La Galerie Suzanne Tarasieve, en présentant un ensemble dʼune quinzaine dʼœuvres dʼEd Paschke, disparu en 2004, fait plus quʼintroduire une démarche originale et plurielle. Face à lʼart globalisé dʼaujourdʼhui, Paschke se définit comme un artiste infatigable dont les recherches portent sur une longue période de lʼart. Aussi son œuvre se comprend-elle comme lʼénoncé dʼune histoire différente de lʼAmérique par rapport aux images positives et optimistes du Pop Art notamment. À travers ses œuvres, on entrevoit une chronique de la vie en société, principalement orientée vers les marginaux, et les classes pauvres à majorité noires. Comme sʼil entendait réhabiliter tout un pendant de la société face aux images dominantes de lʼamerican way of life. La mythologie de cette civilisation contrastée se retrouve évoquée par des compositions picturales plurielles et parfois surréalisantes.

Aussi Cadmium Signature (1979), une huile sur toile, résume à elle seule, lʼénoncé dʼune pratique, qui sera principalement picturale et rebelle. De fait, cette exposition renforce et prolonge la programmation de la Galerie Suzanne Tarasieve, partant du fabuleux Sigmar Polke, jusqu'à ces peintres allemands, Immendorf, Lüpertz, qui proposent aussi une analyse très pointue de lʼindividu en société, et dans le siècle.

Dans lʼexposition, on rencontre de très nombreuses figures. Encore une fois pas celles dʼune Amérique blanche et dominante, mais dʼemblée celles qui retracent avec justesse des destins individuels et des situations ambiguës (Tool World, 1990). Un grand nombre de personnages de race noire émergent dans une lumière étincelante, parfois fluorescente (Green red spring, 1998) dont les couleurs sont volontiers criardes. Les œuvres de Paschke ont un réel pouvoir dʼévocation. Dans lʼénoncé de la vie quotidienne et des contextes sociaux, elles se rapprochent du pouvoir critique de la photographie.

Matrix (1995) propose un face à face, une occasion de réintroduire lʼimage tutélaire du mythe américain. Un autre personnage fantastique et exubérant présenté dans un incroyable dessin (Trapeeza, 1976), fait littéralement éclater la représentation : le personnage féminin semble se mouvoir dans un cadre géométrique. Les corps sexués ou androgynes occupent toute la surface du tableau. Un petit dessin, Jeu Jaune (1994), où apparaît un poisson, semble directement surgi dʼune œuvre surréaliste, et dʼun rêve éveillé. Dans Projectile (1995), lʼartiste emploie la dérision et lʼhumour : dans un espace bleuté, un poisson se confronte à une artillerie de projectiles.

Ses images ont un réel impact visuel, porté par des visages expressifs au centre de la composition. Les situations, les chroniques intimes que dépeint Paschke sʼadressent bien au plus grand nombre.