Les rencontres sont souvent sources de bonheur et les foires des occasions de faire des découvertes aussi imprévues qu’enrichissantes.

Ainsi en fut-il pour Katsunobu Yaguchi, découvert à PARIS PHOTO 2017, et de son ensemble de trois cents photos remarquables et remarquées d’une de ses performances, puis pour Andréa Éva Győry à ART BRUSSELS 2018 et de ses dessins aux crayons de couleurs, vivants et cruels à la fois, qui m’avaient alors bouleversé.

C’est à Bruxelles encore que j’ai eu la chance de rencontrer Stephan Goldrajch dont le travail nous parle d’abord de la condition humaine, d’échanges entre les gens, d’échanges entre les peuples et les cultures, de l’essence et du sens de la vie en somme. Quant au travail de Jonathan Rosić, je le suis depuis qu’en 2014, à Bruxelles toujours, il reçut le prix SABAM. Très inspiré par Ingmar Bergman, son trait minutieux, contrôlé, subtil, suggère la disparition, le manque, l’évanouissement du temps, la perte.

Pourquoi délaisser un temps la photographie d’auteurs au profit des dessins ?

Poser cette question c’est oublier un peu vite l’exposition YELLOW de 2014 où nous présentions des dessins de Sol Lewitt, Christo, Marcel Duchamp, André Breton, Arshile Gorky. Même démarche lors de ART BRUSSELS 2019, avec un stand presque uniquement consacré à des dessins de Lucio Fontana, Francis Picabia, Christo aux côtés déjà, de ceux de Stephan Goldrajch et de Jonathan Rosic.

Marcel Duchamp écrivait « J’aimerais voir que la photographie amène les spectateurs à détester la peinture jusque quelque chose d’autre rende la photographie insupportable à regarder ».

Nous avons le grand plaisir de présenter quatre jeunes talents du dessin, bien sûr très différents, mais tout d’abord inspirés et fervents.

Stephan Goldrajch sera présent avec une grande aquarelle très colorée, pleine d’humour, dont les personnages semblent surgir d’un monde fantastique peuplé de rêves et animé de rituels magiques. On pense aux carnavals du Nord, aux rituels d’Afrique et magnifiquement aux œuvres les plus extraordinaires de James Ensor.

Andrea Éva Győry concentre son intérêt sur le corps humain, un corps abimé, un corps outragé, mais un corps toujours vivant et drôle malgré les épreuves. Elle cherche toujours à surmonter ses angoisses et ses peurs. Par un trait vif et coloré, Andrea Eva met en scène le corps de la femme martyrisée, un trait qui rappelle les œuvres de Matta des années 50.

Jonathan Rosić présente deux dessins : deux oreillers écrasés par deux têtes ou peut-être par une seule à deux moments différents ? Mais de ça nous ne savons rien, comme nous ne savons rien des manipulations auxquelles Jonathan Rosić s’est livré pour atteindre à cette perfection de la forme. Car Jonathan Rosić collectionne les formes comme George Perec collectionnait les mots, et peut-être comme lui, est-il toujours à la recherche de la pièce manquante.

Enfin Katsunobu Yaguchi plus connu pour ses performances que pour ses dessins, a créé dans les dix dernières années un corpus qui évoque toujours l’évanescence et l’éphémère tout en montrant la beauté qui s’attache au passage du temps. Les dessins pleins d’émotion que nous présentons, ont tous été réalisés en 2015 et témoignent de manière abstraite de son désir d’approfondir les expériences qu’il a faites lors de la démolition et de la transformation de « Café Washingtown » une maison japonaise traditionnelle qu’il a mise à sac pour y trouver inspiration.