Du 13 avril au 30 mai 2014, la galerie Selma Feriani – Tunis accueille Reflection, une exposition personnelle de l’artiste Raja Aissa.

Diplômée de l’Institut d’Art, d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis et du Pratt Institute à New York, Raja vit et travaille entre Paris et Tunis. Ses œuvres qui figurent parmi les collections de la Fondation Cartier en France et du Musée d’Art Moderne et Contemporain de Tunis, explorent le concept d’identité et les mécanismes psychologiques que nous développons face à la mondialisation et la montée du fondamentalisme. A travers des techniques mixtes caractérisées par un jeu de reflet et de superposition, l’artiste propose une expérience conceptuellement riche et visuellement diversifiée, souvent teintée d’humour et de provocation.

La présente exposition réunit des œuvres récentes de l’artiste qui interrogent par le truchement du miroir, la représentation de soi en son rapport au «visible» et à l’«invisible» dans le processus identitaire.

La série Volatile montre à cet effet des paysages urbains et des corps féminins marqués par de minuscules perforations au laser. Les trous, très rapprochés, forment au milieu de chaque image un entrelacs de motifs d’inspiration islamique qui se désagrègent progressivement.

Cette perforation renvoie chez l’artiste à la violence qui émaille toute quête identitaire dans la mesure où cette dernière implique un certain nombre d’ajouts et de soustractions au contact d’autrui. D’une manière ou d’une autre, les points de cristallisation dans la recherche de soi sont voués à se défaire par la force des échanges, souvent douloureux mais inexorables.

Volatile - en anglais quelque chose qui est sur le point d’exploser, d’éclater - fonctionne comme une allégorie de la rencontre entre la tradition, symbolisée ici par l’ornement islamique, et la technologie contemporaine, représentée par le découpage laser, qui inonde et remodèle les rapports humains.

L’artiste prolonge cette idée dans une autre série intitulée Scheherazade. A l’instar de la narratrice des Mille et Une Nuits qui doit son salut à son talent de conteuse, l’individu est lui aussi contraint de construire son histoire personnelle, son identité, pour mieux s’affirmer et se défendre au sein de la société.

La série est composée de huit portraits figurant une jeune femme noyée sous des couches de fibres de polyester semi-transparentes protégées par du verre. Le spectateur ne distingue que ses yeux et d’infimes parties de son visage à travers un écheveau de motifs découpés à même le tissu cachant le modèle. Sur ce même écran qui empêche une vision totale, le spectateur voit sa propre image reflétée et juxtaposée à celle de la jeune femme prisonnière de son regard. Cette opération n’est pas sans rappeler l’identification projective en psychanalyse, définie comme un mécanisme de défense qui consiste à projeter sur le monde extérieur nos caractéristiques afin de mieux s’y reconnaître et le maîtriser.

Enfin, dans la série Bespoke - littéralement «sur mesure» - l’artiste s’intéresse à la manière dont les individus transforment des idées et des concepts en des vérités immuables qui servent à étayer leurs perceptions personnelles.

Cela se traduit plastiquement par des phrases réalisées au moyen de supports réfléchissants, rappelant ainsi la difficulté qu'il peut y avoir à appréhender ces idées prises entre le « je » et le « je suis ». A cet égard, l’artiste affirme que ses « œuvres agissent comme un miroir qui nous invite à dépasser la peur d’apprendre davantage sur notre vraie nature».

Raja Aissa se réfère d’ailleurs à Nietzsche – Become who you are, « Deviens ce que tu es » – dont le message devient chez l’artiste une installation au néon qui résonne depuis son emplacement central dans la galerie, avec l’ensemble de ses œuvres.