Empruntant son nom à un titre manifeste de Dan Walsh, l’exposition Waywords of Seeing envisage le point de vue, le regard, le champ et le hors-champ au travers du prisme de la dérive des mots (Manifeste de Dan Walsh. - Le titre du manifeste de Dan Walsh intègre un jeu de mots - voire un jeu de lettres - en partant de "waywards" qui signifie "errance, dérive, égarement" et de l’essai de John Berger « Ways of seeing »).

S’y déploient des trajectoires aux arborescences multiples : cartographier et exposer un réel fragmenté au hasard, penser des transcriptions visuelles d’univers sonores et électriques, proposer une archéologie d'images et de situations reconstituées et transformées.

L'exposition Waywords of Seeing dessine des espaces en négatif qui se découvrent à travers des « véhicules » réalisés par Dan Walsh pour chaque espace et offre une investigation du champ de la perception, en explorant la distance entre l’oeuvre et celui qui la regarde, comme autant de points de vue de et sur l’exposition.

Une mise en abîme de la vision par une démultiplication d’expériences, replaçant le corps dans sa relation à l’image à un niveau scientifique, psychologique et narratif.

Waywords of Seeing interroge et conditionne le regard via une succession de filtres, dessinant ainsi des expositions dans l’exposition.

Karin Sander

Née en 1957 à Bensberg (Allemagne)

Karin Sander est une artiste conceptuelle allemande. Ses oeuvres – installations, interventions architecturales, photographies 3D, peintures … - se développent à partir de protocoles précis et visent à interroger et déconstruire les contextes et conditions des systèmes de production et de diffusion de l’art.

Les Patina Paintings (Peintures patinées), appelées Gebrauchsbilder en allemand (le terme implique que les toiles sont des objets à utiliser, correspondant à un besoin) sont créées pour les lieux où elles sont accrochées. Les toiles laissées brutes, sans aucune intervention préalable, sont amenées dans un lieu donné et y sont exposées pendant une durée à déterminer. Elles absorbent l’atmosphère spécifique de ce lieu et en reproduisent ainsi en quelque sorte “la patine”. Ce procédé d’absorption peut se poursuivre indéfiniment ou être interrompu. La durée de l’exposition, le nom de l’endroit et la taille définissent la peinture et lui donnent son titre. Exposées et renouvelées sur la façade du Plateau depuis The beating (from the microtones) is beating me down, la première session d’évènements proposés par Philippe Decrauzat et Mathieu Copeland les 5 et 6 mars derniers, les Patina Paintings passées sont également présentées dans l’accueil pour l’exposition.

Dan Walsh

Né en 1960 à Philadelphie (Etats-Unis)

L’artiste américain Dan Walsh est une figure majeure de l’abstraction géométrique. Basé à New York, il a été influencé par l’Art Minimal et la récurrence de motifs élémentaires dans son oeuvre – comme la grille, la ligne, ou le carré – marque ce désir de réduction et de pureté. Ces tableaux ont une dimension sensorielle et l’expérience de la perception apparait comme une question centrale de son oeuvre.

Pour l’exposition au Plateau, l’artiste opère un focus sur la question de la place du visiteur et de l’expérience du regard. Ces installations, didactiques et participatives, font suite à de premières expérimentations sur la perception visuelle dépassant le strict cadre du tableau, développées par l’artiste dans différentes expositions précédentes. Au Plateau, de multiples objets, éléments et informations sont positionnés, destinés à ‘véhiculer’ le regard ou la place du visiteur et, par conséquent à modifier les points de vue sur les différentes oeuvres de l’exposition. Dan Walsh propose autant de manières de regarder, au travers d’installations venant matérialiser l’espace, habituellement invisible, entre l’oeuvre et celui qui la regarde. De l’orientation à la confusion, ces véhicules font de la visite une expérience renouvelée et réflexive, mettant en exergue le principe de la lecture de l’exposition et révélant la multiplicité possible des regards.

Waywords of Seeing
« Si nous convenons que l’oeuvre d’art n’est plus autonome, à supposer qu’elle l’ait jamais été, cela pose à mon avis deux questions: les projections du spectateur et ce qu’il apporte au travail n’en deviennent-ils pas plus importants? Et, si tel est le cas, que se passe-t-il quand on détourne ces projections – quand on rend le spectateur plus attentif à ces mécanismes lorsqu’il regarde quelque chose? Je vois cela comme une position non pas tant critique qu’expansive. » - Dan Walsh, mai 2014

David Hominal

Né en 1976 à Lausanne (Suisse)

Les oeuvres de David Hominal sont liées par une démarche picturale unissant les éléments qui composent sa pratique : installations, sculptures, vidéos, performance… En effet, la peinture et plus particulièrement ses multiples histoires créent un lien fondamental entre ses différentes oeuvres.

