A vingt ans, Louis Thomas passait quinze heures de ses semaines à peindre des nus. Avec cette série de gouache sur cartons entièrement dédiée aux portraits nus féminins, il revient à ses premières études. Dans l’atelier où il prenait des cours, il s’étonnait que les modèles qui passaient de longues heures offertes à la vue des étudiants, aient besoin au préalable de se dévêtir derrière un paravent. Passage. Rideau. Le nu n’est jamais neutre. Pour Louis Thomas, il l’est pourtant, d’une certaine façon. C’est en tout cas pour lui une manière de travailler ce qui relève de l’anonyme. Et plus spécifiquement de la figure. Débarrassé de ses apparats, de tout marqueur social notamment, le corps déshabillé devient cette masse universelle, discrète, qui s’apparente pour l’artiste à un objet décoratif. Nulle provocation. Louis Thomas tient là une idée forte. Le nu par définition n’est pas l’étranger, il est le connu. L’artiste n’investit pas plus que cela théoriquement cette notion et se situe plus volontiers du côté d’une pure jouissance du geste.

Il réactive ainsi l’éternel débat de la Renaissance entre la couleur et le dessin. Peu tourné dans sa pratique picturale vers la surface, il est en effet happé par la ligne. Dans ses dessins à la gouache, qu’il oppose à la peinture, le trait est libre et pur, d’une précision arrêtée net dans sa course. On décèle vite que l’artiste a regardé, dévoré et ingéré celui de ses prédécesseurs, Dufy, Picasso, en tête.

Matisse, ensuite et avec sans doute plus de distance. Les pupilles de ses modèles s’étirent vers l’infini, les tétons des jeunes femmes sous sa main deviennent des ronds et les ombres formées par les clavicules, un large s renversé comme les ailes d’un oiseau. La gouache, naturelle, chaleureuse est pareille à la douce température d’un lit où un corps est venu plus tôt se déposer. Les corps sont tendres, non érotisés, simplement là. Ces femmes forment un environnement, un décor, au même titre que les fleurs, souvent au premier plan du reste, et dont Louis Thomas a pris grand soin. Les fleurs et les femmes, cela pourrait sonner comme un cliché, et quand bien même ? L’amour est un cliché. Allons plus loin, et si Louis Thomas préférait le dessin aux femmes ? Cette exposition n’est pas un catalogue de nus mais la restitution d’une passion avouée d’un dessinateur pour un geste face à des sujets alibis, des sujets aveugles, prétextes.

Et si pour une fois, le corps de la femme n’était pas le sujet ?