Xippas Paris a le plaisir d’annoncer sa première exposition de l’œuvre du photographe américain Joel Sternfeld. Intitulée American Prospects Now, l’exposition présente 13 grandes photographies inédites, issues de sa fameuse série American Prospects. Elle célèbre également la parution imminente d’une édition révisée d’American Prospects chez Steidl.

A la fin des années 70, conscient des changements environnementaux et sociaux qui balayent les États-Unis, Joel Sternfeld part en roadtrip dans un combi Volkswagen, avec l’intention de représenter un pays louvoyant entre espoirs radieux et sombres possibles. Entrepris à la fin de l’ère Carter et durant les années Reagan, son périple l’emmène à travers les États-Unis. 40 ans après, dans un contexte mondial d’incertitudes climatiques et politiques, les questions que soulèvent ces photographies semblent plus urgentes que jamais et donnent un sens accru au titre de cette exposition.

Quand le livre American Prospects paraît en 1987, son importance historique est immédiatement reconnue. 30 ans plus tard, Sean O’Hagen souligne dans The Guardian, que « American Prospects est aujourd’hui considéré comme un classique. Mêlant le pince-sans -rire et l’inquiétant, ce livre a influencé l’œuvre de plusieurs générations de photographes-documentaires qui ont suivi, dont Uncommon Places de Stephen Shore ou encore William Eggleston’s Guide”.

Le contexte historique de la photographie est tout aussi significatif pour bien saisir l’importance d’American Prospects : quand Sternfeld entame son voyage à la fin des années 70, la photographie couleur en tant qu’art n’est encore qu’à ses débuts. A partir d’une chambre grand format 20×25, recherchant un point de vue à distance et en hauteur de la scène choisie, Joel Sternfeld forge une nouvelle vision, qui montre les contingences des événements humains et naturels sous une forme qui rappelle les tableaux historiques de maîtres, révélant lentement leurs secrets à travers des détails intimes.

L’exposition chez Xippas Paris présente des images captivantes qui nous rappellent la complexité de cette réalité américaine. Une famille à West Virginia se tient à côté d’une camionnette ouverte remplie de leurs biens terrestres (dont une boîte de Cornflakes), faisant écho à « L’Angélus » de Millet, peint un siècle auparavant. Des moutons broutent à proximité de la roulotte d’un berger Basque ; derrière eux, les maisons de vacances en rondins de Sun Valley Idaho, valant plusieurs millions de dollars. Des centaines d’hommes admirent une femme dans un concours de bikini à Fort Lauderdale en Floride. Un personnage solitaire se balance dans une aire de jeu, nous rappelant que le primitif est toujours sous-jacent. Et, comme pour nous rappeler les origines douloureuses de « l’expérience américaine », trois Indiens Navajos assis sur une mesa Arizonienne rouge, regardent au loin, en direction d’une banlieue en expansion. Sternfeld dépeint ainsi les États-Unis, pays de richesse, d’exubérance, d’excitation et, simultanément, d’inégalité et de complexité sociale.

Bien que les nombreuses percées d’ American Prospects de Sternfeld fassent écho aux peintres paysagistes européens tels que Patinir et Brueghel, leur utilisation en photographie a été révolutionnaire.

Kerry Brougher, conservateur en chef au Hirshhorn Museum, note dans l’introduction de la nouvelle édition à paraître : « Si la contamination du paradis a souvent été le sujet chez Sternfeld, il a également contaminé la pureté de la photographie pour saisir la réalité américaine. Son passage de la photographie instantanée à l’image construite a ouvert les portes à une nouvelle photographie, pratiquée aujourd’hui par Gregory Crewdson, Rineke Dykstra, Andreas Gursky, Thomas Ruff, Thomas Struth et Jeff Wall, entre autres… »

Pionnier de la photographie couleur, Joel Sternfeld (né en 1944, à New York) est célébré pour l’innovation de son œuvre depuis les années 70. Il est l’auteur de 17 ouvrages (dont Our Loss, récemment publié) et fait désormais partie de l’histoire de l’art, ayant contribué de manière significative à la théorie du paysage.

Sa photographie se situe dans la lignée de la tradition documentaire américaine de Walker Evans et de Robert Frank, explorant des enjeux sociaux et politiques, tout en faisant preuve de poésie et d’ironie.

American Prospects, série légendaire publiée pour la première fois en 1987, dépeint les grands paysages souillés des États-Unis. Cette série a contribué à la naissance d’une nouvelle génération de photographes contemporains, faisant de lui l’un des artistes les plus influents de sa génération.

Joel Sternfeld a reçu deux bourses Guggenheim, un Prix de Rome et le prix Citybank Photography. Son travail fait partie des collections publiques majeures à travers le monde : Museum of Modern Art (New York), Whitney Museum of Art (New York), Art Institute of Chicago (Chicago), Victoria and Albert Museum (Londres), la Fotomuseum Winterthur (Zurich), Albertina Museum (Vienne), la Maison Européenne de la Photographie (Paris) etc.

Joel Sternfeld enseigne au collège Sarah Lawrence, où il est titulaire d’une chaire de la Noble Foundation en Art et Histoire culturelle.