La Galerie Marian Goodman est heureuse de présenter, pour la deuxième fois à Paris, une exposition d’Amar Kanwar.

Son dernier film Such a Morning constitue le cœur de cette présentation. Il s’agit d’une parabole moderne mettant en scène deux personnages dans une quête silencieuse de vérité. Dévoilé lors de la documenta 14 à Athènes et à Cassel en 2017, le film est accompagné d’une série d’installations constituées de petites rétroprojections et rétro-illuminations sur papier. Cherchant à penser l’époque perturbée dans laquelle nous vivons, Amar Kanwar s’interroge : « Que reste-t-il lorsqu’on a épuisé tous les arguments ? Comment changer de paradigme et trouver de nouvelles réponses ? » Such a Morning propose une réponse d’ordre métaphysique face à notre réalité contemporaine en analysant les limites entre la parole et le silence, la peur et la liberté, la démocratie et le fascisme. Dans ce long métrage de 85 minutes, un célèbre mathématicien au sommet de sa carrière rompt brusquement avec sa vie et se retire en pleine forêt, dans un wagon de train abandonné.

Le professeur commence alors à vivre dans une atmosphère dépourvue de lumière s’accoutumant progressivement à l’obscurité avant que les ténèbres ne tombent complètement. Alors en proie à des visions fantomatiques, il débute un voyage sensoriel épique où son moi entre en résonance émotionnelle avec le monde qui l’entoure. Une histoire parallèle mettant en scène une femme, symbole d’une forme de résistance, se dessine au cours du film telle une alternative à la démarche du protagoniste. Au fil du temps, le professeur consigne ses épiphanies et visions dans un « Almanach des ténèbres », où il répertorie 49 types d’obscurité qu’il explicitera dans une série de lettres.

Fondé sur les recherches de Kanwar sur la diversité des structures narratives en usage dans le sous-continent indien, les images et la forme de Such a Morning se lisent comme une métaphore présentant la complexité d’une période orageuse de l’histoire où chaque vérité possède sa part d’ombre. A partir des lettres qu’écrit le professeur, Kanwar a conçu un récit qui se poursuit au-delà du film et se développe en un projet de recherche à la fois artistique, pédagogique, métaphysique et politique. Sept installations intitulées Letters, consistant en textes et lumières rétro-projetés sur papier, sont ainsi présentées au rez-de-chaussée de la galerie. Tandis que les premières lettres du professeur s’adressent à différents destinataires (au Président de l’université, à ses collègues, à ses étudiants, à des enfants), la cinquième nous est destinée. Les deux dernières existent hors de la temporalité du film, la 7e s’apparentant à une lettre ouverte, une main tendue, une proposition formelle à l’attention du spectateur. La fabrication artisanale du papier utilisé dans Letters a été confiée à Sherna Dastur, de la Nirupama Academy of Paper à Calcutta.

Le wagon de train figurant dans le film se trouve toujours à Delhi, en mémoire de ce professeur qui a refusé le conformisme en se retirant dans la nature. Le montage de Such a Morning a été réalisé par Sameera Jain, la direction de la photographie revient à Dilip Varma, avec des images additionnelles de Ranjan Palit. L’enregistrement sonore a été réalisé par Suresh Rajamani et Julius Basaiawmoi, et le design par Sherna Dastur. Such a Morning (2017) a été produit avec le concours du Kiran Nadar Museum of Art (New Delhi) et Marian Goodman Gallery.

Amar Kanwar, né à New Dehli en 1964, est un artiste et réalisateur de films, récompensé en 2017 du Prix Prince Claus (Pays-Bas), pour son travail novateur dans le domaine de la culture et du développement : "Pour son œuvre profondément dérangeante, belle et émouvante, dans laquelle l’art dialogue avec la documentation et l’activisme ; pour son enquête critique et contemplative de la nature de l'oppression, et de la résistance courageuse des peuples ; pour donner la parole aux victimes de l'injustice sociale, sonder en profondeur les causes et les effets multiples des problèmes, et apporter un témoignage de notre temps ; pour son utilisation novatrice de formes d'art hybrides au service d’une méthode de narration sans égale, offrant au public une expérience personnelle intense, et franchissant les frontières éducatives et culturelles ; pour allier la sensibilité poétique à la conscience politique, afin d’ augmenter la portée et l’impact du film documentaire ; et pour élargir les possibilités de l'art comme moyen d'instaurer la justice sociale, ainsi qu’encourager les jeunes générations d’artistes à réfléchir profondément à l’impact social de leur travail."

Son travail a été exposé dans de grands musées internationaux. En 2018, des expositions personnelles ont été présentées à la fondation Luma (Arles, France), au Minneapolis Institute of Arts (Minnesota), à la Tate Modern (Londres), au Bildmuseet (Umea, Suède) et au festival Photo Kathmandu (Népal). Récemment, d’autres expositions personnelles ont été organisées par l’institut Max Mueller Bhavan (Mumbai, Inde, 2015/16), le Frac Pays de Loire (Carquefou, France, 2016), le musée d’Etat d’Assam (Inde, 2015), l’Art Institute de Chicago (Illinois, 2013), le Yorkshire Sculpture Park (Wakefield, 2013), la fondation Thyssen-Bornemisza Art Contemporary (Vienne, 2013), le Fotomuseum Winterthur (Zurich , 2012), le Stedelijk Museum (Amsterdam, 2008) ou encore la Whitechapel Art Gallery (Londres, 2007). Kanwar a participé aux Documenta 14, 13, 12 et 11 (2017, 2013, 2007, 2002).

Kanwar a reçu de nombreuses distinctions dont le prix Creative Time/Annenberg for Art and Social Change (2014), un doctorat honoris causa en beaux-arts (Maine College of Art, 2006), le prix Edward Munch pour l’art contemporain (Norvège, 2005) ou encore le prix MacArthur (Inde, 2000).

Plusieurs de ses films ont également été sélectionnés dans de nombreux festivals de cinéma tels que le 5th International Documentary and Short Film Festival of Kerala, Inde (2012), le 13th Madurai International Documentary and Short Film Festival, Inde (2011), le Documentary Dream Show, Tokyo (2010), le Parallel Perspectives Film Festival, Hyderabad, Inde (2008), ou encore 9th International Short Film Festival, Bangladesh (2005). Amar Kanwar vit et travaille à New Dehli.