Longtemps, les femmes ont subi les grossesses comme une fatalité qui les condamnait à être mises au ban de la société lorsqu’elles se retrouvaient enceintes hors mariage, qui les transformait en simples génitrices lorsqu’elles étaient mariées. Combien de femmes étaient enceintes quasiment non stop de leur mariage à la ménopause, quand elles ne mouraient pas avant, soit de la fièvre puerpérale, soit parce que leur organisme était trop fatigué par ces épreuves permanentes. Elles étaient usées avant d’avoir eu le temps de vieillir. Elles n’avaient de reconnaissance sociale qu’au travers leur statut de mère.

Néanmoins, depuis des siècles, un rapport avait été établi entre les cycles mensuels et la fertilité. Ainsi, Soranos D’Éphèse écrivait au 1er siècle après J.-C.

De même que toute saison n’est pas propre pour faire pousser les semailles, de même aussi tout mouvement n’est pas favorable à la semence projetée dans l’utérus par les rapprochements sexuels.[...] Le meilleur [moment] pour la conception est celui de la cessation de l’écoulement menstruel, les femmes sont alors portées vers l’acte vénérien et le désirent.

Au XVIe siècle, dans les Trois livres appartenant aux infirmités et maladies des femmes du médecin Jean Liebaut, l’auteur soutient une thèse sur la conception qui a eu cours assez durablement.

Selon lui, une femme concevra un enfant...

si quatre ou cinq jours auparavant la femme a eu ses purgations naturelles. Si la femme avec grande délectation et plaisir merveilleux a jeté sa semence avec celle du mari. Si la semence reçue n’est sortie tôt ni tard.

Autrement dit, non seulement est établie une période de fécondité en lien direct avec le cycle de la femme, mais la conception est étroitement liée au plaisir de celle-ci puisque résultant du mélange des semences masculines et féminines. Aussi, si l’on se réfère à cela, pour éviter une grossesse non désirée, nos ancêtres se fiaient-ils non seulement au calendrier, mais également à l’absence de plaisir de leurs partenaires. Cela pouvait s’avérer efficace dans certains cas mais restait aléatoire.

D’autres méthodes artisanales pouvaient également être utilisées par les femmes : douches spermicides, composées d’huile, de vinaigre et de citron. On a également retrouvé des recettes mentionnant de l’alun, de la ciguë, du thé vert, des racines de framboisier, de la poudre de plomb, du bicarbonate de soude, de l’acide, de la strychnine ou de l’alcool. Cela n’était pas sans risque pour la santé des utilisatrices qui, pour certaines, pouvait voir réduite à néant leur capacité à enfanter.

Les hommes aussi se sont saisis de la contraception, avec l’usage de préservatifs – sans doute le moyen contraceptif le plus ancien puisque déjà utilisé par Chinois et Japonais, qui le fabriquaient en cuir ou en écailles de tortue, mais apparu sous une forme proche de celle actuelle en 1735 et fabriqué en appendice d’animaux – et la pratique du coïtus interromptus – ou retrait avant éjaculation – a été également beaucoup utilisée, mais restait néanmoins peu fiable puisque l’on sait que des spermatozoïdes peuvent être présents dans le liquide séminal bien avant l’éjaculation. Si l'usage du préservatif s’est développé, c’est néanmoins plus lié au fait qu’il protégeait des épidémies de maladies vénériennes. Si son usage était ainsi préconisé aux soldats qui fréquentaient les bordels, l’Allemagne nazie, pour qui une forte natalité était le pilier de la constitution de son rêve de nation aryenne, en interdira cependant l’utilisation dans le cadre familial.

Le premier outil de contraception destiné aux femmes apparaît à la fin du XIXe siècle : le diaphragme. Constitué d’une membrane en caoutchouc épais, il devait être placé de manière à recouvrir le col de l’utérus avant tout rapport sexuel. Avec lui, elles ont enfin un moyen mécanique fiable qui plus est échappant au contrôle des hommes.

En cas d’échec, les femmes n’hésitaient pas à recourir aux méthodes les plus fantaisistes et dangereuses pour mettre un terme à une grossesse non désirée. Du détournement d’usage de médicaments à l’utilisation de substances telles que persil, l’avocat, la coriandre, le manioc, le datura, le citron vert, la marjolaine, la marijuana ou encore la passiflore, ou plus tard gasoil, détergent, alcool, huile de ricin, glucose. Ces avortements clandestins ont mutilé ou tué bon nombre de femmes jusqu’à la légalisation de l'IVG en France, en 1975.

