Je ressens toujours le désir de chercher ce qu’il y a d’extraordinaire dans les choses ordinaires; suggérer sans imposer, laisser toujours une petite touche de mystère dans mes peintures.

(Balthus)

La Galerie Gagosian est heureuse de présenter une exposition de peintures, de dessins et de photographies couvrant toute la carrière de Balthus. Préparée en collaboration avec la succession de l’artiste, il s’agit de la première exposition de son œuvre en Suisse depuis 2008.

Balthus était le peintre solitaire de scènes narratives chargées et inquiétantes. À l’écart des mouvements avant-gardistes tels que le surréalisme, il cultivait un classicisme autodidacte dans ses représentations de la complexité physique et psychique chère à l’adolescence. Lors de sa première exposition en galerie en 1934, ses représentations de jeunes femmes pubères tendant vers un voyeurisme empreint de rêves excitants, ont scandalisé le public parisien. Pendant les soixante années qui ont suivi, Balthus a poursuivi ses recherches artistiques énigmatiques avec des portraits d’intérieur, des scènes de rue et des paysages.

Dans cette exposition, Nu adossé (1939), une œuvre de ses débuts, suit un ordre digne de Poussin; les courbes douces de la silhouette contrastant avec le cadre anguleux du lit. Cette scène qui joue avec l’espace domestique se prolonge dans Étude pour Le Salon (1940–42). Révélant le parti-pris calculé de Balthus, Étude pour Le Salon représente trois jeunes filles: une qui lit sur le sol, une autre qui est endormie sur le canapé et une troisième qui apparaît comme si elle venait d’entrer dans la pièce. Cependant la jeune fille debout et l’embrasure de la porte derrière elle sont absentes des deux versions finales du Le Salon—un chat blanc prend leur place dans la seconde version, une œuvre qui fait partie de la collection du Museum of Modern Art de New York. Dans une autre étude, Étude de Nu (1957), une jeune fille souriante se tient debout avec ses mains légèrement repliées sur son ventre nu dans un halo de traits gris-bleu. Dans Odalisque allongée (1998–99), une œuvre plus tardive, les thèmes familiers de l’histoire de l’art, tels que la romance champêtre ou l’orientalisme, sont entraînés vers un précipice psychologique. L’odalisque de Balthus est allongée sur le bord d’un matelas et tient une mandoline. Elle détourne le regard du spectateur dans une rêverie assumée.

Couvrant les années de 1928 à 1978, les dessins révèlent des expérimentations saisissantes dans leur forme, leur composition et leur contenu, et témoignent de la versatilité technique et de l’évolution stylistique de Balthus. Ils comprennent des portraits pointillistes, des nus de femmes allongées et des scènes dans les parcs de Paris. Sont également exposés plusieurs caricatures et un paysage, Paysage de Montecalvello (1978), dans lequel les rochers et le feuillage de la campagne italienne sont rendus minutieusement au charbon. Vers la fin de sa vie, quand sa fragilité physique l’empêchait de dessiner, Balthus a commencé à prendre des photos Polaroids, considérant les photographies instantanées comme étant des «croquis» préparatoires de ses peintures. Dans ces images approximatives, la lumière dorée passe à travers la fenêtre, créant un effet de clair-obscur et, un paysage bucolique de montagnes suisses apparaît révélant la dualité entre le rêve et la réalité. Plusieurs de ces Polaroids sont des études pour la peinture Odalisque allongée. Ils représentent le dernier modèle de Balthus, une jeune fille prénommée Anna, qui a posé pour lui tous les mercredis pendant huit ans dans la même pièce du Grand Chalet.

Un manuscrit unique d’Antonin Artaud, Faits remontant à 1934—La Misère Peintre (1947), est exposé dans une vitrine du sous-sol. Ecrit à la main et richement illustré en couleurs par l’auteur lui-même, celui-ci réfléchit sur la vie, la mort et l’héritage de Balthus dans une prose poétique emplie de vénération et souvent sibylline.

Balthus (Balthasar Klossowski de Rola) est né à Paris en 1908 et mort en Suisse en 2001. Ses peintures et ses dessins figurent dans les collections des musées du monde entier. Parmi ses expositions publiques, on peut compter les institutions suivantes: Museum of Modern Art, New York (1956); Musée des Arts Décoratifs, Paris (1966); Tate, Londres (1968); la 39e Biennale de Venise (1980); Museum of Contemporary Art, Chicago (1980); Centre Georges Pompidou, Paris (1983–84, puis au Metropolitan Museum of Art, New York); Kyoto Municipal Museum of Art, Japon (1984); Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, Suisse (1993); Hong Kong Museum of Art (1995); Palazzo Grassi, Venise (2001); «Balthus – 100e anniversaire», Fondation Pierre Gianadda, Suisse (2008); Tokyo Metropolitan Art Museum (2014, puis au Kyoto Municipal Museum of Art); «Balthus: Cats and Girls—Paintings and Provocations», Metropolitan Museum of Art, New York (2013–14).