« […] Quand la lune, écartant son cortège
d’étoiles, / Jette un regard pensif sur le monde
endormi, / Devant son front glacé je fais courir
mes voiles, / Ou je les soulève à demi. […] »

(Louise Ackermann)

Halos translucides que l’obscurité dénude, les photographies de Yoichiro Nishimura sont des invitations à la contemplation. Une partie de la série des 117 photographies intitulée en anglais Blue Flower était exposée lors de la foire internationale de la photographie Fotofever à Paris [1]. Le parti pris d’exposer des impressions de petit format, type carte postale, renforçait l’appel à la proximité, à l’observation de ces fleurs aux couleurs abyssales à dominante bleue et nuances de violet; des tons froids émanant du fond noir en toute phosphorescence.

Cet effet, Yoichiro Nishimura l’a obtenu après de longues années de pratique du photogramme : méthode ancêtre de la photographie et développée comme technique artistique par Man Ray, qui revient à obtenir une image en exposant directement à la lumière des objets sur une surface photosensible comme le papier argentique. Ce procédé en inversion (les zones exposées à la lumière deviennent foncées ; les zones protégées de la lumière restent claires) comme les images en négatif, lui faisant penser à l’usage pratique moderne du scanner, l’artiste s’est questionné sur son utilisation comme outil de création et sur la numérisation opposée à l’impression sur papier argentique. C’est ainsi qu’il a inventé ce qu’il appelle le « scangramme » pour réaliser sa série Blue Flower.

Les fleurs, sujets de prédilection de cette série menée au bout de sept ans d’expérimentation, sont toujours liées à l’intime. D’abord à l’intimité même de l’artiste, qu’elles aient été ramassées dehors, cueillies chez lui ou apportées par son épouse. Puis au sentiment d’intimité perçu à la saisie des sujets : elles apparaissent au regard comme on les caresserait d’un rayon X, et enfin au travers du caractère symbolique presque magique qu’il leur confère. En effet, Yoichiro Nishimura offre un nouveau souffle à ces natures mortes, fleurs fanées originellement rouges, jaunes, oranges, devenues bleues (grâce à la chrominance inversée) de l’autre côté du miroir, en faisant clartés les parties obscures tandis que la lumière se transforme en ténèbres. Ainsi de chacune d’elles émane une lueur vive comme une promesse de l’ombre.

La délicatesse et l’éclat sont combinés en un oxymore végétal, yin et yang poétique qui trouve son harmonie dans le noir. L’artiste éclaire le secret du mouvement éternel par lequel la nature prend forme, disparaît et renaît.

Les fleurs sont immortelles, rêve celui qui les voit en bleu.

Blue Flower, Yoichiro Nishimura
Minnano Gallery, 2F 4-14-3 Higashiueno, Taito-ku, Tokyo