now I Know, 2015).

Les tableaux de Mickalene Thomas sont le résultat d’une recherche iconographique qui frise la rigueur archéologique. Outre l’influence des grandes oeuvres impressionnistes et réalistes, les magazines afro-américains cultes des années 1960, comme Ebony and Black Tail, fournissent à Mickalene Thomas quantité de motifs qu’elle découpe pour élaborer ses études préparatoires. Il faut également ajouter les 18 volumes de The Practical Encyclopedia of Good Decorating and Home Improvement, véritable bible de la décoration intérieure publiée aux Etats-Unis en 1971.

En 2013, cet intérêt pour les intérieurs rétro s’est concrétisé dans un espace à trois dimensions : Mickalene Thomas a alors transformé la Volkshaus de Bâle en un « bar artistique » nommé Better Days. Cette installation a servi de salle de concert pour diverses performances musicales durant la Foire Internationale d’Art Contemporain de Bâle (Art Basel, du 11 au 15 juin 2013). Mickalene Thomas y a convié de nombreux invités dont les interactions ont donné vie à l’installation. C’est ce qui a poussé l’artiste à poursuivre son exploration de l’idée de communauté – une communauté dans laquelle artistes, curateurs, musiciens et créateurs en tous genres sont invités à se côtoyer et à dialoguer, à échanger idées et récits de leurs expériences personnelles.

C’est la même notion de groupe qui prévaut dans le «tête-à-tête» présenté par Mickalene Thomas à la Galerie Nathalie Obadia de Bruxelles. L’idée d’une « exposition dans l’exposition » est née en 2012, à la suite d’une «Conversation entre amis» organisée par le MoMA entre Mickalene Thomas et les artistes Clifford Owens, Derrick Adams et Xaviera Simmons (ces deux derniers faisant partie du tête-à-tête bruxellois). Le quatrième opus de «tête-à-tête» présente des oeuvres de huit artistes, tous d’origine africaine ou afro-américaine, chacun proposant sa représentation du corps noir.

Conjointement à cet effort collaboratif, «I am your sister», exprime avec force l’importance des récits et de l’identité noirs, reflétant non seulement l’histoire américaine et ses courants socioculturels, mais aussi l’expérience des êtres, des muses, des artistes et des amis qui entourent Mickalene Thomas.

Parallèlement à l’exposition, le Wiels (Centre d’Art Contemporain de Bruxelles) présentera, le vendredi 20 novembre 2015 à 19h, une conversation entre Mickalene Thomas et Elvan Zabunyan, historienne de l’art française. L’idée de cette conversation avec Mickalene Thomas étant de créer des points de jonction entre ses travaux et les références historiques, politiques, culturelles que l’artiste convoque dans l’élaboration de son oeuvre visuelle.

Le nouveau catalogue de l’artiste: MUSE – Mickalene Thomas : Photographs, dernière monographie de Mickalene Thomas, sera publiée en janvier 2016 par la Fondation Aperture (New York, États-Unis).