En 2007, David Hominal installe des toiles monochromes dans le fumoir de la boucherie de son père. Après plusieurs semaines, les toiles sont marquées par la suie et la fumée, compositions résiduelles qui exhalent une odeur de brûlé.

Depuis 2009, l’artiste crée des peintures en aplats de couleurs inspirés de drapeaux apparaissant dans certaines oeuvres de la Renaissance. En dépit de cette influence héraldique, ces oeuvres ne sont pas « porteuses de signes ». En effet, il s’agit avant tout de peinture.

L’artiste évoque avec ces tableaux le geste simple et néanmoins primordial de division de la toile, à l’aide d’une diagonale qui sépare l’espace, à la manière du zip de Barnett Newman. Son travail interroge la peinture à la fois de façon formelle, à travers le médium, et historique, explorant différents genres. Ces peintures, quasi performatives, se caractérisent par une grande présence physique. Cette pratique multiforme trouve ses racines dans un questionnement cohérent autour des possibilités de développement de la peinture contemporaine.

Pour l'exposition David Hominal va réaliser une série de dessins qui seront collés à même le mur dans les différents espaces du Plateau, créant une signalétique rythmée et expressive.

Boyle Family

Mark Boyle né en 1934 à Glasgow et décédé en 2005 à Londres (Royaume-Uni)
Joan Hills née en 1931 à Edinburgh (Royaume-Uni)
Sebastian Boyle né en 1962 à Londres (Royaume-Uni)
Georgia Boyle née en 1963 à Londres (Royaume-Uni)

Boyle Family est un collectif d’artistes britanniques composé de membres d’une même famille : Mark Boyle et Joan Hills, qui se rencontrent à la fin des années 1950, et de leurs enfants Sebastian et Georgia.

Les oeuvres de Boyle Family tendent vers un métissage des influences et des disciplines.

Performances et évènements, films et projections, enregistrements sonores, photographies, assemblages, peintures, sculptures et installations sont autant de médiums artistiques qui permettent à Boyle Family de concevoir des oeuvres dont le propos commun est la cartographie du réel.

Amorcé il y a plus de quarante ans, le point de départ du projet de la World Series se situe entre août 1968 et juillet 1969 lorsque Mark Boyle invite le public à lancer des fléchettes, les yeux bandés, sur une immense carte du monde. Cette méthode de sélection aléatoire permet ainsi d’isoler 1 000 lieux sur la surface de la Terre (World series Map).

Il s’agit alors de faire une analyse fidèle du réel, une reprise à l’échelle 1/1 de ce qui fait la réalité d’un lieu en collectant des éléments in situ ; poussière, sable, boue, cailloux, neige, herbes mais aussi la faune et la flore qui le constitue. Paysages urbains ou naturels, ils s’attachent également à mener une étude quasi anthropologique du site en observant l’endroit habité le plus proche de la zone sélectionnée. Ils étudient alors les communautés comme des entités biologiques et en font des enregistrements vidéo et audio.

L’objectif de cette démarche rigoureuse est de donner à voir un morceau de réel tel qu’il leur est apparu, de la façon la plus vraie et sincère possible malgré une part d’approximation inévitable. Aucun sujet n’est exclu, le fragment étant étudié et présenté comme faisant parti d’un tout. A partir d’un lieu cadré au hasard, Boyle Family tente de capturer et de présenter des environnements de façon objective mais donne également à voir une multiplicité de regards sur un monde sensible, en perpétuel mouvement.

Martin Rev

Né en 1947 à New York (Etats-Unis)

Le musicien américain Martin Rev est le co-fondateur avec Alan Vega du légendaire groupe électro punk new-yorkais Suicide (actif depuis 1971). Suicide marque son époque par une énergie brutale et des sons dépouillés et saturés, dépassant l’absence de guitare et de batterie. Le groupe suscite pendant de nombreuses années l’hostilité du public avant de devenir une référence majeure de la scène musicale des 30 dernières années. Martin Rev pratique l’improvisation et l’expérimentation tout en étant marqué par la tradition du rythm’n blues. Il est à l’origine de l’introduction de sons synthétiques, minimalistes et répétitifs (par l’usage des boucles), caractéristique de Suicide. Martin Rev en parallèle à son activité dans le groupe, développe une carrière solo dont récemment Stigmata (2009, Blastfirstpetite). Cherchant à donner une représentation visuelle à la musique de Suicide, les dessins automatiques de Martin Rev sont des partitions saturées.

