Ody Saban crée la "beauté" par strates successives. Elle peint puis dessine sur sa peinture, repeint puis redessine jusqu'à être satisfaite de l'image obtenue, sans aucune préscience de l'oeuvre à atteindre. Le vertige de la création, l'euphorie prennent le dessus. Ody Saban immerge le spectateur au coeur d'une nature luxuriante, inquiétante, dévorante, où les êtres et la végétation se métamorphosent, parés de couleurs flamboyantes et psychédéliques. Cet univers de forêts oniriques est le lieu de toutes les éclosions, propice à l'étreinte amoureuse, à la quête spirituelle, au recueillement. Dans la forêt inondée se meuvent des bateaux qui représentent l'Inconscient humain, habités d'êtres surgissant de la mythologie personnelle de l'artiste.

Les dernières œuvres d’Ody Saban se présentent comme une grande fête. Une ivresse lucide naît d’un savant mélange d’humour, de désirs, de mythologies fantastiques.

Ces œuvres, pleines à craquer de vie, n’ont plus assez de la surface des toiles. Elles prennent de plus en plus de volumes jusqu’à former, dans certaines œuvres, de véritables bas-reliefs minces, extrêmement touffus. Les êtres hybrides assemblés par Ody Saban ont toutes et tous été mordus et partiellement façonnés par la douleur. Toutefois, la plupart d’entre elles et eux ont relevé la tête et décidé de s’inventer des souhaits nouveaux dans un monde neuf. Ils continuent à surgir des terres rouges et ors de la forêt magique, de ses feuillages extasiés ou de ses cours d’eaux vives, mais leurs activités et leurs liens gagnent en intensité. Là se tiennent, dans des buts précis, des assemblées de femmes. Ainsi « pour la transformation des objets magiques », « pour la construction d’un sourire aérien » …

Des espoirs se font jour, sous les aspects les plus divers. Ainsi sous la forme d’une nageuse en plein ciel, de rayons de soleils inattendus, d’un soudain « poussin accompagné parmi les fleurs ». Des rêves phosphorescents sont extraits de lourds rouleaux de temps : « Elle pique la mémoire ».

Des conseils sont parfois donnés aux compagnes et compagnons de voyage : « ne perdez aucune de vos têtes !» Et en effet, certains personnages créés par Ody Saban ont tant de visages et de mémoires, élégamment emboîtées les unes dans les autres, qu’ils risqueraient d’en laisser trainer l’une ou l’autre ici ou là. Un tableau porte comme titre une citation de Jacques Prévert : « Si les chevaliers de l’Apocalypse arrivent… » (Ils sont là ! l’artiste vous les montre !) « … donnez d’abord à boire aux chevaux. »

Les amoureux, à force de faire l’amour, transforment maintenant le monde autour d’eux, apprivoisent très doucement la nature, sans l’effaroucher. La volonté et la nécessité de vivre intensément, ouvertement, librement, à hauteur humaine, ont rarement été exprimées de façon aussi pleines.