Déclaration de jeu, déclaration de «je, cette exposition réunit pour la première fois Boris Jean et Jordane Saget. Deux artistes qui jouent avec les lumières de la ville, pour changer notre regard sur le caractère de celle-ci et lui donner une dimension plus onirique. Pour réveiller notre utopie du monde urbain, qui n’est pas -comme pourrait le dire Théodore Monod- irréalisable mais irréalisée.

Boris Jean et Jordane Saget sont des visionnaires, des poètes, qui font, avec leurs installations et leurs photographies, de l’urbanisme fiction.

Pour l’occasion, ils se se sont aussi associés pour réaliser une installation, mixant ainsi leurs techniques, low-tech pour l’un, pictural pour l’autre, et tout en préservant la modestie des moyens utilisés qui les singularise (les maté- riaux recyclés, la craie).

Issu des Beaux-Arts de Tours et du Conservatoire libre du cinéma français, Boris Jean est devenu chef décorateur et réalisateur dans les domaines du cinéma (Les Épaves, Grand prix du festival d’Avoriaz), de la publicité et du spec- tacle vivant. Influencé par le film culte de Stanley Kubrick, il mène depuis 2001 sa propre odyssée, en bâtissant Little Big, une ville futuriste réalisée en miniature avec des rebuts et de simples objets recyclés. Lui qui a appris avec Jean Giraud aka Mœbius, avec lequel il collabora, à lever les yeux vers le ciel, nous invite plutôt à regarder la ville comme si on la survolait d’un avion, apercevant ses lumières à travers le hublot, puis à y plonger le regard pour découvrir au plus près la façon dont il joue avec l’architecture des maîtres du béton armé et la vacuité de l’ordre haussmannien. Et puisqu’il s’agit aussi d’un jeu, le spectateur est convié à cliquer trois fois sur son smartphone pour obtenir une vision nocturne du paysage urbain, encore plus mystérieuse, encore plus poétique, encore plus fantastique.

Autodidacte, Jordane Saget embellit Paris avec ses arabesques depuis un peu plus d’un an. Passant de son carnet in- time à la rue, il dessine à la craie des œuvres éphémères dans le métro (la station Concorde fut sa première galerie), sur les trottoirs et la place de Fürstenberg (sa plus grande fresque à l’horizontale), autour des colonnes de Buren (son œuvre inachevée), sur les portes cochères et les portails d’immeubles. Ces arabesques, composées de trois lignes blanches, sont bien plus qu’un simple ornement du décor urbain. Elles jouent avec les désordres architectu- raux et nous invitent à les suivre du regard jusqu’à se perdre dans notre propre imagination.

Lors du parcours-exposition Bizarro 2016, organisé par la Galerie Géraldine Banier, Jordane Saget investit notam- ment le décor et les miroirs de L’Hotel, à Saint-Germain-des-Prés, où il dessine à quatre mains avec Jean-Charles de Castelbajac. Il abandonne à cette occasion le pseudonyme de J3 et présente ses premières toiles géométriques.

Ses photographies révèlent aujourd’hui une nouvelle étape de son travail : un jeu avec les lumières de la ville, avec le creux des ombres, les traces fantômes des immeubles et du mobilier urbain.

Curèe par Thierry Voisin, journaliste, Télérama