FM Einheit

Né en 1958 à Dortmund (Allemagne)

Frank-Martin Strauß, plus connu sous le nom de F.M. Einheit est un pionnier de la musique industrielle. Connu principalement pour son travail de percussionniste avec le groupe industriel phare Einstürzende Neubauten, sa démarche allie l’énergie et l’urgence du mouvement punk aux expérimentations issues de la musique bruitiste.

En mars 2014, F. M Einheit est invité au Plateau dans le cadre de The beating (from the microtones) is beating me down, première session d’événements proposés par Philippe Decrauzat et Mathieu Copeland. Il présente à cette occasion Blech n°316 to 324, une performance sonore durant laquelle il violente des briques et des plaques de métal. La tôle vibre, se plie sous les coups du musicien et les briques explosent dans un nuage de fragments et de poussière. En alternance, l’artiste fait glisser avec ses mains les restes de terre, de sable et de gravier puis saisit une nouvelle brique. L’amplification de ces sons provoque une véritable explosion sonore.

L’oeuvre se construit dans une démarche active de destruction. Les traces de ces évènements sont restituées dans l’exposition Waywords of Seeing sous la forme d’une sculpture accidentelle, les restes des briques posés au sol s’affirmant comme un glissement entre différentes temporalités.

Morgan Fisher

Né en 1942 à Washington D.C (Etats-Unis)

Morgan Fisher débute sa carrière à la fin des années 60 en tant que monteur de cinéma sur différentes productions hollywoodiennes. En parallèle, il développe une oeuvre personnelle dans le champ du film ainsi qu’un travail de peinture et d’installation. Pour l’exposition, il conçoit une installation, réplique à l’échelle 1/1 d’une partie de l’architecture d’une salle du Plateau.

« Avec Plaster Glass Glass Plaster je poursuis mes efforts visant à faire un travail qui soit déterminé par l’architecture de l’espace dans lequel il est exposé. Les premières oeuvres réalisées dans cette optique étaient des peintures : ce n’est pas moi qui déterminais leurs dimensions et leur positionnement, mais l’architecture. À l’instar de mes travaux antérieurs, l’installation Plaster Glass Glass Plaster renie toute composition et postule ce faisant une alternative à l’autocélébration de l’artiste que celle-ci engendre. Mais Plaster Glass Glass Plaster diffère sensiblement de ces travaux en laissant la destruction et le hasard déterminer l’aspect de l’oeuvre finie. Le premier pas dans la réalisation de cette oeuvre consistait à créer un facsimile du mur de la salle 2 du Plateau.. Chaque partie a été reproduite dans un matériau approprié : une feuille de plâtre pour les murs et une feuille de verre pour les fenêtres. Les quatre feuilles ont été placées à la verticale près des surfaces qu’elles reproduisent, l’ensemble composant un facsimile du mur qui correspond à l’original. Les feuilles se sont effondrées et forment désormais un champ de fragments qui jonchent le sol. Ce champ, résultat du hasard suite à la destruction, constitue l’oeuvre finie. Le fait de permettre à la destruction et au hasard de déterminer la forme de l’oeuvre correspond à une rupture radicale avec les peintures réalisées par l’architecture et positionnées avec une grande précision, mais ces opérations résultent dans des oeuvres qui, à l’instar de ces tableaux, mine toute composition. Et contrairement aux tableaux, Plaster Glass Glass Plaster n’est pas un objet pouvant être conservé. L’exposition finie, le sol sera balayé et l’oeuvre mise à la poubelle. » - Morgan Fisher

David Cunningham

Né en 1954 à Ard Mhacha (Irlande du Nord, Royaume-Uni)

David Cunningham est un musicien, producteur et artiste britannique. Ses oeuvres s’inscrivent entre la musique pop (depuis son premier succès international, le single Money de 1979 avec The Flying Lizards, ou encore comme producteur de groupe comme Palais Schaumburg et This Heat…) et les installations, en passant par la danse contemporaine et le cinéma (producteur de la musique de Michael Nyman pour les films de Peter Greenaway…). En 1993, il initie la série d’installation basée sur l’exploration du son et de l’espace, The Listening room, présentée entre autre à la Biennale de Sidney, la Tate Britain, ICC Tokyo, Ikon Birmingham ou encore Camden Arts Centre Londres.

David Cunningham sort son premier album Grey Scale en 1977, un disque où les erreurs produites sont intégrées volontairement dans la partition. Chaque digression sonore devient la base de ses répétitions à venir. De fait, l’oeuvre se construit dans l’immédiateté du moment et se modifie sans cesse, démultipliant les possibilités.