La légalisation de la contraception, notamment est arrivée en Europe dans les années 60, et en 1967 en France – où la contraception était interdite depuis 1920 – avec la promulgation de la loi Neuwirth. Cette loi n’a été réellement appliquée qu’en 1972, du fait de nombreux freins de l’administration. Il faudra attendre 1974 pour que la « pilule » soit remboursée par l’assurance-maladie et qu’elle ne soit plus interdite aux mineures (rappelons qu’alors, la majorité était à 21 ans).

En parallèle, les mouvements féministes à l’origine de la naissance du planning Familial s’investissent également pour défendre la légalisation de l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG). Le désormais emblématique procès de Bobigny, où cinq femmes étaient poursuivies pour avortement, pratique de l’avortement et complicité, et pour lequel l’accusée principale, mineure, était défendue par Gisèle Halimi, leur offre une médiatisation qui enclenchera le mouvement vers la légalisation quelques années plus tard.

Il faudra attendre ensuite 1999 pour que la pilule du lendemain puisse être délivrée en pharmacie sans ordonnance, y compris aux mineures (2016 pour que les infirmières scolaires soient autorisées à en faciliter l’accès aux mineures), 2015 pour que les sages-femmes soient autorisées à pratiquer des IVG médicamenteuses en plus de leur droit à prescrire une contraception ou à poser un dispositif intra-utérin.

Aujourd’hui, les formes de contraceptifs (hormonaux ou mécaniques) se sont diversifiés. Ainsi outre la pilule, il y a également l’implant, le contraceptif injectable (une piqûre tous les 3 mois), le stérilet à délivrance hormonale – qui a l’avantage de supprimer les règles, là où son homologue en cuivre a tendance à provoquer des règles hémorragiques, l’anneau vaginal, la cape cervicale et bien sûr encore et toujours le diaphragme plus méconnu. Tous sont accessibles gratuitement dans les centres de plannings familiaux, car le coût constitue encore une dépense que toutes les femmes ne peuvent se permettre.

C’est pourquoi, à partir de janvier 2022, tous les contraceptifs hormonaux seront gratuits en France pour les femmes de moins de 25 ans. Il y a là un véritable progrès, même si l’on peut déplorer la barrière de l’âge.

Un vrai choix libre et éclairé

Mais ce qu’il reste encore à conquérir, c’est le droit pour chaque femme de pouvoir obtenir la contraception qu’elle juge la mieux adaptée pour elle. Ainsi, une jeune femme sans enfant aura beaucoup de mal à se faire poser un stérilet. La pilule ou l’implant lui sera systématiquement proposé. C’est encore plus difficile pour celles qui savent qu’elles ne souhaiteront jamais être mère – ou qui ne souhaite plus l’être pour diverses raisons – et qui sollicitent une ligature des trompes. Sous prétexte qu’elles peuvent changer d’avis un jour, l’argument de « faire plaisir » à un futur partenaire de vie est même souvent avancé, trop de gynécologues refusent d’accéder à une demande qui est pourtant légitime et réfléchie. Selon certains témoignages, certains médecins vont jusqu’à accueillir leurs patients par un « Alors, toujours pas enceinte ? » lors de consultations pour un renouvellement d’ordonnance de contraception. De là à penser qu’ils considèrent les femmes comme trop immatures ou incapables de vraies décisions les concernant, il n’y a qu’un pas.

L’idée qu’une femme doit nécessairement être mère pour être reconnue socialement est encore bien ancrée dans nos sociétés.

La virilité se mesurerait-elle au taux de spermatozoïdes ?

Enfin, il y a la contraception masculine. Les méthodes non hormonales ou méthodes thermiques (slip chauffant, andro-switch) permettraient un effondrement du nombre de spermatozoïdes produits. Ces méthodes ne sont pas reconnues par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les méthodes hormonales sous forme d’injections hormonales ou de pilule : ces méthodes sont encore à l’état de recherche. Des essais ont lieu, mais ces méthodes ne sont pas déployées en France. Certains vont jusqu’à dire que la pilule causerait des effets indésirables… Ah bon ? Et celle pour les femmes n’en causent pas peut-être ? Pas touche la sacro-sainte virilité ! Tirez à blanc, mais vous n’y pensez pas !

Heureusement, certains hommes, concernés par le bien-être de leur compagne intolérante aux contraceptifs féminins – et il y en bien plus qu’on ne le pense – n’hésitent pas à demander une vasectomie – étrangement, là les médecins ne leur disent pas qu’ils peuvent changer d’avis – afin que la sexualité de leur couple soit enfin sereine.

Et parce que la grossesse n’est pas le seul risque, rappelons que, quelle que soit la méthode que vous choisissez, n’oubliez pas que le préservatif (interne ou externe) est le seul contraceptif qui protège du VIH et de la plupart des autres IST. Il peut également être associé à un autre mode de contraception : c’est ce qu’on appelle la « double protection ».