Du tilleul à la tasse, du bâton à l’outil, du récit au rituel ; au gré des rencontres et de l’exploration des matières et des formes, Hélène Bertin façonne avec jubilation des objets, des sculptures, des environnements, lieux d’usages et de partages.

Faisant confiance à son intuition, elle articule pleinement ses projets artistiques à sa façon de nicher dans le monde. Adepte de la posture du pas de côté, des modes de vie et des usages qui ont résisté à la culture dominante, elle butine dans les pratiques du céramiste, du paysan, du couturier, du cirier… croisant avec une joie non dissimulée cette attention du faire et du penser.

De son village de Cucuron à celui de La Borne, en passant par Sablons, elle se fidélise à plusieurs terres, empruntant les petits itinéraires, parcours sinueux des sentiers guidant vers des lieux puissants de création. Ici et là, elle croise et participe à des expériences avec des personnes habitées d’une pratique aussi vivante que nourrie de mémoire. Concevant à deux ou quatre mains, elle est attentive à ce qui peut advenir d’un dialogue des gestes et des formes, d’une hybridation des voix et des matières.

Les mains d’Hélène Bertin sont guidées par la beauté crue et naturelle des matières qu’elle manipule avec la simplicité d’une impulsion. Elle plante aussi naturellement qu’elle dessine, découpe ou tresse des brins de seigle ou des crins de cheval. Elle est particulièrement sensible à la diversité technique de la céramique qu’elle explore depuis longtemps. Ici, elle modèle les petits pieds humains d’une tasse ou bien roule et écrase les plaques d’argile de futurs pantins et contenants d’un théâtre d’exposition. Là, elle assemble les jambes de nouveaux animaux clopin-clopant ou extrude avec sagacité les silhouettes de futures bulles dont le ventre se détend sous leur poids de terre. Ironie du sort, les bulles ensuite calcifiées par le lent processus de fontaines pétrifiantes, se changent en pierres.

C’est tout l’art d’Hélène Bertin qui croise sans complexe les techniques, les gestes et les manières de faire. Elle ne fige l’objet ni dans un état ni dans un usage prédéfini, préférant se laisser guider par celui qui s’en saisit. Attentive à l’autre autant qu’à l’histoire qui se noue dans la rencontre, Hélène Bertin enrobe chaque objet qu’elle façonne d’une pensée magique. A l’image de cette patte de lapin offerte par Jacques Laroussinie, tout à la fois objet de superstition et symbole de la chance qui les a accompagnés dans l’expérience du travail, Hélène Bertin charge les objets réalisés d’un pouvoir intime et puissant qui les submerge.

Se déployant sur l’ensemble du Creux de l’enfer, l’exposition Cahin-caha propose un vaste aperçu du travail et des recherches menées par l’artiste et bande un arc du temps humain ponctué de trois grandes installations. Le jardin d’enfants, le jardin des paniers et celui des voix sont conçus pour voyager dans les âges, enveloppés de la musique aquatique de Romain Bodart.

Cahin-caha suggère ainsi une aventure heureuse, émaillée d’évènements fortuits, un cheminement où le contingent et l’expérience du ratage peuvent livrer d’heureux hasards. Cahin-caha s’incarne ainsi en lieu de vie qui invite à freiner sa course pour prendre le temps d’observer, de manipuler, de lire, de sentir, d’écouter et de s’amuser.

L’exposition est coproduite par AWARE : Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, qui a décerné son prix éponyme à Hélène Bertin en 2019.