Dans la Chine des années 1930 imprégnée par la tradition, un noyau de peintres modernistes voit le jour grâce à l’enseignement dispensé à l’école des Beaux-Arts de Hangzhou, dont certains professeurs ont étudié en Europe. Les trois artistes considérés aujourd’hui comme étant les pionniers de l’art abstrait chinois y font leurs classes : Zao Wou-Ki (1920-2013) et Chu Teh-Chun (1920-2014), y étudient de 1935 à 1941, puis y enseignent dès l’année suivante. Lee Chun-Shan (1912-1984) y est professeur de 1937 à 1946.

En 1949, après les huit années d’invasion japonaise (1937-1945) surviennent la défaite du Kuo­mintang et la prise du pouvoir par Mao Zedong : plus d’un million de Chinois quittent alors le continent pour aller à Taïwan, où le gouvernement de Chang Kai-Chek s’est replié. Tandis que Zao Wou-Ki a quitté la Chine un an plus tôt pour s’établir à Paris, Chu Teh-Chun et Lee Chun-Shan s’installent à Taipei en 1949.

En 1950, redoutant un conflit avec la Chine occidentale, les États-Unis font de l’île un protectorat américain. Au travers des ouvrages disponibles à la bibliothèque américaine de Taipei, les artistes découvrent par eux-mêmes l’art moderne occidental, de l’impressionnisme à l’art abstrait de l’École de New York, alors en pleine effervescence.

Tandis que le régime politique de Chang Kai-Chek s’attache à faire perdurer la tradition chinoise, ces jeunes peintres exilés prennent le contre-pied de ce conservatisme. Naissent en 1956 et 1957 les deux plus importants mouvements avant-gardistes taïwanais : le groupe Ton Fan, fondé par huit élèves de Lee Chun-Shan, et le groupe Wuyeu, appelé aussi Fifth Moon, dont certains artistes ont suivi l’enseignement de Chu Teh-Chun.

En 1958, le séjour de Zao Wou-Ki à Hong-Kong a un grand retentissement auprès des jeunes artistes taïwanais qui découvrent, à travers les journaux qui publient ses dernières œuvres, qu’un compatriote, au fait de la modernité parisienne, a suivi la voie de l’abstraction.