La galerie Art : Concept est heureuse de présenter la quatrième exposition personnelle de Whitney Bedford, artiste américaine établie à Los Angeles, avec une série de nouveaux paysages réalisés à l’huile et à l’encre sur bois.

Souvent décrit comme autobiographique, le travail de Whitney Bedford peut s’apparenter à des chapitres de journaux intimes, nouvellement ouverts par l’irruption d’un événement, heureux ou pénible, dans la vie de l’artiste. En 2003 suite à une séparation douloureuse, le motif du navire naufragé fait ainsi sa première apparition. En 2013, c’est à l’inverse le motif du feu d’artifice, symbole d’explosion de joie et de passion amoureuse, qui envahit sa série Love Letters. Toutefois, le recours à la sphère privée est davantage un point de départ, une source d’inspiration parmi d’autres. En conséquence, le résultat n’est jamais anecdotique. Tout en s’affranchissant de la tentative (vaine ?) d’atteindre une création dégagée de toute expérience personnelle, les toiles de Whitney Bedford débordent largement du cadre de l’individualité.

Elles évoquent un âge d’or fantasmé et inatteignable, un lieu mythique où tout semblait encore possible. Précédemment exploré, notamment dans son exposition Arcadia en 2008 à la galerie, puis West of Eden chez Susanne Vielmetter en 2015, le thème du paradis perdu est ici approfondi dans sa dimension la plus sombre.

Au premier regard, le spectateur se délecte d’agréables paysages aux couleurs vives et lumineuses, peuplés de cactus, de palmiers et autres végétaux. Pas de doute sur leur pays d’origine. L’atmosphère californienne est palpable. Pour autant, ses motifs réalisés à l’encre avec une extrême précision (quasi photographique, mais en négatif) se détachent presque avec violence de leur horizon uni, lisse et solaire, et deviennent des ombres inquiétantes. Les titres le sont tout autant : Good do Bad (le bien entraine le mal) ou encore The Rattler (serpent à sonnette). La végétation vient faire barrage. Elle crée une sorte de frontière infranchissable qui délimite deux mondes. Celui du calme et du chaos, du serein et de l’inquiétant, du beau – source de joie et d’apaisement – et du sublime –source d’une émotion écrasante proche de la terreur – pour reprendre la distinction définie par Edmund Burke. Les forêts réalisées par Max Ernst entre 1927 et 1928 ne sont pas bien loin : absence de perspective, frontalité du motif végétal, temporalité suspendue. Elles sont animées par l’ambition commune de représenter une réalité autre, mystérieuse et ambivalente, peut-être cette « surréalité » si chère à André Breton.

Transposées presque un siècle plus tard à Los Angeles, les forêts ou jungles de Whitney Bedford ont quelque chose d’artificiel. Elles assument leur absence de volume, ne cherchent pas à faire illusion sur leur bidimensionnalité.

Propres à des décors, ou des panneaux publicitaires se dressant au milieu de nulle part, elles affichent insolemment la part d’ombre de ce La-la-Land.