Au Plateau, deux platines diffusent deux disques de l’album Grey Scale en simultané. Les deux disques tournent en boucle et un système alterne aléatoirement la lecture de chaque disque, reproduisant ainsi les variations sonores qui fondent l’oeuvre de David Cunningham. De plus, la partition originale du disque et la pochette de Grey Scale donnent à voir l’extrait d’un film diffusant de la neige cathodique, une photographie tirée de l’oeuvre Snow Scale de Stephen Partridge.

« L’oeuvre exposée ici est une sorte d’hybride qui associe une partition écrite en 1975, l’enregistrement de cette partition, publié sous la forme d’un disque l’année suivante, et un dispositif de présentation du disque dans une salle qui accueille une autre partition (jamais enregistrée) datant de 1975 ou 1976.

La partition, intitulée Error System, correspond à un algorithme qui génère un processus de changement continuel à partir d’un point de départ musical extrêmement simple. Selon un principe important que j’applique à la plupart de mes travaux, ce processus est transparent : l’auditeur entend le système se déployer (…) » - David Cunningham, mai 2014

Stephen Partridge

Né en 1953 à Leicester (Royaume-Uni)

Stephen Partridge est un artiste britannique basé entre Londres et l’Ecosse où il est professeur en charge de la recherche à l’Université de Dundee. Pionnier de l’art vidéo au Royaume Uni, après des études au Maidstone College of Art puis au Royal College of Art, ses oeuvres ont été présentées dans les expositions vidéo fondamentales des années 70, dont The Video Show a la Serpentine Gallery en 1975, The Installation Show a la Tate Gallery en 1976. À partir des années quatre-vingt, il s’oriente vers la télévision et travaille les possibilités de ce medium, principalement dans le cadre de commissions pour Channel 4 et la BBC.

Stephen Partridge et David Cunningham collaborent régulièrement depuis 1974. Les oeuvres sonores et l’approche structuraliste de Cunningham, au dire de Partridge, ont densifié nombre de ces propres oeuvres. La réciprocité de cette proximité se retrouve ainsi sur la pochette de Grey Scale, le premier 33 tours de David Cunningham de 1977, avec une image extraite de Snow Scale. Présentée dans le cadre de l’exposition pour la première fois depuis la fin des années soixante-dix, cette oeuvre vidéo dont l’abstraction formelle découle d’un gris télévisuel (alternant in et out-of-focus, écran divisé …) explore la « neige » émise par un téléviseur ne diffusant aucune information, et propose ainsi une expérience structuraliste du tube cathodique.

Marcia Hafif

Née en 1929 à Pomona (Etats-Unis)

L'oeuvre de Marcia Hafif participe d'un mouvement qui apparaît dans les années quatre-vingt et qui s'est propagé sous diverses appellations : 'Radical Painting', 'Analytical Painting', 'Fundamental Painting'. Toutes font référence à un type de peinture abstraite, autoréférentielle et généralement monochrome du fait qu'elle consiste en l'application d'une couleur sur une surface.

En 1961, l’artiste quitte la Californie pour l’Italie où elle s’établit pendant près de 10 ans. Durant cette période, elle abandonne peu à peu le style qu’elle avait adopté aux Etats-Unis et laisse derrière elle une abstraction expressionniste pour passer à une géométrisation et une réduction de la peinture. Dans cette optique, les oeuvres de la période italienne de l’artiste contiennent les premiers éléments d’une déconstruction des formes dont l’aboutissement est leur complète disparition au profit d’un seul fond et de fait, évoquent le passage à une pratique monochrome qu’elle n’a plus abandonnée depuis 1972.

Les dessins présentés dans l’exposition ont été réalisés pour le catalogue de son exposition majeure au Mamco à Genève en 1999. Cet ouvrage recense la totalité des quelques 210 peintures et 255 dessins, collages, sérigraphies produits durant les années 1960. Les dessins regroupés au Plateau sont des reproductions de l’artiste des oeuvres de sa période romaine en raison de la disparition de la majorité d’entre elles (oeuvres détruites, perdues ou non localisées). Tous les dessins sont au format A4, réalisés à l'encre sur papier. Ils ne sont pas signés ni encadrés. Ces dessins ne sont pas ceux d’origine, ce qui leur confère un statut étrange. Ils évoquent une réalité perdue et énigmatique, l’ensemble dessinant une cartographie de ces oeuvres.

