Originaire de Nouvelle-Écosse, Cal Lane déploie ses créations à travers le monde depuis plus de quinze ans. Avec Try Me, la diplômée du Nova Scotia College of Art and Design et de l’Université d’État de New York fait suite à Disobedient Virtues, exposition solo présentée à Art Mûr Leipzig en 2016. Cette fois, l’artiste marie une de ses séries emblématiques à de nouvelles explorations formelles et thématiques.

Inspirée par la rondeur des barils de pétrole en acier, Lane y découpe des motifs de dentelle qui donneront naissance aux premières incarnations de la série Panties. C’est grâce à la découpe au plasma, un processus de longue haleine documenté sur vidéo dans l’exposition, que l’artiste transforme ces objets massifs en délicats dessous en trois dimensions. Dans Try Me, les Panties de Lane sont issues de larges tôles d’acier et adoptent une échelle démesurée. Cette taille exacerbe le caractère sexuel des objets représentés tout en ébranlant leur nature intime et les connotations enfantines de leur appellation. Avec sa minutie saisissante, Lane met en jeu les stéréotypes de genre qui associent traditionnellement le secteur industriel au masculin et l’artisanat au féminin et propose une réflexion critique sur l’héritage viril de la sculpture moderniste à laquelle son matériau de prédilection se réfère.

Une nouvelle série de dessins par Lane se penche sur des objets empreints à la fois d’hyper-masculinité et de poésie: des sous-marins guerriers à la forme phallique qui voguent dans les cieux plutôt que de sillonner le fond des mers. Le papier-peint texturé qui tient lieu de support affiche des fioritures qui rappellent les Panties. Bien que son projet de sculpter un sous-marin désaffecté au Monténégro n’ait pas abouti, Lane retient ce motif qui fait écho aux considérations géopolitiques déjà abordées dans sa série Sweet Crude (2009) sur le commerce mondial du pétrole. Elle démontre de même la majesté et le potentiel destructeur de cette machine de guerre perfectionnée.

Le travail de Lane s’avère naviguer constamment entre le jeu de séduction et la confrontation, une dimension déjà manifeste dans le titre de l’exposition, où l’expression Try Me tient lieu d’invitation comme de provocation. Dans le même esprit, l’artiste installe un terrain de basketball dont les paniers sont affublés de culottes, cette fois faites de réelle dentelle plutôt que de métal (Hoop). Les limites de la surface de jeu, reproduites sur un tapis persan richement ornementé, rappellent que les interactions les plus privées demeurent régulées par des normes sociales en apparence immuables. Or, tout comme les sous-vêtements métalliques de l’artiste évoquent moins la contrainte de la ceinture de chasteté que la rébellion et la subversion, Lane semble inviter le spectateur à se libérer de ce carcan.

Texte de Geneviève Marcil