Thibault Hazelzet a longtemps été identifié comme un photographe. Pourtant, ses oeuvres n’ont jamais cherché à enregistrer le monde tel qu’il nous apparait. Ses images ne prennent pour sujet que des maquettes de papier, des peintures, des dessins réalisés par lui-même qu’il agence et modifie, dans le le studio, pendant les prises de vue pour les rendre difficilement identifiables et surtout très picturales. Puis il se débarrasse de tous les éléments d’étapes comme s’il ne souhaitait garder que le fantôme de ses process ou plutôt son épiderme.

Ce n’est que récemment et après avoir sculpté des petites figurines de plâtre, pour le besoin d’une nouvelle série photographique nommée Les aveugles, qu’il a décidé de conserver « la peau, la chair et l’os » de la matière : mettant en tension la présence physique des plâtres avec la dématérialisation de leur image. Depuis sculptures et peintures sont devenues des parts essentielles de ses activités au même titre que la photographie. Si, comme l’affirme Claude Lévi-Strauss dans son célèbre essai La pensée sauvage, l’artiste est à la fois un savant et un bricoleur qui élabore des structures en utilisant des résidus et des débris d’évènements, on admettra volontiers que les oeuvres exposées aujourd’hui par Thibault Hazelzet prennent leurs origines dans la volonté de manipuler des matériaux. Cependant la présence sauvage, épaisse et dense des matières utilisées s’est désormais substituée à l’apparente neutralité mécanique des photographies. Le tout et selon les mots de l’artiste dans « Une orgie de matériaux divers qui permet de créer, par la gène que cela provoque, le dialogue entre l’oeuvre et le regardeur. Qui attire et repousse à la fois ».

C’est pourquoi on retrouvera dans les sculptures une abondance de substances : céramique, filasse, plâtre, tissus, bois dont on sent l’âge et l’usage. De gestes aussi, puissants, répétitifs voire compulsifs qui modèlent, ajoutent, tranchent, soustraient, assemblent. Et puis des mouvements rapides, plus furtifs, moins appuyés, pour peindre des toiles davantage discrètes. Simples pans de tissus couverts de fines couches de peintures liquides grisâtres, ornementés d’un geste rapide de spray noir.

Entre figuration et abstraction, entre expressionnisme et minimalisme, entre art premier et art contemporain les constructions énigmatiques de Thibault Hazelzet côtoient la puissance sauvage et la spiritualité païenne.