On parle de plus en plus fréquemment de l’Intelligence Artificielle, elle se matérialise à nous dans cette dernière invention qu’est ChatGPT. Le Chat comme tout le monde le sait est un dialogue en ligne, ajoutez-y un Générateur Transformateur Pré-entraîné et vous obtiendrez un assistant virtuel prêt à dialoguer avec ses utilisateurs et à leur fournir les réponses à toutes leurs questions. Rien de très dangereux, l’Intelligence Artificielle conçue ainsi semblerait être l’outil idoine pour qui cherche réponse à toutes les questions de ce monde.

Dans notre société qui s’informe à tout va, ChatGPT, semble répondre à un besoin de l’homme moderne celui d’une information constante. Les derniers chamboulements géopolitiques nous ont montré pourtant, combien une information mal orientée peut déséquilibrer les démocraties. Les réseaux sociaux ont montré dans ce cas leurs limites informationnelles tous azimuts. Que nous prépare donc cette nouvelle offre informatisée ? La mort certaine de plusieurs professions, celles de l’écrit. On nous dit que seuls les métiers manuels résisteront. Les auteurs, les journalistes, les interprètes, les secrétaires et tous les métiers liés à l’écrit n’auront plus la nécessité d’être.

Or, rien ne remplacera l’expérience d’un journaliste dont la fonction est d’interroger les faits, les tamiser dans une enquête minutieuse pour tendre vers une vérité objective. Qui de l’Intelligence Artificielle ou de l’homme de terrain pourra au mieux donner accès aux problématiques liées à notre époque ? L’IA a beau se nourrir de toutes les données possibles et imaginables, elle ne pourra pas restituer ce qui fait la grandeur de ce métier, « donner une forme à la vérité, la façonner à l’aune des faits ». Nous apprenons également que les premiers livres issus de cette technologie sont déjà vendus sur Amazon. On nous prédit des secousses dans le monde de l’édition. Que faire de toutes ces œuvres générées par les serveurs ?

Pour les auteurs dont je suis l’arrivée de chat GPT questionne mais n’effraie pas. Un auteur est lu pour le message qu’il porte, mais également pour cette part inconsciente de lui qu’il dissémine telles des poussières de lui-même, et qui rendent son œuvre unique. On lit le Petit Prince parce qu’il y a dans ce récit de l’esprit de Saint Exupéry. Les romans d’Emile Zola sont devenus des classiques intemporels parce qu’ils nous plongent dans une époque qui en dit long sur nous. Il a su avec sa plume inégalable en restituer la grandeur des femmes et des hommes du XIX -ème siècle mais également leurs travers. Ils sont nos miroirs intemporels. Il a décrit avec justesse la grandeur et la décadence d’une ère comme un leg pour les générations à venir. Mais, la célébrité d’un Zola ne s’arrête pas là, l’Histoire a retenu de lui l’homme de conviction qui trempa sa plume au nom de l’injustice dans un J’accuse (L'Aurore, le 13 janvier 1898) qui reste un des plaidoyers les plus puissants pour la vérité :

Puisqu'ils ont osé, j'oserai aussi, moi, La vérité, je la dirai, car j'ai promis de la dire, si la justice, régulièrement saisie, ne la faisait pas, pleine et entière. Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l'innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu'il n'a pas commis.

Et de penser à toutes ces autrices et ces auteurs qu’on choisit de lire parce qu’ils portent en eux une réponse, qui a mieux su restituer les voix de ceux qui n’en avaient pas. Assia Djebar a donné une parole aux indigènes, Gabriel García Márquez et Borges ont dévoilé l’Amérique latine dans toute sa complexité et sa poésie, Milan Kundera en dit beaucoup sur la force du hasard. Naguib Mahfouz a écrit l’Egypte comme personne, Albert Camus a sublimé le tragique de l’absurde, Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire ont favorisé l’affirmation d’une culture afro-caribéenne. La liste est trop longue de toutes ces femmes et ces hommes de lettres qui ont enchanté ou dénoncé notre monde.

Chat GPT aura beau produire des reliquats de fictions mais la passion des femmes et des hommes de lettres aura toujours le dernier mot.