Steven Parrino

Né en 1958 et décédé en 2005 à New-York (Etats-Unis)

Figure mythique de l’art contemporain américain, connu notamment pour ses puissants monochromes noirs, Steven Parrino a violement et radicalement bousculé le champ de l’abstraction picturale. Utilisant des matériaux inattendus (comme l’huile de moteur), recourant à des gestes de destruction (froissant voire déchirant la toile), il a fait émerger son oeuvre en écho à des champs pluridisciplinaires tels que la musique ou la culture pop américaine. Ce faisant, il n’aura pourtant eu de cesse de rendre hommage à la peinture et d’en réinventer les paramètres.

Un téléviseur est posé sur un tas de briques. De la neige cathodique est diffusée en continu, marque du flux télévisuel. Sur l’écran, l’artiste a dessiné un rectangle noir formant une composition abstraite et oblitérant une partie de la vision. L’artiste traduit une sorte de degré zéro de l’image, interrogeant la notion de monochrome et de picturalité, tout en recourant à des objets fonctionnalistes a priori sans qualités. De TV Eye à la performance musicale Electrophilia, Steven Parrino a joué de la fascination pour le téléviseur (et la matière cathodique), icône de la culture pop américaine, soumis par l’artiste à la destruction ou, comme ici, au détournement. L’oeuvre exposée est la recréation par l’artiste en 2002, à l’invitation du centre d’art Circuit à Lausanne (pour l’exposition « 1977-present, Steven Parrino »), d’une oeuvre datant initialement de 1982 (et non conservée alors).

Francis Baudevin

Né en 1964 à Bulle (Suisse)

L’oeuvre de Francis Baudevin se construit autour de la notion d'appropriation. Ses peintures sont abstraites mais leurs motifs bien concrets. Il les emprunte au packaging de produits, aux pochettes de disques ou s’empare de pictogrammes et de logos industriels. Ses peintures en sont l’agrandissement débarrassé de tout élément textuel. Ses oeuvres plus récentes, certes toujours liées à l’univers graphique, sont désormais davantage orientées vers la culture populaire. Il leur donne une signification plus complexe, tout comme avec les photos de pochettes de disques, les ancrant dans un panorama d’échanges et de connexions où les systèmes d’identification sont denses et multiples.

La peinture murale qu’il réalise pour l’exposition est la transposition d’une pochette de disque vinyle des Tableaux d'une exposition de Moussorgski, dans l'orchestration de Ravel, réalisée par le peintre Joseph Albers en 1961. Le motif réalisé est constitué de lignes verticales fluctuantes et d’une rangée horizontale de « tableaux fantômes ». En transposant et adaptant le principe de cette pochette en négatif, Francis Baudevin inscrit une modification sous la forme d'une diffraction, d'une séquence d'accrochage à l'intérieur même de la cimaise. Il est donc question de partition, d’interprétation de l’image et finalement de déploiement de l'espace bidimensionnel sous la forme de réverbération. Avec ce mural, Francis Baudevin nous propose à son tour une vision possible, elle recrée une situation qui convoque les différentes strates de l'espace d'exposition et qui ainsi mêle à la fois une perception personnelle et collective. Ce mural est également le support d’accrochage d’une série de tableaux d’ Amikam Toren.

Amikam Toren

Né en 1945 à Jérusalem

Détruisant des objets existants pour leur redonner une réalité, Amikam Toren réutilise des images, toiles, et journaux à partir desquels il crée sculptures, peintures et installations. La série de tableaux présentée au Plateau reprend ce protocole de récupération, réappropriation et transformation physique. Mêlant peinture figurative et peinture abstraite, ces reproductions deviennent la trace d’une peinture qui a existé et ainsi rendent compte de ces images absentes.

Reproductions
« Toute reproduction est faite par rapport à une oeuvre originale. À l’âge moderne, les reproductions sont pour la plupart photographiques. Cette série de travaux utilise le mot « reproduction » dans sa double acception, la deuxième se référant à l’acte qui consiste à refaire. Un tableau original existant est ôté de son châssis, sur lequel est accrochée une nouvelle toile. Le tableau décroché est soumis au processus suivant: certaines parties du tableau (les coins ou d’autres parties) sont découpées et positionnées (collées) sur la nouvelle toile à l’emplacement exact qu’elles occupaient dans l’original. Le reste du tableau (toile et peinture) est réduit en pulpe et mélangé à de l’acrylique incolore de manière à obtenir une peinture, qui est alors appliquée sur le reste de la nouvelle toile, autour des fragments originaux (coins ou autres parties). Ce nouveau tableau monochrome contient l’oeuvre originale tout en renvoyant au matériau et à l’image d’origine. Le tableau original se révèle en tant que couleur pure tout en étant censuré en tant qu’image. Le titre de chaque nouvelle oeuvre décrit l’image originale désormais détruite. » - Amikam Toren