Aujourd’hui, nous avons tous a l’esprit des images de Matisse. Son oeuvre est devenue un fonds visuel partage, connu de tous. Dans la profusion visuelle ambiante, beaucoup d’artistes regardent l’oeuvre de Matisse parmi tant d’autres sources, qu’il est difficile d’y deceler une reelle filiation. Le MAMAC a fait le choix de s’interroger sur la survivance de l’iconographie matissienne chez les artistes contemporains en privilegiant la citation directe de ses oeuvres. L’influence difficilement quantifiable laisse place aux reprises formelles explicites et revendiquees.

L’exposition ≪ Ils ont regarde Matisse ≫ presentee au musee du Cateau-Cambresis en 2009 analysait la reception de l’oeuvre de Matisse dans l’art abstrait americain et europeen d’apres guerre. L’exposition du MAMAC invite a une autre trajectoire. Elle permet de decouvrir les differentes modalites d’appropriation de l’oeuvre du maitre de la modernite dans un corpus figuratif allant des annees 1960 jusqu’a aujourd’hui.

Si pour les artistes du Pop Art americain, Matisse est un objet de consommation comme un autre, cette recurrence revele une reelle fascination. Tom Wesselmann relegue tres souvent dans ses ≪ Great American Nudes ≫ l’oeuvre de Matisse au rang de poster. Roy Lichtenstein decline a foison le bocal a poisson. Les peintures en relief de Larry Rivers en reference directe a Matisse abondent. Andy Warhol reprend La Robe bleue dans une serie des annees 1980 consacree aux oeuvres d’art celebres.

En Europe, c’est avec le Mec Art et la Nouvelle Figuration, que les images de Matisse se confrontent a la culture populaire. Valerio Adami mele Matisse a la bande dessinee. Erro l’associe aux icones du monde moderne. Le camouflage militaire d’Alain Jacquet dissimule plusieurs oeuvres du maitre dont Le Luxe. Dans les annees 1980, Robert Combas en France et Jean-Michel Basquiat aux Etats-Unis, lui dresseront un hommage underground.

Les recherches sur la mise a plat des elements constitutifs de la peinture dialoguent elles aussi de maniere profonde avec l’oeuvre du peintre moderne, retenant la voie decorative initiee par Matisse ou les potentialites offertes par les papiers decoupes. Claude Viallat s’approprie ses couleurs, ses vagues et ses fenetres. Louis Cane reinterprete La Blouse Roumaine par des decoupages dans la resine coloree. Christian Bonnefoi decline en papiers Les Dos en bronze de Matisse. Cinq variations sur le Fauteuil Rocaille de Pierre Buraglio qu’il a pu admirer au musee Matisse de Nice sont egalement donnees a voir. Citons encore La Sonate de Vincent Bioules et la version de L’Atelier rouge de Claude Rutault.

Depuis les annees 1970, la question de la reproduction des images et de leur assimilation devient centrale. Differentes generations detournent subtilement les oeuvres du maitre pour problematiser cette notion. Vik Muniz par exemple reproduit plusieurs chefs-d’oeuvre aux pigments de couleur avant de les photographier. Sherrie Levine transpose a l’aquarelle des oeuvres de Matisse, battant en breche la notion d’originalite. Gilles Mahe rehausse simplement quelques photocopies de peinture. Patrice Carre reprend plusieurs papiers decoupes aux ciseaux crantes et a l’adhesif jouant avec le decoratif, parfois jusqu’au kitsch. Dans des registres fort differents, John Baldessari, Sophie Matisse, Christophe Cuzin, et Laurence Aegerter interrogent la puissance iconique des oeuvres du peintre. Des artistes comme Martin Kippenberger, Loic Le Pivert, et Gerald Panighi introduisent Matisse dans leur univers respectif. Thierry Lagalla, Cynthia Lemesle & Jean-Philippe Roubaud, Paola Risoli entreprennent chacun a leur maniere une reconstitution personnelle de son oeuvre quand d’autres multiplient les reiterations, a l’image de Erik Dietman ou Wang Qingsong.

Certes, Matisse peut être utilisé comme une icône facilement identifiable ; mais ces convocations transcendent l’usage de la citation par les artistes contemporains. Elles témoignent, au-delà du simple jeu citationnel et d’une certaine forme de reconnaissance, d’une réelle ambiguïté : un coefficient d’ironie, d’insolence, de désinvolture, qui tend à désacraliser la figure matissienne ; et en même temps un intérêt pour les qualités proprement picturales de l’oeuvre sollicitée. De ces rapports intimes et complexes à l’oeuvre de Matisse, chaque artiste expérimente et retient des leçons de peinture comme l’absence de hiérarchie entre les sujets, l’emploi de couleurs pures, la mise en abîme ou l’aplatissement des surfaces. «Bonjour, Monsieur Matisse (ou La Rencontre)» esquisse ainsi les multiples floraisons que le peintre moderne a rendues possible.

Une grande partie des oeuvres exposées a été réalisée dans les deux dernières décennies. D’une part, des figures repères des années 1960-70 cultivent tout au long de leur carrière un réel dialogue avec l’oeuvre de Henri Matisse et il était important que l’exposition retrace ces trajectoires dans le temps. D’autre part, l’exposition s’ouvre largement sur les nouvelles générations. Certaines oeuvres ont été spécialement produites pour l’exposition, complétant ou renouvelant le regard que les artistes pouvaient porter sur Matisse. Parallèlement, cette réunion de citations et de détournements matissiens a été rendue possible grâce aux prêts exceptionnels de collections publiques ou privées américaines et européennes.

L’exposition s’articule selon un parcours thématique redessinant les grands axes du travail matissien : l’atelier, les intérieurs et les natures mortes, le nu et le portrait, la danse et les papiers découpés. Les oeuvres de Matisse auxquelles les artistes font référence, défilent sur des écrans vidéo, conviant le public à une sorte de jeu d’association. Chercher les rapprochements et les dissonances entre les oeuvres de Matisse et leurs appropriations nouvelles, c’est entrer dans la création, la décortiquer pour mieux l’apprécier. L’exposition favorise ainsi une réelle immersion dans cette danse entre artistes et génère un processus de continuité et de dialogue artistique.

Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain
Promenade des Arts
Nice 06000 France
Tel. +33 497 134201
mamac@ville-nice.fr
www.mamac-nice.org

Heures d'ouverture
Mardi - Dimanche
De 10.00 à 18.00