La Galerie Marian Goodman présente une exposition d’Annette Messager avec plus d’une vingtaine d’œuvres inédites ainsi qu’un ensemble de nouveaux dessins. Le parcours est marqué par la présentation de sa première installation vidéo Perdu dans les limbes (2019).

L’exposition s’ouvre sur une série de sculptures murales intitulée Sleeping Songs (2018-2019). Annette Messager a travaillé des sacs de couchage, couettes et doudounes à capuche colorées comme de vrais matériaux plastiques. Soulignant leur grande polyvalence et polysémie, l’artiste insiste : « Les couettes, sacs de couchage, doudounes, duvets sont des tissus récents, chauds, doux, cocons protecteurs. Ils prennent toutes sortes de formes et nous accompagnent jour et nuit, sur nos corps habillés ou nus » (…) « ils peuvent évoquer le sommeil, les rêves ou cauchemars, l’amour, la sexualité, ou l’isolement.”

Les méandres des plis agencés pour créer volumes et formes évocatrices (cœur, croix, etc…) marquent à l’évidence - aussi - l’absence de corps. C’est donc contre toute attente qu’on découvre une multitude de mains humaines émergeant des replis, béances et orifices que l’artiste a orchestrés. Combien de scénarios s’ouvrent aux possibles quand deux mains tendues l’une vers l’autre ne parviennent pas à s’attraper, quand plusieurs mains se croisent et s’éffleurent ? Il semblerait même que les bras et les mains, comme langage, outils de nos corps, seraient le fil rouge de l’exposition. Les formes, elles aussi, font signes et sens. La succession de certaines sculptures semblent relater les étapes d’une vie : la naissance Birth, l’enfance Jumping, l’amour Sleeping Purple Passion et la forme Seule posée au sol est isolée, repliée sur elle-même.

Au sous-sol, en préambule à l’installation vidéo, on découvre Innocents-Help (2017). Cette œuvre inspirée du Massacre des innocents peint par Nicolas Poussin vers 1629, est composée d’une écriture suspendue au mur, de filets, de fragments de corps et d’un pantin échoué sur le sol. Tout comme les œuvres de la série Sleeping Songs, cette installation rend hommage aux plus fragiles, aux déclassés et déplacés, à ceux dont l’existence ne tient qu’à un sac de couchage et la dignité qu’à un rouleau de papier toilette, comme le souligne l’œuvre 3 Pantins PQ (2015). Passée cette antichambre, la présence-absence d’images fantomatiques hantent l’installation vidéo Perdu dans les limbes (2019). Tels des passe-murailles, des fragments de corps semblent surgir des murs. Une chevelure s’envole, avec des mains balladeuses. Sans crier gare, un ventre arrondi de femme pointe son nombril et se laisse caresser, palper. Se mêlent d’une façon troublante une tension entre Eros et Thanatos, entre élan désirant et abandon.

Dans la dernière salle Annette Messager a disposé au sol Petite Babylone (2019), une nouvelle installation qu’elle décrit comme une : « Babylone noire, détruite, envahie par quelques animaux : canard, écureuil, mouette, hamster… Des mains, des doigts, sortent de certaines architectures, dessinant des ombres tournantes, mouvantes sur les murs. » C’est un ballet d’ombres et de lumière créé par le mouvement rotatif de plusieurs sources lumineuses. Annette Messager nous laisse sur une idée de fin d’un monde, car l’artiste aux multiples identités s’attache toujours à rendre sensible des réalités plurielles.

A la Librairie Marian Goodman sera présentée une nouvelle série de dessins à l’acrylique. Si certains s’inscrivent dans la continuité de ses récentes représentations ludiques et fantastiques de l’anatomie féminine, d’autres dévoilent la présence évanescente de fantômes ou de petits génies jaillissant de lampes ou de théières. Annette Messager est lauréate du 2016 Praemium Imperiale dans la catégorie sculpture pour l’ensemble de son œuvre. Elle a reçu le Lion d’or pour la meilleure participation nationale à la 51e Biennale de Venise en 2005.

Le Tel Aviv Museum of Art présentera en 2020 une grande exposition de son travail. Récemment elle a exposé à l’Institut Giacometti à Paris (2018), à l’Institut Valencià Art Modern (IVAM) à Valence en Espagne (2018) et à la Villa Medicis à Rome (2017). Une grande exposition en France a été organisée en 2015-2016 au Musée des Beaux-Arts et à la Cité de la Dentelle et de la Mode à Calais. En 2014, son travail a fait l’objet de deux importantes expositions au Museum of Contemporary Art (MCA) à Sydney et au K21 à Düsseldorf. Auparavant, on a pu voir des expositions monographiques de son œuvre, entre autres, au Museo de Arte Contemporáneo de Monterrey (MARCO) au Mexique, à la Hayward Gallery à Londres, au Espoo Museum of Modern Art (EMMA) à Espoo, au National Museum of Contemporary Art, Séoul, au Mori Art Museum à Tokyo. En 2007 le Centre Pompidou a organisé une grande exposition rétrospective.

Ses œuvres font partie des collections des plus grands musées internationaux : MoMa et Solomon R. Guggenheim Museum, New York ; Musée national d’art moderne - Centre Pompidou, Paris ; Tate Modern, Londres ; LACMA, Los Angeles ; K21, Düsseldorf ; The National Gallery, Canberra ; le San Francisco Museum of Modern Art ; Musée d’art moderne de la Ville de Paris, entre autres. Annette Messager est née à Berk-sur-Mer en 1943. Elle vit et travaille à Malakoff près de Paris