Kamel Mennour est heureux de présenter une exposition-hommage à François Morellet (1926-2016) mettant l’un des artistes historiques phare de la galerie en dialogue avec quatre figures américaines majeures de l’art minimal et conceptuel.

Un axe de l’abstraction géométrique d’après-guerre méconnu, quand pas tout à fait insoupçonné, voire improbable, « Cholet-New York » pourrait passer pour une nouvelle espièglerie de Morellet, ce « rigoureux rigolard », selon l’expression de Mo Gourmelon, « fils monstrueux de Mondrian et Picabia », pour citer l’artiste autodidacte lui-même.

François Morellet reste très attaché à sa ville natale. Quoi qu’un grand voyageur et visiteur fréquent de capitales artistiques, il réside principalement à Cholet, ce qui empêche un temps, ou du moins ralentit, la diffusion de son œuvre sur la scène mondiale. Ou bien c’est à son indéfectible goût pour la frivolité et la dérision que le plus dadaïste des conceptuels français doit d’être d’abord gardé relativement à l’écart de l’histoire officielle de l’art des années 1950 et 1960.

Pourtant très tôt Morellet adopte des attitudes similaires à celles de Kelly (1923-2015) et Sandback (1943-2003), avec lesquels il se lie d’amitié, ou encore à celles de LeWitt (1928-2007) et Stella (né en 1936), qui à l’orée de leurs carrières ont connaissance d’au moins quelques uns des travaux du français. Avec ces précurseurs issus d’un New York devenu l’épicentre de l’art occidental, supplantant désormais Paris, le Choletais partage une volonté de systématicité, de neutralité et d’économie formelle, ainsi qu’une prédilection pour la sérialité, le all-over et l’anti-composition.

Inversement, les échos et échanges qui unissent Cholet à New York se sont nourris chez François Morellet de multiples sources dont il rappelle volontiers les origines variées : la Suisse (via le Brésil) de l’art concret, la Russie du suprématisme, mais aussi l’Espagne de la tradition décorative arabo-musulmane, l’Océanie des tapas aborigènes, l’Allemagne et son baroque tardif, etc. L’artiste précise d’ailleurs que n’ayant pas fréquenté d’école d’art, son éducation s’est faite « d’amours en amours » et sa peinture « d’influences en influences. »

Plus troublant encore, Morellet semble même parfois anticiper des explorations communément attribuées à des créateurs d’Outre-Atlantique. Des analogies frappantes entre certaines réalisations de ses débuts (telles Du jaune au violet, 1956, ou son corpus de trames de lignes droites entamé la même décennie) et les lignes et carrés concentriques, monochromatiques ou en déclinaisons de couleurs, de Frank Stella d’une part, ou les séries de grilles dites ACG (Arcs, Circles & Grids) de Sol LeWitt d’autre part, interrogent, posant la délicate question d’une éventuelle antériorité de Morellet. Ne faudrait-il pas plutôt voir dans ces similitudes, certes déroutantes, un phénomène de pseudo-morphisme, comme le rappelle Yve-Alain Bois, où aussi ressemblantes soient-elles, les démarches de chacun conservent leur singularité propre? Enfin, au-delà de polémiques anciennes autour d’une prétendue fracture transatlantique, il ne fait nul doute aujourd’hui que François Morellet mérite toute sa place de pionnier parmi les pionniers.

François Morellet est né, a vécu et travaillé pendant la majeure partie de son existence à Cholet. Internationalement reconnu depuis les années 1970 et auteur de plusieurs commandes privées et publiques en France comme à l’étranger, Morellet a exposé au Centre Georges-Pompidou, au Musée d’Orsay, à la Galerie nationale du Jeu de Paume, au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, au Consortium de Dijon, à Bozar/Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, au S.M.A.K. de Gand, au MAMCO, Musée d’art contemporain de Genève, à la documenta de Cassel, à la Neue Nationalgalerie à Berlin, à la Staatliche Kunsthalle de Baden-Baden, au Modern Art Oxford, au Brooklyn Museum à New York, à la Albright-Knox Art Gallery de Buffalo (New York), au Center for the Fine Arts à Miami, ainsi qu’au MoMA de New York.

Une installation monumentale de néons sera présentée à Art Basel Unlimited en juin 2017. La Dia Art Foundation (New York) consacrera à François Morellet dès octobre 2017 une exposition monographique inédite aux États-Unis.

Ellsworth Kelly est né en 1923 à Newburgh (États-Unis) et décédé en 2015 à Spencertown (États-Unis).

Sol LeWitt est né en 1928 à Hartford (États-Unis) et décédé en 2007 à New York (ÉtatsUnis).

Fred Sandback est né en 1943 à Bronxville (États-Unis) et décédé en 2003 à New York (États-Unis).

Frank Stella est né en 1936 à Malden (États-Unis), il vit et travaille à New York (États-Unis).

Béatrice Gross est commissaire d’exposition et critique d’art indépendante vivant à New York et Paris. Actuellement, Béatrice Gross prépare une exposition monographique majeure consacrée à François Morellet à la Dia Art Foundation (New York). Elle est également conseillère éditoriale et curatoriale de Mémoire Universelle (Bruxelles), un projet pluridisciplinaire d’encyclopédie thématique expérimentale et subjective. Béatrice Gross a organisé plusieurs expositions consacrées à l’art minimal et conceptuel: Drawing Dialogues: Selections from the Sol LeWitt Collection au Drawing Center (New York, 2016), Double Eye Poke. Lynda Benglis, Dan Flavin, Sol LeWitt, Bruce Nauman à la galerie kamel mennour (Paris, 2015), ainsi que Sol LeWitt. Dessins muraux de 1968 à 2007 (2012-13) et Sol LeWitt collectionneur. Un artiste et ses artistes (2013), au Centre Pompidou-Metz, et Sol LeWitt. Colors au M-Museum Leuven (2012).

Elle a assuré la direction de la monographie Sol LeWitt (Editions du Centre PompidouMetz, 2012-13), et dirigé de 2013 à 2015 le Sol LeWitt Wall Drawings Catalogue Raisonné (Artifex Press, New York).