Au travers d’une centaine d’oeuvres issues des collections des départements antiques et modernes du Louvre, enrichies par des emprunts à d’autres grands fonds, l’exposition évoque la fonction paradoxale du masque, emblème de l’illusion, celle qui consiste à « dérober et produire un double ». Quel est son effet ? Suffit-il de modeler un visage pour modifier le comportement du porteur ? Sa signification symbolique et magique est-elle attachée aussi bien à celui qui revêt le masque qu’à celui auquel il est destiné ?

En Occident, depuis la haute antiquité, il existe des hommes masqués. Le masque cache le visage au profit de son double et cette occultation porte une révélation. Il donne forme au mystère. Il est un simulacre qui va à l’essentiel. Il appartient au registre sacré comme à celui du profane, à la vérité comme à la vanité, à la réalité comme à la fiction. Il épouvante et séduit, imite et trompe.

Dessins, sculptures, peintures, gravures montrent son rôle religieux dans le théâtre grec, sa force expressive, ludique et quelque peu diabolique dans la fête, le bal ou la comédie italienne, son empreinte funèbre au lit de mort et sa force pérenne et protectrice au tombeau. Est aussi abordée la duplicité du masque dans le monde de l’allégorie, sa présence dans l’ornement sous la forme du mascaron qui ne semble rien d’autre qu’un avatar de la tête de la Gorgone coupée par Persée et placée sur les armes d’Athéna pour y conserver son pouvoir sidérant.

Commissaires de l’exposition :
Françoise Viatte, conservateur général honoraire du patrimoine, ancienne directrice du département des Arts Graphiques, Dominique Cordellier, conservateur en chef au département des Arts graphiques, Violaine Jeammet, conservateur en chef au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, musée du Louvre.. Introduction de Jean Starobinski

Publication : Catalogue sous la direction de Françoise Viatte, Dominique Cordellier, Violaine Jeammet, avec la collaboration d’Hélène Grollemund. Coédition Officina Libraria / musée du Louvre éditions. 256 pages environ. 32 euros.

Cinq grands thèmes servent de fil conducteur à cette évocation. : le théâtre, la mort, le masque de la Gorgone, le mascaron, l’illusion répondent aux différentes significations prêtées au masque.

Ces sections, associant les photographies à des masques antiques, des pièces de la Renaissance et de l’âge baroque, des dessins, des estampes et des peintures, sont autant de représentations du masque et de ses multiples fonctions.

Le théâtre

La place que le masque occupe dans le théâtre, le ballet de cour et la mascarade constitue la première partie de cette présentation. Elle s’ouvre avec l’évocation de Dionysos, le dieu-masque, celle des acteurs et de leurs masques dans la Grèce ancienne, et se poursuit avec des feuilles rares de la Renaissance française, des projets de costumes du XVIIe siècle, une suite d’estampes de Callot, les Balli di sfessania. Le théâtre de la comédie italienne est évoqué avec la peinture de Gillot, Les deux carrosses et deux dessins du même artiste.

La mort, le masque de la Gorgone et le mascaron

Le passage du masque au portrait et du portrait au mascaron se laisse percevoir à travers la double représentation du visage marqué par la mort. A une sélection de masques funéraires présentée en vitrine, font face plusieurs interprétations de la Gorgone, qui peut faire périr ceux qui soutiennent sa vue, mais devient ensuite l’arme magique d’Athéna. Vue « en course agenouillée » ou fixée au bouclier de la déesse, elle se présente comme un visage immobilisé, pétrifié, qui peut être compris comme une amorce de la stylisation du mascaron.

Ce dernier transforme le visage humain pour le plier vers l’arabesque, le décor végétal, les formes hybrides, créer une « bizarrerie », qui va s’insérer dans l’architecture et le décor, trouver sa place, parfois ironique, parfois burlesque, souvent macabre dans les planches d’ornement que nous ont laissées les maîtres du XVIe siècle et ceux des siècles qui ont suivi.

L’illusion

Objet polymorphe et antropomorphe, le masque dérobe le vrai visage pour en créer un faux. Il apparaît ainsi dans l’exposition comme l’attribut privilégié de toutes ces illusions non seulement dans le registre de l’allégorie - mensonge, fraude, commerce amoureux, hérésie - mais aussi dans celui de la vie mondaine bien illustré par Gros, Delacroix, Victor Hugo et les Goncourt...