La série récente de dessins de Davide Napoli a pour titre Comme si de loin, extrait de l’une de ses poésies.

Paysages sans forme

comme si de loin
le bruit des larmes
miettes d’une conscience absente
oublier l’odeur d’un corps

Paysages sans forme

comme si de loin
un silence absorbait le visible
dans un tactile sans surface
profondeur d’un souffle amnésique

Le dessin prolonge la poésie. La poésie sous-tend le dessin. Pour Davide Napoli ces deux formes d’expression sont indissociables. Il les croise. Le langage poétique traverse le dessin. Le dessin s’en fait l’écho.

Dans l’expérience de la poésie comme dans celle du dessin, il s’agit de circonscrire « le vide qui nous précède » dit Davide Napoli. Le vide, l’absence et donc l’invisible. C’est ce vide qui pour lui, constitue l’espace de l’art.

Cette poétique du vide se traduit formellement par un graphisme réduit à l’essentiel, par la sobriété du trait, fragile, tremblé. Les lignes horizontales et verticales se partagent l’espace de la feuille de papier. L’encre de Chine vient en souligner certaines. D’autres sont maintenues dans une limite visible incertaine, au bord de l’effacement. Des diagonales strient l’espace en créant un arrière plan. Entre ces lignes, des traces d’encre semblent s’estomper et se dérober à notre regard.

A l’instar des mots de la poésie elles fuient dans ces « paysages sans forme » qui ne parviennent pas à prendre forme en l’absence de figures humaines autrement que sous la forme de traces de présence et d’absence. Un cercle, deux points, suggèrent la détresse d’un visage, la solitude, le désarroi. Des silhouettes fugitives surgies de la « profondeur d’un souffle amnésique » se dressent de si loin retirées déjà dans l’espace et le temps. Passage du visible à l’invisible.

Ce traitement formel confère aux dessins une grande puissance d’évocation. Tout poème, tout dessin, laissent une part d’interprétation au lecteur comme au regardeur en raison de l’émotion qu’ils procurent et selon la sensibilité de chacun. « Comme si de loin » mais si proche du présent…des tragédies du présent… Une poétique où « l’œil garde son regard » écrit Davide Napoli1.

Écrivain et plasticien, Davide Napoli explore les formes fulgurantes de la pensée, à travers les « in-tensions » de l’encre de chine et de l’écriture. Sa recherche sur le geste du vide et sur le temps explore la chute et le vertige du chemin de l’intime. Docteur en Philosophie et en Arts et Sciences de l’Art, il enseigne Arts plastiques à l’université Paris I, Panthéon Sorbonne et « Méthodologies et techniques du contemporain » à l’Ecole des Beaux Arts de Palerme, Italie. Il est membre de l’équipe de recherche « Art Sciences et Société » Institut ACTE (Sorbonne).

Il travaille depuis plusieurs années avec les Éditions Transignum et dernièrement avec les Éditions Unicité. Il fait également parti du groupe d’artistes et organisateurs de la résidence « Chantons aux vaches » en Brenne, du « Cabaret de la performance » à Paris.

1 Davide Napoli, Le lapsus de l’ombre, Editions Unicité, 2020.