Le Musée Tavet vous fera découvrir les oeuvres d’une famille d’artistes hors du commun : les Pissarro.

Ce nom est associé à plusieurs générations de peintres talentueux. Le premier et le plus célèbre est Camille, l’un des pères du mouvement impressionniste, qui a conçu une partie de ses chefs-d’oeuvre à Pontoise. L’exposition est consacrée principalement à ses quatre fils : Lucien, peintre néo-impressionniste très proche de son père, graveur sur bois et éditeur reconnu en Angleterre ; Georges Manzana, dont l’imaginaire orientaliste se retrouve dans ses nombreux objets décoratifs, Ludovic-Rodo, publié dès l’âge de 16 ans dans le journal Le Père Peinard ; et Paul-émile dit “Paulémile”, paysagiste post-impressionniste.

Des gravures de la fille de Lucien, Orovida, complètent cet ensemble très varié qui présente également de rares objets décoratifs : verres, porcelaines peintes, coffres sculptés polychromes ; et de précieux livres manuscrits et illustrés d’oeuvres originales comme "Le Journal des enfants", "Les Mille Nuits et Une Nuit" ou encore "les Fables de J. de La Fontaine" de Georges Manzana.

Camille Pissarro peut être considéré comme le plus grand pédagogue de l’histoire de l’art moderne – peut-être même de toute l’histoire de la peinture occidentale. Aucun grand artiste n’a produit d’élèves qui lui ont été supérieurs ; en fait, seul le contraire est vrai. Les écoles ou les suiveurs de Rubens, Rembrandt, Poussin, Boucher, David, Monet, Gauguin et Matisse ont surtout compté des artistes mineurs, souvent sans personnalité artistique distincte. Même si Léonard de Vinci a eu pour maître Verrocchio, ses successeurs répondent également au schéma que nous venons d’esquisser. Dans la tradition occidentale, on constate que les grands artistes descendent – mais pas en ligne directe – d’autres grands artistes qu’ils ont eux-mêmes « choisi » de suivre.

Lucien Pissarro, le fils aîné de Camille, est né à Paris le 20 décembre 1863. Il n’a pas dix ans quand sa famille s’installe à Pontoise (1872). Lucien y fait toutes ses études. Il s’y lie avec Auguste Leboeuf (qui deviendra en 1894 son cousin par alliance), Alphonse Truffaut et Louis Hayet. Pendant la guerre de 1870, après avoir passé quelque temps chez Ludovic Piette dans la Mayenne, Camille, Julie et leurs deux enfants (Lucien et Minette) séjournent sept mois à Londres (décembre 1870-juin 1871).

Georges (Manzana) Pissarro naît à Louveciennes le 22 novembre 1871. Quatrième enfant et deuxième fils de Camille Pissarro et Julie Vellay, il côtoie dès son plus jeune âge les amis peintres de son père qui fréquentent la maison familiale : Monet, Cézanne, Renoir, Gauguin... Comme les autres membres de la fratrie, et malgré les récriminations de sa mère, l’atmosphère artistique dans laquelle il baigne trace sa voie. Aux côtés de son père, Georges apprend le maniement du pinceau et la technique du dessin, mais il apprend surtout à observer et à aimer la nature. En 1889, Camille lui écrit : « Comme j’ai eu raison de te faire dessiner des plantes, tu vois combien cela t’est utile de bien les connaître, il aurait fallu en dessiner bien d’autres, mais tu ne comprenais pas la portée de tout cela, cela t’ennuyait mais plus tard on est bien heureux de s’être donné un peu de mal, quand on voit les bons résultats » (lettre du 7 juillet 1889, JBHII, n° 531). Les premières oeuvres connues de Manzana (xylographies, pastels) datent de 1886-1887. Les animaux constituent pour lui des sujets inépuisables qu’il adapte à ses facultés décoratives sur toutes sortes de supports, des papiers de verre jusqu’aux grossiers papiers jaunes des cornets de frites de l’époque.

Ludovic-Rodolphe est le quatrième fils et sixième enfant de Camille et Julie Pissarro. Son premier prénom fut choisi en souvenir du peintre Ludovic Piette, meilleur ami de Camille, mort sept mois auparavant à Montfoucault. Lorsque Julie Pissarro met au monde son fils, le 21 novembre 1878, la famille vient tout juste d’emménager à Montmartre, 18 rue des Trois-Frères. Au fil des années, Ludovic-Rodolphe devient « Rodo » et, sans que l’on connaisse l’origine de ces surnoms, « Piton fleuri » ou « Tiolo », avant d’adopter définitivement le nom de « Ludovic-Rodo » pour signer ses oeuvres.

Paul-Émile Pissarro, dit Paulémile, est le huitième et dernier enfant de Camille et Julie Pissarro. Surnommé affectueusement « Pitou », « Tiolo », « Guingasse » ou encore « Bébé », il naît le 22 août 1884 dans la maison d’Éragny. Il grandit dans la même atmosphère artistique que ses frères et soeurs et, dès l’âge de cinq ans, il traîne dans l’atelier de son père, le crayon à la main. En 1889, Camille écrit ainsi à Georges : « Paul-Émile fait des pattes d’araignée qui dans son imagination se transforment en voitures, chevaux, cocher, Cocotte [sa soeur de trois ans son aînée], des oiseaux, etc. etc. » [JBHII, n° 558] ou un peu plus tard, en 1890 : « Paul-Émile commence à faire des compositions abracadabrantes ; quelques fois il passe des journées entières à l’atelier, chantant, sifflant, et peignant des choses extraordinaires de cocasseries ! » [JBHII, n° 569].

Orovida Camille Pissarro, fille unique de Lucien et Esther, Orovida Pissarro naît le 8 octobre 1893 en Angleterre, où son père s’est établi en 1890. Elle passe les quatre premières années de sa vie à l’Éragny House à Epping, puis réside essentiellement à Londres. Son prénom, choisi en l’honneur de sa tante maternelle Orovida Bensusan, déplut à Camille, « quel drôle de nom, bon Dieu ! » [JBHIII, n° 950], qui préféra utiliser le surnom affectueux de “Kiddy”.