À l’occasion du vernissage de l’exposition, une conversation entre Christine Macel (conservatrice en chef au Centre Pompidou) et Eric Mangion (directeur du Centre d’Art de la Villa Arson) se tiendra à la galerie le samedi 7 septembre à 16h à l’espace Saint-Claude. En 1991, Emmanuel Perrotin expose pour la première fois le travail d’Eric Duyckaerts et marque ainsi le début d’une collaboration qui s’étendra sur plus de quinze ans. Cet automne, la galerie rend hommage à l’artiste Belge, décédé en janvier 2019 et présente une sélection de ses œuvres les plus emblématiques comme Conférence sur la main (1993) et Magister (1993).

Pendant de nombreuses années, Duyckaerts a developpé un corpus d’oeuvres comprenant des conférences-performances, des vidéos, des objets, des dessins et des textes, dont un livre sur la certitude intitulé Hegel ou la vie en rose.

Dans son exposition de 1993 à la galerie Perrotin intitulée « La main à deux pouces », composée d’une conférence, d’une vidéo, de dessins et d’un moulage de main à deux pouces, il s’interrogeait sur un fait curieux : nous avons un os dans le bras, l’humérus, relié par le coude aux deux os de l’avant-bras, le radius et le cubitus, qui se rejoignent au poignet et se terminent par cinq doigts, dont un pouce. Mais pourquoi pas deux pouces ou six doigts ? La synergie, grâce à laquelle un plus un peut être égal à cinq, offre une réponse à cette énigme de l’évolution où la somme s’avère supérieure aux parties.

La phénoménologie, méthode selon laquelle la réalité peut se déduire des objets et de leur observation, prend une dimension toute personnelle chez Duyckaerts : les objets sont déformés de façon humoristiquement plausible, au-delà de l’absurdité d’un comique américain comme Steven Wright.

Sa méthode dérive pour partie de l’art conceptuel et des performances des années 1970. Mais à son épistémologie, à son système de connaissances reposant sur les « pourquoi » et les « peut-être » de sa curiosité artistique, il ajoute l’esquive philosophique, la fiction thérapeutique bâtie sur des distorsions vraisemblables. Lesquelles distorsions s’appuient sur des faits, sur l’histoire et sur des développements raisonnés partant d’analogies cosmologiques pour arriver à une logique mathématique. Son verdict est sans appel : « S’il y a décalage entre certitude et vérité, la certitude de ce décalage sabote sa vérité. »

En repoussant les limites du faire (propre à l’homo faber), de la réflexion (propre à l’homo sapiens) et de l’humour (pratiqué par l’homo ludens), il pique l’imagination et annonce de futures découvertes sur les structures symboliques et l’évolution, la répétition et le processus, les mots et les règles (pour reprendre le titre de l’ouvrage du chercheur en sciences cognitives Steven Pinker sur « les ingrédients du langage »), le sens et l’usage. C’està-dire à peu près tout.