L’infini est là. Chacun des tableaux de la troisième exposition personnelle de David Hominal à la galerie Kamel Mennour en est une manifestation. L’artiste ouvre un espace originaire où questionner le dedans et le dehors. C’est la naissance et l’ouverture ; c’est la grotte et la trouée de lumière ; c’est le retour vers la matrice pour dessiner sur les parois les formes d’un monde à connaître, pour traduire en signes les expériences et les phénomènes.

Les toiles de David Hominal forment un ensemble de façades où le rythme donne l’impulsion vitale. On y entend la peinture avant de la voir. Les motifs sont scandés en séries, les couleurs perçues dans leurs tonalités, les gestes propulsés dans un seul élan. La fenêtre tente de délimiter, d’encadrer, d’aménager un passage. Entre quels espacestemps ? « Le tableau est une fenêtre sur le monde », écrivit Leon- Battista Alberti au XV e siècle (1). Les frontières des toiles pourraient lui faire écho si la pratique de l’artiste franco-suisse ne venait contredire cette affirmation.

« J’entre dans l’espace de la couleur par le monochrome », dit David Hominal. Cet espace monochromatique, qui forme l’arrière-plan de chacune des toiles, met en présence l’infini. Là où la vie se forme, s’informe, se déforme. Trépasse et renaît. On se souvient des mots de Vincent Van Gogh : « Il y a dans la peinture quelque chose d’infini […] Il y a dans les couleurs des choses cachées d’harmonie ou de contraste qui collaborent d’elles-mêmes et dont on ne pourrait tirer parti sans cela. »(2) Le mystère de la couleur est ontologique avant d’être plastique. Les toiles de David Hominal nous élèvent à ce niveau-là pour, ensuite, poser la question du réel. La fenêtre en est le cadre. Elle apparaît à l’avantplan, ouverte ou fermée, inondée de lumière citron ou perdue dans un gris de rayogramme photosensible. La fenêtre est l’espace qui rend possible la rencontre avec le réel, voire « l’irruption de la réalité », selon les mots du peintre allemand Gerhard Richter. David Hominal, dans une intuition magistrale, donne à voir que le réel n’est accessible que par le fantasme, ce petit roman de poche que chacun se raconte selon sa singularité. Autrement dit, il n’y a pas d’autre accès à l’infini que la fenêtre. Y entrer, c’est pouvoir élire foyer dans le feu des motifs dansants que David Hominal nous ramène de loin, de très loin. Ils sont des trésors car ils sont les fruits d’une traversée primale où la peinture a permis à l’artiste de ne pas se noyer dans la couleur.

Annabelle Gugnon

Notes

1 Leon-Battista Alberti, « De la statue et de la peinture », A. Lévy éditeur, 1868.

2 Vincent Van Gogh, « Lettres à son frère Théo », éd. Grasset, 2004.