Marquant vingt-cinq années de collaboration, la Galerie Nathalie Obadia est très heureuse de présenter la sixième exposition de l’artiste britannique Fiona Rae, reconnue comme l’un des peintres les plus importants de sa génération.

Née en 1963 à Hong Kong et diplômée du Goldsmith College de Londres, comme Damien Hirst, Gary Hume et Sarah Lucas, Fiona Rae s’est d’abord fait connaitre au sein du groupe des Young British Artists, qui a largement contribué au renouvellement de la scène artistique britannique au cours des années 1980-1990. Elle a développé depuis une peinture abstraite aux allures fantasmagoriques, témoignant d’influences aussi diverses qu’originales, dans un «rapport iconoclaste au thème et aux questions formelles» (Fiona Rae).

A l’occasion de cette exposition, l’artiste présente un ensemble inédit de peintures sur toiles et d’oeuvres sur papier plus intimes, ses Abstracts, dans la lignée de ses recherches formelles récentes. Son travail préliminaire à la gouache et à l’aquarelle, moins connu et plus rarement exposé, constitue un ensemble d’idées à partir duquel elle conçoit ses peintures et laisse ainsi entrevoir leur genèse. L’artiste a choisi de présenter ces deux pratiques dans un accrochage prenant en compte leurs apports mutuels, leurs correspondances.

Les oeuvres de Fiona Rae incarnent un univers pop-abstrait nourri de références à la fois à la peinture moderne et contemporaine, à la culture populaire, et au numérique. Des formes biomorphiques flottant à la surface du tableau et rappelant les visions surréalistes d’artistes comme Yves Tanguy y côtoient des éléments figuratifs directement empruntés de mangas, de comics, de Walt Disney ou Dr Seuss, résurgences insolites et ludiques qui ne sont pas sans rappeler l’oeuvre de Philip Guston ou encore de Takashi Murakami. Le traitement gestuel, quoi qu’organisé, l’inscrit par ailleurs dans une forme d’expressionnisme abstrait, tandis que certains effets picturaux simulent les possibilités offertes par Photoshop, révélant une pratique de la peinture résolument ancrée dans son temps.

L’ensemble d’oeuvres présenté s’inscrit dans une certaine continuité avec la série des Figures, entreprise en 2014, dans une gamme qui allait d’abord du noir au blanc. En 2017, l’artiste a pris le contre-pied de ces tonalités de gris en éliminant entièrement le noir, y compris de ses mélanges, au profit de couleurs pastels tirant vers des teintes artificielles, féériques. Son travail sur le fondu chromatique devient la scène d’une chorégraphie théâtrale de formes, de gestes picturaux, et de signes graphiques, à la lisière du monde figuratif. Tout l’effort pictural de Fiona Rae réside justement dans ce subtile paradoxe : l’abstraction doit faire apparaitre, puis disparaitre, un univers d’imageries possibles, de figures familières. En résultent des paysages éthérés et gracieux d’arabesques, de coups de pinceaux, de flèches et de mouvements vaporeux, chimériques, qui agissent comme autant de personnages acteurs d’un même jeu, celui du tableau.

La série des Abstracts indique cependant clairement son parti : Fiona Rae revendique l’influence des pionniers de l’abstraction comme Kandinsky, qu’elle conjugue subtilement à celle du Pop Art. Ces oeuvres récentes semblent par ailleurs évoluer vers un dynamisme davantage scandé, des couleurs plus acidulées, et accentuent le contraste entre courbes, ondulations et lignes tendues, spontanéité du geste et «cartographie» réfléchie de la toile.

Défendant une conception de la peinture comme «magie romantique» qui «aura toujours sa place et son charme, surtout depuis la prolifération des possibilités offertes par la technologie», Fiona Rae rend compte de notre culture visuelle contemporaine, d’une expérience commune dont elle met en exergue les données, signes, emblèmes, graphies, impressions et atmosphères. Un «atlas», pour reprendre les termes de Nicolas Bourriaud, qui s’inscrit ainsi dans la lignée de la grande tradition abstraite américaine et de la culture pop. Cette liberté plastique acquise dès les débuts de l’artiste sur une certaine méfiance toute «postmoderne» à l’égard de la peinture, a ainsi su s’imposer comme l’expression singulière, pertinente et complexe d’une confrontation entre plusieurs mondes, à l’image de notre société actuelle.

J’ai donné à cette exposition le titre « Abstracts » (ou Abstraits) afin de clarifier la situation.

Je n’ai aucune intention d’évoquer la figure humaine, ni de suggérer un paysage, et encore moins une nature morte.

Chaque tableau présente une série de coups de pinceaux et chaque coup de pinceau se dévoile de son mieux. S’il peut exister certaines références et associations au-delà de l’existence-même de chaque touche de peinture, alors il faut y voir les inévitables fuites, et petits plaisirs, de nos systèmes de langages ainsi que l’impossibilité de sceller un code hermétiquement.

J’ai commencé par peindre un groupe de gouaches et aquarelles sur papier, que j’ai par la suite utilisées comme jeu d’instructions pour créer les grandes toiles. Malgré les amples possibilités d’improviser et d’inventer, le fait de suivre ainsi une composition abstraite qui existait déjà sur papier m’a permis de reconnaître le tableau dès qu’il est apparu. Un tableau abstrait ne peut que se ressembler à lui-même et, paradoxalement, n’est réussi que quand il se ressemble. Sans projet, l’acte de peindre peut tourner au cauchemar d’une recherche interminable de la chose elle-même, cette chose sans visage.

