La galerie Les filles du calvaire a le plaisir d’annoncer « Y’a des jours comme ça », la première exposition personnelle de Zhuo Qi à la galerie. Entre tradition et humour, l’artiste nous propose de repenser l’art séculaire de la céramique.

Zhuo Qi est originaire de Chine (Fuxin), et se rend régulièrement à Jingdezhen, une ville envahie par la céramique qui génère aussi des montagnes de débris dans lesquels il puise souvent sa matière première. Après les Beaux-arts du Mans, et la Haute Ecole d’Art et de Design de Genève, il approfondit ses recherches sur la céramique à l’Ecole nationale supérieure d’art de Limoges et conduit ses expériences dans les fours des manufactures.

Zhuo Qi nourrit son œuvre des incompréhensions linguistiques et sémantiques dont il est témoin, et parfois victime, en tension entre la culture chinoise et la culture occidentale : « Je n’ai pas d’autres choix que de composer avec ces malentendus, si courants. Ils sont l’opportunité d’élargir le langage, de jouer sur les sens et les signes. Je n’invente rien, je transforme et me saisis seulement de ce qui vit déjà dans l’imaginaire collectif ». Le rapport à la langue et au non-sens sont ainsi les éléments constitutifs de la démarche de Zhuo Qi, qui naviguant d’une langue à l’autre, donne forme aux malentendus.

Il combine les savoir-faire chinois et français pour développer une technique qui lui est propre : une utilisation radicale et performative de la porcelaine. Elle est à la fois le matériau et le sujet. Il transforme et malmène les formes traditionnelles du céramiste pour réaliser des sculptures déconcertantes, radicalement étrangères à la fonction usuelle des objets qu’il fabrique, collectionne ou restaure. L’esprit iconoclaste de l’artiste se moque de la « délicate porcelaine » en lui incorporant des objets improbables (ours en peluche, briques, etc.).

Avec l’ensemble « J’ai allumé un vase », il l’attaque à coup de pétard, mêlant deux pratiques emblématiques de la culture chinoise : la technique traditionnelle de la céramique et l’usage populaire des pétards célébrant le calendrier chinois. Présentée à la galerie, les chaises en porcelaine imitant le bambou illustrent ce principe du détournement. L’artiste est parti des chaises en bambou populaires de la région de Jingdezhen. Il se joue de la robustesse du matériau d’origine en créant des chaises « fatiguées » qui s’affaissent sous leur propre poids à la cuisson, se métamorphosent en « idée de la chaise » et ne représentent plus que le matériau bambou et sa portée universelle dans la culture chinoise : arbre, matériau de construction, aliment, support et instrument de l’écriture, motif de la peinture traditionnelle…

En 2018, dans le cadre d’une résidence au Centre céramique contemporaine La Borne, Zhuo Qi a instrumentalisé le vase, l’objet par excellence du travail de potier. L’artiste a imaginé le projet à partir d’un constat vécu : un vase peut « survivre » à sa chute lorsqu’il contient des fleurs. Il propose alors une série de vases renversés, déformés, d’où jaillissent contre terre (et toujours en céramique), fleurs, branches, tiges et pétales. Là encore, l’artiste vide de son sens le conventionnel bouquet de fleurs érigé sur la table et bouscule l’art de vivre.

Il faut voir en Zhuo Qi, la posture d’un artiste iconoclaste des langages et des symboles mais se nourrissant de plusieurs héritages artistiques. « Y’a des jours comme ça » nous confronte à la vision d’une céramique imparfaite, image d’un « ratage » contemporain assumé.