La Galerie Thaddaeus Ropac présente dans son espace de Pantin une exposition consacrée à l’art minimal américain. A travers plus de 20 œuvres majeures de Carl Andre, Dan Flavin, Donald Judd, Sol LeWitt, Robert Mangold et Robert Morris, Monumental Minimal donne à voir l’étendue des enjeux esthétiques portés par les principaux acteurs de cette révolution artistique.

Né à New York dans les années 1960 en réaction à l'expressionnisme abstrait, l’art minimal se distingue par une radicalité formelle qui bouleverse les modes traditionnels de présentation de la sculpture. La sérialité, le privilège accordé au concept ainsi que l’emploi de matériaux industriels constituent le socle commun à partir duquel se déploie un ensemble de pratiques individuelles.

Les œuvres présentées ont pour particularité d’entretenir une relation architectonique avec l’espace dans lequel elles sont montrées. Qu’elles soient placées au mur, dans un angle, ou directement sur le sol, les sculptures sont agencées de façon à dialoguer entre elles et à interagir avec l’architecture de la galerie. Les volumes offerts par l’ancien bâtiment industriel, ainsi que l’éclairage zénithal contribuent à mettre en valeur les structures primaires que constituent la forme, la couleur et la matière des œuvres. L’un des principaux enjeux de l’art minimal consiste à requalifier la relation du spectateur à l’œuvre d’art à travers le dispositif d’exposition. Le public peut désormais interagir avec une pièce à son propre niveau, en fonction de ses déplacements dans l’espace. Le statut même de l’œuvre s’en trouve changé, à l’image des Stacks de Donald Judd, ces combinaisons de plusieurs éléments identiques accrochés au mur que l’artiste ne considère ni comme des peintures ni comme des sculptures mais davantage comme des « objets spécifiques », selon le concept défini dans son manifeste de 1965.

Le titre Monumental Minimal laisse ouverte la question ambiguë du rapport de ces sculptures au monument et, plus largement, aux notions associées à la sculpture classique. À cet égard, le « monument » dédié à l’artiste russe Vladimir Tatlin, créé par Dan Flavin en 1967 est en quelque sorte le point de départ chronologique et conceptuel de l’exposition. L’agencement en escalier de tubes fluorescents blancs évoque le colossal Monument à la Troisième Internationale conçu par Tatlin en 1920 et demeuré à l’état de projet. Cette œuvre emblématique démontre l’importance des théories constructivistes dans le développement de l’art minimal, et plus fondamentalement l’enracinement européen d’un art souvent considéré comme typiquement américain.

Cette exposition permet de poursuivre l’histoire débutée avec la présentation des œuvres d’art minimal de la collection d’Egidio Marzona lors de l’ouverture de la galerie de Londres en 2017. De fait, l’art minimal partage depuis ses débuts un espace commun transatlantique. Admirateur de Constantin Brancusi, Carl Andre reconnaît l’influence de la Colonne sans fin, 1918, sur la dimension modulaire de ses propres œuvres. Également fasciné par le sculpteur roumain, Robert Morris en fait l’objet de sa thèse en 1966 à Hunter College. Lorsqu’il était encore gardien de salle au MoMA à New York, Robert Mangold considérait que les peintures de Piet Mondrian étaient les seules dont la qualité résistait à l’épreuve du temps. Devenu artiste, il a lui-même progressivement vidé sa peinture de toute référence externe, se concentrant plutôt sur des rapports formels internes.

À l’autre extrémité chronologique de Monumental Minimal, le Wall Drawing #1176 Seven Basic Colors and All Their Combinations in a Square within a Square (2005) de Sol LeWitt a été recréé spécifiquement pour l’exposition avec l’aide de l’Estate Sol LeWitt. Cette œuvre rend hommage aux compositions de Josef Albers, pionnier du Bauhaus et cheville ouvrière des passages artistiques entre l’Europe et les Etats-Unis depuis le début des années 1950. À la suite d’Albers, LeWitt utilise la forme géométrique simple du carré pour explorer les effets illusionnistes de la couleur sur un plan à deux dimensions : il place un carré à l'intérieur d’un carré pour étudier l'interaction des couleurs entre elles. Celles-ci semblent alors se dilater ou se contracter selon que le visiteur s’avance ou recule. Dialoguant avec l’espace et le temps, l’œuvre renoue avec l’essence même de l’art minimal dans une expérience à la fois ordinaire et intense.