Je considère que ces tableaux sont les descendants contemporains des pionniers modernistes de l’abstraction, tel Kandinsky, en passant par le parrainage du Pop Art, plutôt que par l’Expressionisme. Les toiles sont hyper abstraites ; les théories spirituelles d’un modernisme utopique prennent la forme des stratégies de prise de distance et des références évocatrices du Pop, tout en renvoyant le spectateur à la peinture posée à même la toile. Dans le dictionnaire, « abstrait » a pour définition « une description si vive ou graphique qu’elle suggère une image mentale ou donne une idée précise de quelque chose ». J’ajouterais qu’en même temps une peinture abstraite éloigne le spectateur de sa contemplation d’images mentales vives, car elle insiste sur sa présence immédiate dans le monde.

Il y a, inévitablement, des attestations subtiles de l’espace post-analogue. Le fond peut sembler glisser et déraper d’une façon qui est familière aux utilisateurs de Photoshop, mais les tableaux sont eux-mêmes un argument pour la persistance des possibilités et de la pertinence de la peinture dans notre ère d’écrans numériques.

(Fiona Rae)

Née en 1963 à Hong-Kong, Fiona Rae vit et travaille à Londres.

Fiona Rae est diplômée de Croydon College of Art, Londres (1984), et du Goldsmiths College, Londres (1987), comme Damien Hirst, Gary Hume et Sarah Lucas avec lesquels elle a fait partie du groupe des Young British Artists qui a permis une renaissance de la scène artistique britannique, dans les années 80 et 90.

Fiona Rae est devenue un des peintres abstraits les plus importants de sa génération, bénéficiant d’une présence importante dans des collections publiques et privées prestigieuses comme la Tate Collection (Royaume-Uni), la Royal Academy of Arts (Royaume-Uni), le Fonds National d’Art Contemporain (France), le Centre Pompidou (France), le Mudam (Luxembourg), la Fundacio Caixa (Espagne), le Carré d’Art - Musée d’art contemporain de Nîmes (France), la Corcoran Gallery of the Art, Washington DC (États-Unis), le The Herbert F. Johnson Museum of Art, Cornell University, New York (États-Unis), le Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, The Smithsonian Institution, Washington D.C. (États-Unis), Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, New York (États-Unis); l’Astrup Fearnley Museum (Norvège), le Arts Council England (Royaume-Uni), le Birmingham Museum and Art Gallery (Royaume-Uni), le British Council (Royaume-Uni), la Southampton City Art Gallery (Royaume-Uni), la Walker Art Gallery, Liverpool (Royaume-Uni), la Warwick University Art Collection (Royaume-Uni), la Calouste Gulbenkian Foundation, Lisbonne (Portugal), la Contem- porary Art Society, Londres (Royaume-Uni), le Essl Museum - Kunst der Gegenwart, Klosterneuburg (Autriche), le FRAC Auvergne (France), la Fundación Barrié, A Coruña (Espagne), la Government Art Collection (Royaume-Uni), le Hamburger Bahnhof - Museum für Gegenwart, Berlin (Allemagne), la Jerwood Collection, Hastings (Royaume-Uni), la Leeds Museums and Galleries (Royaume-Uni), le Musée Départemental de Rochechouart, Haute-Vienne (France), le Museum Morsbroich, Le- verkusen (Allemagne), ou le Sintra Museum of Modern Art (Portugal).

L’oeuvre de Fiona Rae a récemment fait l’objet d’expositions personnelles importantes au Nottingham Castle Museum & Art Gallery (Royaume-Uni, 2014), à la Sou- thampton City Art Gallery (Royaume-Uni, 2014), à la Towner Art Gallery, Eastbourne (Royaume-Uni, 2013), à la New Art Gallery, Walsall (Royaume-Uni, 2012) et à la Leeds Art Gallery (Royaume-Uni, 2012). Des expositions personnelles plus anciennes ont eu lieu à la Kunsthalle Basel (Suisse, 1992), à l’ICA (Londres, 1994) ou au Carré d’Art – Musée d’art contemporain de Nîmes qui lui a offert sa première grande monographie en 2002 qui a été un grand succès public et critique.

Elle a bénéficié d’expositions significatives dans des institutions prestigieuses, notamment à l’Efremidis Gallery (Allemagne, 2018), à la Royal Academy of Art (Royaume-Uni, 2017), au Birmingham Museum and Art Gallery (Royaume-Uni, 2017), au Warwick Arts Centre (Royaume-Uni, 2015), à l’Institute of Contemporary Arts of Singapore (Singapour, 2012), à la Tate Britain (Royaume-Uni, 2009), au Musée d’Art Moderne Grand- Duc Jean (Luxembourg, 2008), au Hamburger Bahnhof (Alle- magne, 2007), au Museum of Contemporary Art (Chine, 2006), au Kunstmuseum Wolfsburg (Allemagne, 2003), à la Tate Liverpool (Royaume-Uni, 2001), à la Fondation Caixa (Espagne, 2000), à la Fundação Calouste Gulbenkian (Portugal, 1997), au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía (Espagne, 1996), à la Hayward Gallery (Royaume-Uni, 1994), au Witte de With, au Center for Contemporary Art (Pays-Bas, 1990).