La galerie Perrotin présente la seconde exposition personnelle de Park Seo-Bo en collaboration avec la galerie de Paris. « Sans Park Seo-Bo (né en 1931), il n’y a pas de peinture occidentale en Corée moderne. » Park est, tour à tour, un pionnier de l’avant-garde dans les années 50, un chef de file dans le développement d’un expressionnisme abstrait dans les années 60 et est salué comme le « Maître de Dansaekwha » depuis les années 70, un mouvement de l’art coréen qui attire de plus en plus l’attention sur le plan international.

La couleur (色). Après le succès de son exposition personnelle au Musée National d’Art Moderne et Contemporain de Séoul, Park Seo-Bo présente une nouvelle exposition à la galerie Perrotin de Paris. L’exposition présente « Dernière Ecriture (描 法) » aussi connu sous le nom « Ecriture en Couleur (色彩描法) » dont le travail commence par une rencontre avec le feuillage d’automne. Lorsque Park organise une exposition au Japon en 2000, l’artiste découvre dans la Montagne Fukushima des feuilles d’érables qui ont couvertes et peint ‘en couleurs’ son âme créatrice. Lors de sa première exposition chez Perrotin1, étant incapable de déterminer la couleur utilisée comme étant jaune – et ce, même en regardant une œuvre avec des tons jaunes – on a demandé à Park quelle était la couleur employée et il a répondu : « c’est la couleur jaunâtre du forsythia. » La couleur du forsythia peut inclure du jaune mais aussi une multitude de nuances telles que la lumière d’un soleil de printemps qui brille sur un forsythia, des ombres d’oiseaux les survolant ou encore des gouttes de pluies tombant sur ses feuilles. De la couleur rougeâtre d’un « kaki mûr » à la couleur bleutée de « l’air » avec un fond gris, respirant, tel une bouffée d’air frais... son travail est basé sur l’expérience pratique de l’artiste, capturant des couleurs différentes qui ne peuvent pas être définies comme étant des couleurs.

Le vide (空). Park superpose trois couches de hanji – ou papier traditionnel coréen – préalablement trempés dans de l’eau sur une toile et crée, à la manière d’un fermier labourant son terrain, des lignes continues ou des surfaces à l’aide d’un crayon épais sur le hanji encore humide. Une fois que la forme est terminée et que l’humidité a complètement disparue, Park y ajoute des couleurs (à l’aquarelle) reflétant des paysages naturels et des saveurs qu’il a expérimentés. Dans ce processus, Park fait une répétition illimitée d’égratignures, sculptant les couleurs (色) avec le vide (空). Le mot vide dans le monde oriental n’est pas exactement le « rien(無) » en tant que tel, ni le « néant (虚) » qui surgit de manière inattendue. L’état de ce « vide pur » atteint par « la culture de l’esprit et du corps » par la reprise d’égratignures des milliers et des dizaines de milliers de fois est ce qu’on appelle le vide. Atteindre ce « vide » est quasiment impossible.

Park Seo-Bo dit à ce sujet : « comme dans le cas d’une peinture moderniste, un artiste qui remplit l’écran de ses pensées et les présente aux spectateurs est une forme de violence. La peinture ne consiste pas à se déverser, mais au contraire à se vider. » Voilà pourquoi il souligne que le « rôle futur de l’art est de permettre aux visiteurs d’aller à l’intérieur de cet espace vide et les faire se sentir à l’aise. » Dans cet espace vide, le public peut être soit saisi par une passion à 42,4°C ou par une critique abstraite et frissonnante à -23,9°C de façon incontrôlable, en fonction des inspirations fournies par l’art.

« Myobeob » et « Ecriture ». La relation entre les « couleurs » et le « vide » facilite notre compréhension quant à la façon dont le titre de la série « myobeob(描法) » en coréen en est venu à être traduit par ‘Ecriture’ en langue occidentale. « En 1967, Park a nommé une technique consistant à tracer de manière répétée des lignes de longueur régulière avec un crayon avant que la peinture sur les pigments à l’huile de la toile ne coagule comme « Myobeob(描法) ». Avec le temps, des lignes dessinées ou écrites dans la « Première Ecriture » se développent en « couleurs » dans la « Dernière Ecriture » et « l’acte de se vider » dans la « Première Ecriture » se développe davantage en « se laisser aller » ou « guérir » dans la « Dernière Ecriture ». Quant à la traduction du mot « myobeob », qui a plus de 2000 ans d’histoire en Corée , l’artiste a opté pour « Ecriture » emprunté à Roland Barthes plutôt que « graphein » (qui signifie « écrire » et « peindre » tout comme « myobeob » mais qui exclue l’action de « donner des coups de pinceau » ), ou l’archi-écriture de Jacques Derrida ou encore d’autres mots similaires.

Pour Barthes, « Ecriture » est une écriture individuelle, créative, qui ne fait pas autorité et qui est, en particulier, « Le degré zéro de l’écriture » ce qui signifie « écriture neutre » ou « écriture blanche », c’est-à-dire une écriture pure, sans parti pris ni jugement de la part de son auteur. En dépit de ces différences, le point commun le plus frappant entre « Le degré zéro de l’écriture » de Roland Barthes et de Park Seo-Bo est que les deux déversent leurs connaissances plutôt que de les emplir lorsqu’ils écrivent. Les visiteurs/spectateurs, en se promenant librement dans cet espace vidé par l’artiste, sont en mesure de révéler et de déverrouiller leurs couleurs uniques.