Derrière les murs et les grillages de sécurité, en secret, des esclaves aphasiques fomentent une insurrection. Ils n’ont ni style reconnaissable, ni culture valide, n’adhèrent pas au langage de la société de laquelle ils ont été déviés géographiquement. Dans les enclaves insalubres qu’ils habitent ils recomposent un corps social qui possède sa propre économie, ses propres codes ou signaux d’appartenance, ses propres stéréotypes, générant aussi, leurs propres maladies. Ces organismes non-assimilés forment la communauté des malades, des hors-la-loi qui en même temps qu’ils mettent en déroute la saine beauté du monde, font éclore une poésie exacerbée. Sans moyens, ils n’ont que leurs émotions, leur matière sensible, leurs affects pour exercer une pression, pour fissurer les murs.

Comme toute société secrète, leur langage est « crypté » et attribue à l’objet des capacités anormales, comme par exemple le pouvoir de désirer et de s’émouvoir : avec un peu de bon sens, on ne tardera pas à débusquer derrière cette langue vernaculaire quelque pathologie, et un certain « problème » de communication. 
Leur écosystème complexe mêlant indifféremment le règne du biologique et du technologique, le vivant et la chose, est entièrement interconnecté et auto-alimenté par des fils et des réseaux dont ils laissent à découvert, ça et là, l’obsolète et précaire configuration.

Comme ils n’ont pas fait l’apprentissage normal du langage et de la sublimation, ils sont incapables de réprimer leurs émotions, celles-ci arrivant parfois en blocs, provoquant des états d’ivresse et d’hyper-activité, tournant en rond sur eux-même jusqu’à être frappés d’invisibilité ; ces décharges soudaines allant jusqu’à perforer la surface de leurs « peaux », de ces même décharges hormonales qui grêlent le visage des adolescents. Parfois trop brutales, celles-ci figent leur organisme dans un état proche de l’apathie, une attitude disgracieuse dont on ne sait si elle révèle un état d’absence au monde ou de défiance. Dans un accès de violence, ils déchirent les mots vrais, se mettent à murmurer des chants sataniques, en boucle. Attirés par la lune, centre de gravité de leur univers artificiel, ils s’abandonnent alors à la mélancolie contemplative, s’abreuvant à cette source cosmique pour continuer à croire en la beauté du monde.

En tant qu’aliénés, ils ne font pas de distinctions entre le monde virtuel et le monde réel, et encodent leurs émotions sur des circuits et des algorithmes dont ils viennent réchauffer la froideur digitale, de la même manière qu’ils polluent la nature idéale de leurs pensées impures. Cette économie en faillite, où prolifèrent depuis le sol jusqu’au plafond les mauvaises herbes comme une matière contaminée par une révolte poétique, ressuscite une énergie enfouie et des croyances primitives, s’associant à la machine pour accroître sa puissance de persuasion.

Ce qui existe derrière les murs de la discipline, derrière les écrans du savoir, derrière le bruit silencieux des réseaux cyber, toute cette activité souterraine, David Douard en fait la matière d’un monde fictif. « Sick Saliva » se développe alors comme un environnement commercial vantant les mérites de cette insurrection contre la bienséance des lois naturelles et promeut la réputation de cette nouvelle anthropologie.

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