La Galerie Suzanne Tarasieve a pu réunir un ensemble dʼœuvres remarquables dʼun des plus grands artistes allemands contemporains, Sigmar Polke (1941-2010). Enfant de refugiés, né en Silésie, il a vécu à Cologne, sʼil ne sillonnait pas les quatre coins du monde. Avec son ami Gerhard Richter, il crée le mouvement pictural baptisé le « Réalisme capitaliste ». En 1986, il reçoit le Lion d'or de la 42ème Biennale de Venise. Son œuvre, inclassable, oscille entre figuration et abstraction, embrassant des techniques multiples : peinture, dessin, gravure, photographie, film et installation. En 2014-2015, des grandes rétrospectives lui sont consacrées au musée de Grenoble, au Museum of Modern Art à New York, à la Tate Moderne à Londres, au musée Ludwig à Cologne et en 2016 au Palazzo Grassi à Venise.

Plein dʼhumour, il expliquait que lorsque « sa famille sʼempressait de lire le journal lui nʼy voyait en raison de sa myopie, qu'une série de petits points noirs qui sont devenus ses frères et que lui-même est également un point. » De ce souvenir, est né lʼusage omniprésent des points. En grossissant la trame, il la déforme, jouant avec une vision de très loin et de très près jusquʼà la dissolution de lʼimage.

Lʼautodérision de cet artiste qui est surtout un libre penseur, a certainement entravé sa notoriété. Les peintures de Polke sont des dessins peints : un champ de forces et dʼénergie, une alchimie de matières et de couleurs.

Sa narration se nourrit autant de lʼimagerie pop, mythes millénaires, contes populaires, que de la grande histoire et de la caricature politique.

Ses dessins évoquent le jeu à plusieurs mains du cadavre exquis : une forme se transforme dans une autre, enchaînant des associations libres proches de lʼunivers surréaliste. Dans Figurenstudie (1973), un des dessins exposé à la Galerie Suzanne Tarasieve, plusieurs figures se superposent. Morceaux de corps et visages féminins nous entraînent dans une image mentale : un fantasme au sexe ouvert.

L'étoffe dont sont faits les rêves de Polke sʼapparente à un journal intime, un lieu dʼexpérimentation. Lʼespace picturale devient alors un immense collage où se juxtaposent portraits, mots, éléments réalistes et abstraction lyrique tel le rébus dʼun jeu de réflexion. Lʼeffet de surprise anime les œuvres dʼune puissance suggestive. Son langage tient de la spontanéité de lʼenfant, mais aussi dʼune conscience politique engagée et dʼune dimension cosmique issue du romantisme allemand.